" Quarante vaches aubracs vendues en direct "
Benoît Dazy s’attache à garder un système ultra simple, avec 40 vêlages en système bœufs et vente directe. Il trouve un bon positionnement entre productivité des surfaces et du troupeau et niveau de charges.
Benoît Dazy s’attache à garder un système ultra simple, avec 40 vêlages en système bœufs et vente directe. Il trouve un bon positionnement entre productivité des surfaces et du troupeau et niveau de charges.
Benoît Dazy est éleveur d'aubracs à Louppy-sur-Loison, dans le département de la Meuse depuis 2014. Son père avant lui élevait 25 vaches laitières et engraissait des bœufs. En s’installant, il ne voulait pas engager de gros investissements pour faire évoluer les installations. C’est la raison pour laquelle il a décidé de monter un troupeau allaitant. Benoît Dazy a travaillé auparavant comme pareur pendant plusieurs années, ce qui lui a permis de rencontrer beaucoup d’éleveurs et de voir beaucoup de systèmes différents. « J’ai choisi l’Aubrac car c’est une belle race, avec des vêlages faciles. J’ai eu de nombreuses discussions sur la difficulté de la commercialiser dans ma région. Mais j’avais déjà décidé de vendre moi-même la viande. »
Benoît Dazy a d’abord acheté 12 vaches pleines d’un cheptel inscrit dans les Ardennes, puis 18 vaches et 6 génisses pleines dans le berceau de la race. Avec 40 vêlages aujourd’hui, le troupeau a atteint l’effectif qu’il souhaite maintenir stable. « Je choisis des animaux typés élevage, qui vêlent bien et vont bien à mener », explique Benoît Dazy. Il achète des taureaux inscrits, l’un plus typé viande et l’autre plus typé élevage. « J’habite à dix kilomètres, et ma vie de famille avec trois jeunes enfants et une femme qui travaille en libéral est prenante ; j’arrive entre 7 h 30 et 8 heures le matin, je rentre déjeuner, et je pars de la ferme à 18 heures tous les soirs. Je ne me suis jamais relevé la nuit pour voir un vêlage et cela a toujours bien marché. » La vente directe monopolise Benoît Dazy au moins une demi-journée par semaine, et il travaille actuellement avec l’aide de son père retraité. « Mon objectif est d’embaucher quelqu’un à mi-temps, car notre organisation n’est pas durable. » Surtout que les projets ne manquent pas.
70 hectares de cultures et 70 hectares de prairies
Pendant les premières années suivant son installation, les vêlages étaient répartis sur presque toute l’année et l’éleveur conduisait le troupeau en mode « hyper économe » sur le plan alimentaire. Le chargement était monté à 1,45 UGB/ha sans investir davantage dans la productivité des prairies. Il y a eu quelques déboires, en trouvant la limite de la rusticité de l’Aubrac. Un épisode de coronavirus sur les veaux a particulièrement marqué l’éleveur. « J’ai un peu réinvesti, baissé le chargement, et l’équilibre du système est bien meilleur. » Depuis, les vêlages sont organisés de début janvier à mi-avril et les rations sont mieux ajustées. Les mères sont vaccinées avant le vêlage. Les élèves sont traités en pour on contre les strongles une fois par an. L’IVV était de 358 jours en moyenne sur le troupeau en 2019, et même de 340 jours sur les génisses. Le taux de mortalité des veaux était de 7 % en 2019.
Un méteil grain pour toutes les catégories d’animaux
De l’orge et une petite partie du pois sont conservés pour le troupeau. Le méteil grain occupe cinq hectares. Il se compose au semis de 90 kg d’orge de printemps, 50 kg de pois fourrager et 40 kg d’avoine noire à l’hectare. « J’obtiens 40 à 50 quintaux, sans engrais, ni pesticides. Je sème et je récolte. S’il manque de protéines, je le complète avec mon pois protéagineux. Un prestataire vient l’aplatir par volume de quatre ou cinq tonnes à la fois. »
Benoît Dazy est installé dans le « pays haut », tout au nord du département de la Meuse. C’est une petite région agricole plutôt favorable à la pousse de l’herbe, avec beaucoup de limono-argileux. Ce sont des parcelles de 4 à 5 hectares toutes fauchables, et les récoltes alternent d’une année à l’autre entre enrubannage et foin. Un mélange RGI et trèfle – 7 hectares avec cette année 4,5 hectares supplémentaires semés dans de l’orge – complète les prairies naturelles. Benoît Dazy récolte 18 hectares d’enrubannage vers le 15 ou 20 mai, puis environ 27 hectares de foin deux semaines plus tard, et un peu de regain. Le pâturage est simple avec 36 ares/UGB au printemps, 53 ares l’été puis 70 ares en automne. De la paille de pois a été distribuée au pré à partir du 15 août seulement cette année avec de la mélasse – seul aliment acheté. « Le fumier est épandu sur les parcelles de céréales, mais je commence à en mettre un peu aussi sur les pâtures qui ont perdu du potentiel. » Au pré, il conduit deux lots de vaches avec veaux, un lot de génisses pleines avec les vaches suitées les plus maigres, un lot avec les deux générations de bœufs, et un lot de génisses. C’est facile de les déplacer sur le parcellaire qui comporte très peu de routes.
Faute de paille et de place en bâtiment, 20 bœufs de 2 ans resteront dehors cet hiver sur une très grande surface. Les veaux nés en janvier sont sevrés en octobre, les autres sont souvent séparés des mères un mois avant la rentrée en bâtiment. En bâtiment, les vaches sont nourries avec foin et enrubannage. Elles reçoivent en plus du méteil grain aplati seulement si elles ne sont pas en bon état avant vêlage. La complémentation démarre sinon un mois avant le vêlage. Les petits veaux, les génisses et les bœufs reçoivent eux aussi du méteil grain durant l’hiver. Benoît Dazy distribue très peu de minéraux mais fait une cure d’huile de foie de morue, et donne du sel à lécher basique.
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Après sevrage, les mâles sont donc un peu complémentés puis castrés à l’âge d’un an. « Je le fais faire le plus tard possible pour qu’ils se développent au maximum avant. Le vétérinaire vient deux fois et fait une dizaine de veaux à chaque fois. Ensuite, il faut les surveiller et garder la litière propre. Ils se remettent très bien », explique Benoît Dazy. L’éleveur garde six ou sept génisses pour le renouvellement et les plus "caractérielles" sont engraissées. Certains bœufs et génisses sortent à 28 mois et d’autres à 36 mois, en fonction des effectifs et des besoins pour la vente. La ration de finition, à l’herbe ou en bâtiment à base d’enrubannage est complémentée avec le même méteil grain et monte alors à 5 à 6 kg/tête/jour. « Je ne pèse pas, je fais au plus simple. » La consommation de concentrés s’établit à une moyenne de 270 kg/UGB, ce qui est peu pour un système naisseur engraisseur. La finition dure autour de trois mois.
« Ma principale difficulté est de m’en occuper en période de moisson. À cette saison, je fais un lot de huit à dix animaux avant le début de l’été qui partent plus vite pour ne pas avoir à gérer les sorties sur cette période. » Benoît Dazy a en revanche le reste de l’année le temps de s’asseoir une demi-heure au milieu de ses veaux pour les "sociabiliser" et les habituer au contact de l’homme tout en réfléchissant à ses nombreux projets pour affiner son système. Il reconnaît surtout s’épanouir pleinement dans son travail.
Un éleveur pleinement épanoui dans son travail
Chiffres clé
136 ha de SAU dont 70 de prairies
41 vaches de race aubrac
1,36 UGB/ha SFP de chargement global
221 kg VV/UGB de production brute de viande vive
1 UTH
Pas de conversion au bio
Benoît Dazy s’est pendant un temps posé la question du passage en bio. Après réflexion, il a décidé de ne pas convertir le système. Il dispose de 70 hectares de cultures (colza, blé, orge, pois, méteil grain) et 70 hectares de prairies, et cet équilibre lui convient très bien. « Mon chargement sur la partie élevage - 1,36 UGB/ha - est supérieur à ce que je pourrais faire en bio. J’apporte de l’engrais complet sur les prairies (12 tonnes par an) et je veux continuer à le faire pour sortir une certaine quantité de viande par an. » S’il passait en bio, il devrait augmenter les surfaces en prairies et il ne serait plus autonome en paille. Ses surfaces en céréales sont même devenues à peine suffisantes pour satisfaire aux besoins de son cheptel. « D’habitude, je vends 10 hectares de paille, et cette année j’ai tout gardé et j’en ai acheté 10 hectares. » Benoît Dazy estime en revanche que le fait de s’inspirer des conduites classiquement mises en œuvre dans les élevages bio est une bonne alternative. « Je n’utilise plus de glyphosate depuis huit ans par exemple. »
Avis d’expert - Fanny Mesot de la chambre d’agriculture de la Meuse
"Un système économe et productif"
"Benoît est un éleveur passionné qui aime faire partager son amour de l’élevage aux consommateurs. La proximité avec ses clients lui permet de communiquer sur ses pratiques d’élevage et de véhiculer une image positive du monde agricole. Bien que cette activité soit gourmande en temps, Benoît est heureux de créer du lien avec les consommateurs. Dans ce système en circuit court, la race aubrac tire son épingle du jeu. En circuit traditionnel il est plus compliqué, en Meuse, de valoriser cette race.
Trop économe a ses débuts, Benoît sait aujourd’hui mieux investir pour rester économe et productif. Le regard des autres agriculteurs du groupe viande dont fait partie Benoît lui a permis de faire évoluer son système. Aujourd’hui, il investit davantage dans la fertilisation de ses prairies, nécessaire au maintien de son chargement. Les résultats économiques de Benoît sont encourageants et le place parmi les meilleures exploitations du groupe."
Les animaux abattus en Belgique, à 20 kilomètres de la ferme
Pour la vente directe, il a fallu se lancer courageusement. Benoît Dazy ne vend pas avant l’abattage. Il fait un marché le vendredi matin à Stenay et un drive le vendredi soir à Villecloye, à une quinzaine de kilomètres de la ferme. Il positionne le prix de sa viande par rapport à celui en grande surface.
Benoît Dazy livre aussi une demi-carcasse à un supermarché du canton tous les dix jours. Les animaux sont abattus et découpés en prestation de service à Virton. C’est à 20 kilomètres de la ferme, mais de l’autre côté de la frontière, en Belgique. « Un document d’export doit être donné à la DDCSPP 48 heures avant l’abattage, et le vétérinaire passe la veille pour un certificat d’exportation. »
« Je vends en direct des bœufs de 400 kg C et des génisses de 285 à 340 kg C, âgés de 28 à 36 mois. Et maintenant aussi des vaches de réforme. Elles ont en moyenne cinq ans mais ce n’est pas un problème de passer une vache âgée de dix ans qui sera bien préparée et engraissée rapidement. »
Depuis un an, Benoît Dazy prépare le lancement d’un magasin de producteurs avec cinq exploitations et la construction d’un laboratoire de découpe et transformation petit et fonctionnel avec un collègue qui élève des porcs sur paille.