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Renouvellement des générations : quels défis attendent les éleveurs de bovins viande de demain ?

À partir des recensements agricoles, l’Institut de l’Élevage (Idele) a identifié les obstacles auxquels la relève est confrontée en vaches allaitantes et comment les exploitations se sont transformées au cours de cette dernière décennie.

Entre 2010 et 2019, 1 500 à 2 000 installations ont été recensées chaque année, avec au moins cinq vaches allaitantes ou de l’engraissement (sans vaches ...
Entre 2010 et 2019, 1 500 à 2 000 installations ont été recensées chaque année, avec au moins cinq vaches allaitantes ou de l’engraissement (sans vaches laitières).
© François d'Alteroche

En vaches allaitantes, « les installations annuelles de jeunes et moins jeunes mais nouveaux chefs d’exploitation sont assez stables depuis 2010 (1), ou du moins elles l’étaient jusqu’à la crise sanitaire et au contexte inflationniste qui ont davantage perturbé les flux dans les filières bovines en comparaison aux autres secteurs agricoles », retrace Christophe Perrot, économiste à l’Idele. Pour autant, ces installations étaient déjà insuffisantes pour remplacer les nombreux départs consécutifs liés au vieillissement des chefs d’exploitation.

« À la moindre rentabilité des activités bovin viande face aux productions végétales, surtout au regard du capital mobilisé et du travail nécessaire pour produire, s’ajoute en effet un choc démographique qui entraîne une érosion accélérée du nombre d’éleveurs, et avec lui du cheptel de bovins », rapporte l’Idele dans un dossier Économie de l’élevage intitulé « Viande bovine en France : chronique d’une érosion depuis 2010 ».

Le secteur d’élevage le plus concerné par le vieillissement

Avec 54 % d’éleveurs de 50 ans et plus, 38 % de 55 ans et plus, 18 % de 60 ans et plus et seulement 22,4 % de moins de 40 ans (comptant au moins vingt têtes) en 2020, l’élevage de vaches allaitantes échoit d’une pyramide des âges des chefs et coexploitants particulièrement déséquilibrée. « Les secteurs bovins lait et viande connaissent une vague démographique de grande ampleur héritée des politiques agricoles de restructuration et d’installations soutenues des années 1990 », reprend Christophe Perrot. Le maintien en activité d’éleveurs actifs à un âge de plus en plus avancé couplé à la progression des installations tardives accentue ce phénomène.

Résultat, « entre 2020 et 2021, le renouvellement des actifs en bovin viande figurait parmi les taux les plus bas par rapport aux autres productions, s’élevant à seulement 50 % de remplacement des départs en systèmes bovins viande spécialisés d’après la MSA », situe-t-il. Les situations démographiques sont contrastées d’une région à l’autre. « Le Sud du Massif Central et les zones de montagne sèches affichent de meilleurs taux de remplacement en comparaison aux Pays de la Loire, région où les alternatives agricoles sont plus évidentes et nuisent au maintien des systèmes de production bovins viande plus spécialisés », explique Christophe Perrot. Une évolution qui va de pair avec la dynamique de cheptel. En effet, le rythme de décapitalisation est plus lent dans le grand bassin allaitant (de l’ordre de 1,5 %/an en moyenne sur cinq ans), notamment dans les Alpes du Sud et une partie du Massif Central, alors qu’il est supérieur à 3 % dans les zones de polyculture élevage ou du grand ouest où l’attrait pour les cultures est marqué.

Un travail difficile à externaliser

Autre source de préoccupation, au sein des 103 300 Équivalents Temps Plein (ETP) recensés dans les exploitations avec bovins viande, seule 11 % de la main-d’œuvre est salariée voire 7 % en système allaitant spécialisé, soit le taux le plus bas de toute l’agriculture française. « Le travail est plus difficile à externaliser pour le cœur des activités d’élevage de ruminants et repose donc sur de la main-d’œuvre familiale ou non salariée. Pour l’instant, il n’y a pas de plan B au renouvellement de ces actifs qui passe essentiellement par des installations », analyse Christophe Perrot.

Par ailleurs, l’expert pointe une double activité très présente, qui limite la baisse du nombre d’actifs mais n’aide pas à la restabilisation du cheptel. Parmi les 17 550 personnes installées avec des vaches allaitantes depuis 2010 et toujours en place en 2020, seul un tiers avait choisi de s’insérer dans un Gaec, souvent de grande taille et peu accessible aux installations hors cadre familial. Et parmi ceux installés en individuel, ils ont eu recours près d’une fois sur deux à la double activité. « Le nombre de personnes concernées par une installation en double activité ou en Gaec de taille conséquente est comparable (environ 3000). Mais le nombre de vaches "stabilisées" par ces installations qui sont souvent des reprises est très différent : 400 000 vaches pour les installations en Gaec contre 60 000 pour les deux types de double actifs », observe Christophe Perrot.

Lire aussi | Femmes en élevage : une difficile reconquête

D’un côté, 41 % de ces installations se font dans le cadre de Gaec avec plus de 100 vaches en moyenne. D’un autre côté, 40 % de ces jeunes s’installent en individuel, avec pour près de la moitié d’entre eux une autre activité non agricole et un petit cheptel au démarrage (25 vaches en activité agricole secondaire, 35 vaches quand l’activité agricole est principale).

Une baisse inédite des chargements

Par ailleurs, si l’assolement est parfaitement stable depuis 2010, le cheptel et le chargement marquent le pas. « Globalement, le cheptel total des exploitations non laitières avec vaches allaitantes s’est réduit de 7 % (en nombre d’UGB) à SFP égale », évalue Christophe Perrot. Aussi, l’économiste observe une baisse de chargement moyenne de 0,1 UGB/ha SFP entre 2010 et 2020, qui concerne toutes les grandes régions d’élevage. « C’est une évolution engagée depuis 2 000 dans l’Ouest et les zones de polyculture élevage mais inédite pour la zone herbagère Charolais-Limousin du Nord du Massif Central et le cœur montagneux du Massif Central », reprend-il.

« Les sécheresses de 2017 à 2020 et le manque de main-d’œuvre pour remplacer les départs ont modifié ces équilibres, les exploitations continuant à croître en surfaces mais avec moins de cheptels pour gagner en souplesse et facilité de conduite », développe l’expert de l’Idele.

À noter que l’élevage allaitant poursuit une extensification : le chargement de l’ensemble des surfaces fourragères qu’il utilise est passé de 1,15 UGB/ha de SFP à 1,6, une valeur désormais faible qui reflète aussi la progression de la part de systèmes naisseurs, passant de 64 % en 1988 à 77 % en 2020. Bien qu’en recul en nombre de têtes, cet élevage continue de remplir sa mission de gestion et de valorisation de surfaces très importantes, notamment prairiales.

 
Christophe Perrot, économiste à l'Institut de l'Élevage
Christophe Perrot, économiste à l'Institut de l'Élevage © Idele

« Avec la chute du nombre d’élevages laitiers bovins, les élevages typés bovins viande, au nombre de 70 600, rassemblent désormais la moitié des élevages significatifs de ruminants en 2020. »

Le saviez-vous

La France allaitante bovine valorise 7 millions d’hectares (26 % de la SAU française), sans changement depuis 2010, avec 72 % de SFP dans la SAU, dont 68 % d’herbe et 4 % de maïs/SFP du fait du faible poids de l’engraissement.

Des Gaec familiaux de grande taille peu accessibles aux hors-cadre familiaux

Source : Agreste recensement agricole 2020 - traitement Institut de l’Élevage

La forte diversité des installations tend à se polariser d’une part autour d’installations ou insertions dans un grand collectif de travail de type Gaec, et d’autre part autour d’installations en individuel de plus petites tailles et près d’une fois sur deux avec double activité.

Aussi, Christophe Perrot de l'Idele, souligne la difficulté pour les hors-cadre familiaux de s'insérer dans un Gaec, souvent de grande taille. 15 % seulement d'entre eux intègre cette forme sociétaire, soit le taux le plus bas de l'agriculture française. En installation individuelle, les hors-cadre familiaux pèsent pour un tiers, se situant ainsi dans la moyenne de l'agriculture française. 

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