Quels bâtiments d’élevage bovins viande à l’horizon 2040 ?
Les bâtiments d’élevage sont au cœur d’enjeux stratégiques. Le réseau mixte technologique (RMT) Batice, animé par l’Idele et la Chambre d’agriculture de Bretagne s’est penché sur l’avenir à donner aux stabulations après avoir fait un état des lieux du parc bâtiments français.
Les bâtiments d’élevage sont au cœur d’enjeux stratégiques. Le réseau mixte technologique (RMT) Batice, animé par l’Idele et la Chambre d’agriculture de Bretagne s’est penché sur l’avenir à donner aux stabulations après avoir fait un état des lieux du parc bâtiments français.
Le bâtiment d’élevage est au cœur d’enjeux stratégiques. Il représente le garant de la performance globale des exploitations. La construction d’un bâtiment engage sur le long terme. « On dit souvent que c’est une à deux années de réflexion pour 20 ans d’utilisation voire plus dans certains cas. Les bâtiments sont de plus en plus techniques et pointus. Il y a des besoins importants en termes de formation initiale et professionnelle et globalement il y a peu de moyens en recherche et développement sur la thématique des bâtiments », souligne Frédéric Kergourlay, de la Chambre d’Agriculture de Bretagne.
Le bâtiment est également au cœur d’enjeux opérationnels (économiques, réglementaires, environnementaux, de bien-être) qui vont impacter la construction, la conception et l’utilisation des bâtiments qui résulteront toujours d’un compromis entre plusieurs enjeux. Le RMT Batice s’est penché sur la question.
Un parc bâtiment vieillissant
En élevage bovins viande, on trouve des systèmes plus simples (majoritairement en aire paillée) et davantage standardisés avec un niveau d’équipement moins important par rapport aux bâtiments bovins lait mais avec des exigences accrues en termes de contention. « Le parc bâtiments des ruminants français est plutôt vieillissant, notamment en allaitant." Selon les chiffres de la dernière enquête Agreste 2015 (avant impact du PCAE qui a permis un certain nombre de modernisation), 41 % des élevages bovins viande comptaient une dernière construction ou rénovation de plus de 20 ans. Les besoins en termes de rénovation sont donc importants », souligne Bertrand Fagoo de l’Institut de l’élevage.
Par ailleurs, le poids des bâtiment et équipements dans les coûts de production pèse lourd : 57 % des annuités/EBE chez les naisseurs-engraisseurs (données Inosys 2019). Ceci limite fortement les investissement et la capacité d’investissement future. L’endettement est élevé avec des EBE pas toujours suffisants et souvent on a des modernisations qui se font avec des aménagements et des extensions à partir de l’existant.
La modernisation des bâtiments a permis d’améliorer la productivité et les conditions de travail avec un agrandissement des cheptels. Toutefois, l’augmentation du nombre de vaches par élevage contribue à une charge de travail élevée.
La modernisation engage également sur le long terme avec des capitaux immobilisés en plus et donc moins de souplesse financière. Il en découle également une charge mentale supérieure liée à l’obligation de résultat. « Attention donc aux projets qui sont potentiellement déstructurants où on a une nécessité d’une approche globale et d’un raisonnement des investissements."
Côté bien-être animal, l’accès à l’extérieur chez les ruminants est très pratiqué, excepté l’hiver.
Quels bâtiments demain, de nombreux enjeux
Le RMT Batice vise à être le laboratoire d’idées des réflexions autour des bâtiments d’élevage en se projetant à l’horizon 2040.
Les bâtiments d’élevage doivent aujourd’hui faire face à de nouveaux enjeux liés aux demandes sociétales, au changement climatique… à savoir :
- L’enjeu bien-être animal. Aujourd’hui, des démarches de progrès ont été engagées par toutes les filières de ruminants, avec des gains potentiels pour les éleveurs en améliorant le confort des animaux. Se pose la question de l’accès au pâturage toute l’année avec des effets positifs avérés dans certaines situations mais aussi beaucoup d’interrogations sur les enjeux associés (coûts supplémentaires, gestion des effluents et émissions, utilité en compléments de bâtiments de plus en plus ouverts).
- L’enjeu travail. La réduction de la pénibilité est au centre des réflexions d’autant plus lorsque les tailles des troupeaux augmentent avec la nécessité d’assurer la sécurité au moment des interventions. L’automatisation est un réponse possible avec un cham des possibles qui s’élargit. Des compromis sont toutefois à trouver entre le gain de temps et les coûts annuels de fonctionnement.
- L’enjeu climatique. La construction de bâtiments adaptés aux coups de chaleur apparaît essentielle améliorer la ventilation naturelle et limiter le rayonnement l’été).
- L’enjeu santé animale et la biosécurité. La tendance avec l’agrandissement des cheptels est d’aller pour les ruminants vers des bâtiments spécialisés selon les catégories d’âge et les besoins, ainsi que d’optimiser les circuits (quarantaine, vide sanitaire…)
- L’enjeu environnemental. L’objectif est de réduire l’impact de l’élevage sur son environnement et de limiter les émissions. La maîtrise des émissions est plus difficile en ruminant car il est difficile de capter le méthane avec des bâtiments ouverts.
- L’enjeu énergie. L’objectif est de limiter l’emploi des ressources et réduire la dépendance énergétique.
- L’enjeu durabilité. La maîtrise des coûts est incontournable. La valorisation des bâtiments anciens est largement pratiquée en élevage de ruminants dans le respect des contraintes réglementaires. Il faut également rester attentif à l’évolution des demandes sociétales et/ou de l’aval qui ont des incidences sur la façon de construire. Les priorités sont différentes selon les pays. La durabilité pose beaucoup de questions sur les bâtiments de demain. « Est-ce qu’on continuera à agrandir les élevages pour maintenir le potentiel de production malgré la réduction du nombre d’éleveurs grâce au high tech ou au salariat ? Ou iront nous vers des élevages avec des bâtiments simplifiés de plus petites tailles et une baisse de la production ? » s’interroge Bertrand Fagoo.
De nombreux enjeux sont à prendre en compte mais il faut toujours faire des compromis. Il existe en effet des antagonismes entre les enjeux. Il faut donc savoir arbitrer entre l’ensemble de ces enjeux. Le bâtiment et les systèmes d’élevage sont très liés.