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Soufre sur prairies : des besoins à vérifier

Maintien des légumineuses, augmentation du rendement, meilleur équilibre des espèces, tels sont les effets mis en évidence, d’un apport soufré lorsqu’il se justifie en complément d’une fertilisation azotée, sur prairies conduites intensivement.

Les prairies de fauche sans apport d’engrais organiques représentent les plus forts risques de carence en soufre.
Les prairies de fauche sans apport d’engrais organiques représentent les plus forts risques de carence en soufre.
© M. Portier

Jusque dans les années 1980, les retombées atmosphériques de soufre, deux fois supérieures aux besoins des cultures, compensaient les exportations et étaient ainsi suffisantes pour couvrir les besoins non négligeables des prairies. En termes de besoin en soufre, les prairies arrivent juste derrière le colza et les pommes de terre – céréales à paille. La lutte contre cette pollution dans les usines pétrolières a contribué en partie à l’appauvrissement des sols en cet élément et ce, particulièrement en l’absence de fumures organiques. « Aujourd’hui, on estime que les apports atmosphériques couvrent en moyenne, la moitié des besoins en soufre des prairies et les carences en cet élément, indispensable à la physiologie de la plante peuvent parfois affecter sévèrement la croissance de l’herbe », explique Didier Deleau, ingénieur régional fourrages, Arvalis à la ferme expérimentale de Saint-Hilaire en Woëvre, dans la Meuse. Les premiers signes liés à une carence en soufre ont été observés en Irlande et en Angleterre. « La chute des apports s’est manifestée par une diminution du rendement, une modification du cortège floristique et de la composition nutritive des fourrages. Suite à ce constat, nous avons commencé à travailler sur le sujet pour définir dans notre contexte régional les atouts d’une fertilisation soufrée », souligne Sylvain Diquélou, de l’université de Caen.

Une meilleure fixation de l’azote atmosphérique

Depuis 2004, une expérimentation sur le long terme de différentes modalités de fertilisation azotée et soufrée est menée au domaine expérimental de l’Inra du Pin au Haras (Calvados), sur des prairies temporaires de ray-grass anglais/trèfle blanc (durant cinq ans) et sur des prairies naturelles (durant dix ans). « Préalablement à ces essais au champ, des travaux ont été conduits sous serres. Ils ont permis de mettre en évidence l’importance du soufre dans la fixation de l’azote par les légumineuses. Il permet en effet de lever les inhibitions de la fixation de l’azote atmosphérique par le nitrate des fertilisants en augmentant le nombre de nodules des légumineuses, leur taille et leur activité, ceci en jouant sur la principale enzyme de la fixation de l’azote atmosphérique de la plante », poursuit le chercheur.

Au domaine expérimental du Pin au Haras, lorsqu’une fertilisation azotée a été appliquée avec un apport conjoint de soufre, un maintien du trèfle principalement pour les prairies temporaires et dans une moindre mesure en prairies naturelles a été noté. « D’autre part, nous avons observé une plus forte production de fourrages à l’automne, de l’ordre de 25 % supplémentaires pour les prairies de fauche, ainsi qu’une meilleure diversité des graminées en prairies naturelles. Le maintien du trèfle en prairies semées a été observé dès l’apport de 15 unités de soufre, mais plus significativement de 30 à 50 unités pour un apport d’azote à 180 unités. Il est nécessaire dans tous les cas de disposer d’un bon équilibre entre le rapport azote - soufre. Tout apport supplémentaire de soufre a été lessivé en raison du climat pluvieux de la région », précise Sylvain Diquélou.

Des besoins différents selon les types de sols

Les besoins sont variables en fonction des sols et de la localisation géographique. La frange littorale est par exemple moins concernée par ce phénomène de carence, en raison du relargage du soufre atmosphérique par les micro-algues. Les risques de carence sont aussi plus rares en cas d’apports réguliers d’engrais de ferme (trente unités de soufre équivaut à un apport de 30 tonnes par hectare de fumier composté) et en sols profonds « mais sont d’autant plus fréquents que le sol est sensible au lessivage, c’est-à-dire superficiel, caillouteux, sableux et que la pluviométrie a été importante en automne et en hiver. Le risque est accentué lors de printemps froids, car la minéralisation de la matière organique du sol est alors peu importante. Dans ces conditions, un apport de soufre peut être utile », constate Didier Deleau. Des essais conduits durant plusieurs années sur prairies permanentes, en sols argileux profonds, par Arvalis Institut du Végétal dans la Meuse, a montré qu'un apport de SO3 n’avait pas permis d'améliorer le rendement en fourrage. Par contre, un autre essai conduit par Arvalis dans le Lot, sur une prairie temporaire implantée sur un sol superficiel a montré qu’un apport de soufre permet en général une augmentation du rendement significative mais qui peut être variable selon les années (+10 à +30 %). « Un apport de 40 à 60 kilos de SO3 par hectare, au moment du premier apport d’azote, suffit pour corriger les carences en soufre de l’année. Tous les engrais soufrés peuvent convenir », ajoute Didier Deleau.

Des perspectives de recherches

Une analyse de sol ne permet pas d’observer une carence en soufre, car il doit être minéralisé pour être disponible pour la plante. « On essaie de développer deux indicateurs basés sur le rapport entre le sulfate présent dans la plante et d’autres anions et de trouver des systèmes facilement mesurables au champ. Une alimentation en soufre de la prairie carencée permettrait d’apporter davantage de protéines dans le fourrage, ce qui pourrait diminuer l’apport de protéines dans les rations. D’autre part, il pourrait avoir des effets sur la qualité du lait (acide gras). D’autres éléments restent à creuser. En Nouvelle-Zélande où les apports soufrés sont nécessaires depuis longtemps, des essais ont été conduits sur l’impact d’une carence en soufre sur le sodium et donc sur l’appétence du fourrage. Dans le cadre d’une fertilisation minérale, il est donc important de ne pas réfléchir qu’en termes d’apport N-P-K ou azoté », conclut Sylvain Diquélou.

 

La carence en soufre se manifeste par la décoloration (vert pâle à jaune), comme pour les carences en fer, magnésium…, des plus jeunes feuilles. Malheureusement, elle n'est bien visible et repérable qu'assez tardivement, au cours du premier cycle de croissance, généralement le plus affecté, et il est trop tard pour la corriger efficacement.

Calcul de l’indice de nutrition soufrée

« Un indice de nutrition soufrée a été défini par des chercheurs belges de l’université de Louvain à partir de l’analyse des teneurs d’azote et de soufre de l’herbe. Il permet de caractériser le niveau de nutrition en soufre de la prairie », note Didier Deleau. Ainsi, quand l’indice est inférieur à 87, une fertilisation soufrée doit être appliquée. Entre 87 et 100 une fertilisation accroît dans 80 % des cas le rendement. Pour un indice compris entre 100 et 109, un gain de rendement de l’ordre de 10 % de matière sèche dans 73 % des cas peut être espéré avec une fertilisation soufrée.

Comme pour les indices P et K, des précautions doivent être prises pour une bonne interprétation de cet indice : rendement entre 2 et 5 TMS, teneur en légumineuses < 20 %, prise en compte des conditions climatiques (précipitations hivernales, températures au printemps…) qui peuvent conduire à une forte variabilité de la nutrition soufrée d’une prairie d’une année à l’autre.

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