Réduire les gaz à effet de serre mais pas au détriment du revenu
À quelques mois de la 21e conférence des Nations-Unies sur le climat (COP 21) accueillie par la France, la filière de l’élevage ruminant a organisé un colloque pour faire le point sur cette problématique.
« En 2006, l’élevage a subi ses premières interpellations sur le changement climatique. Un sentiment de frustration et d’étonnement est né suite au premier rapport de la FAO, très critique. Depuis, des études ont été engagées pour mieux comprendre la nature et l’origine des émissions dans les filières lait et viande. Certes, aujourd’hui notre priorité est la survie économique de nos élevages. Toutefois, en tant que responsable, il est important de s’intéresser à cette problématique », note Dominique Daul, éleveur et chargé des questions environnementales à Interbev, lors du colloque sur le climat(1) organisé les 0 et 0 juin???, par la Confédération nationale de l’élevage (CNE), l’Institut de l’élevage, Interbev et le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel).
Au cours de ces deux journées, les intervenants se sont accordés sur le fait que l’élevage est un contributeur du réchauffement climatique par l’émission de gaz à effet de serre (GES). « Mais, résumer l’élevage à quelques chiffres clés et médiatisés, c’est ignorer une réalité beaucoup plus complexe et l’existence de marges de progrès importantes, pour gagner en efficience et réduire les émissions. L’élevage de ruminants dispose de nombreux atouts pour résoudre les grands défis alimentaires (explosion de la demande mondiale dans les pays en développement) et environnementaux des années à venir », a rappelé Jean-louis Peyraud, directeur de recherche à l’Inra.
« La problématique environnementale n’est pas récente au niveau de l’élevage. Cela fait 20 ans qu’elle est intégrée aux pratiques des éleveurs. Les émissions de GES de l’élevage bovin en France ont d’ailleurs baissé de 14 % entre 1990 et 2010 », précise Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement à l’Institut de l’élevage.
Optimiser l’existant et introduire de nouvelles pratiques
« En optimisant les systèmes existants et en introduisant de nouvelles pratiques, l’élevage a son rôle à jouer dans le changement climatique », estime Armelle Gac, chef de projet évaluation environnementale à l’Idele. Certains leviers peuvent être actionnés pour réduire l’empreinte carbone. Les pistes prioritaires présentées ont porté sur le renforcement de l’autonomie alimentaire des fermes et de leur efficacité technique et économique (allongement du temps de présence des bêtes dans les prairies, réduction du nombre d’animaux improductifs, implantation de légumineuses et de prairies multi-espèces…), sur l’optimisation des fumiers et lisiers en engrais naturels et sur le développement d’énergies renouvelables (méthaniseurs, énergie solaire…). « La recherche doit continuer afin de préciser l’efficacité et l’additionnalité des leviers », précise Armelle Le Gac.
Pour abaisser de 15 à 20 % les émissions de gaz à effet de serre dans les dix ans, deux programmes d’actions ont été initiés, l’un en lait (Life Carbon Dairy) et l’autre en viande (Beef Carbon, voir RBV n° 225 avril 2015, page 9). « Derrière les solutions, il ne faut pas oublier l’aspect économique mais aussi humain, si l’on veut que nous, éleveurs, nous nous les approprions. C’est pourquoi, il faut faire évoluer les pratiques conjointement et avec beaucoup de pragmatisme. Présentons des choses utilisables et surtout utilisées », a souligné Dominique Daul.
D’autre part, il a été rappelé le rôle majeur de l'élevage dans le stockage de carbone et son besoin de reconnaissance. En effet, si l'élevage en France émet 10 % des émissions de GES, 30 % d’entre elles sont compensées naturellement par le stockage de carbone dans les sols des prairies et des haies. Un hectare de prairie permanente stocke en moyenne 760 kilos de carbone par an.
À noter cependant que les mesures d’émissions de GES fluctuent en fonction des méthodes utilisées, même si une harmonisation méthodologique est en cours. États-Unis, Nouvelle-Zélande, Italie, Pays-Bas, France, tous ces pays ont évalué la production de GES par le secteur agricole et travaillent à en diminuer le niveau. « La réalité de l’élevage est complexe et ne peut être réduite à des évaluations monocritères beaucoup trop restrictives. L’élevage apporte un bouquet de services. Une approche multicritère est donc essentielle, tout comme une mobilisation collective pour afficher les démarches de progrès. Il faudra également faire attention lorsque l’on aura répondu à un enjeu lié à l’élevage, à ne pas en dégrader un autre », conlut Jean-louis Peyraud.
(1) L'élevage de ruminants, acteur des solutions climat