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« Pour une bonne organisation du travail en élevage bovin, il faut être proactif »

Sophie Marçot, consultante et formatrice indépendante spécialisée dans l’organisation du travail, nous livre sa vision sur le travail en élevages.

Sophie Marçot, consultante indépendante
Sophie Marçot, consultante indépendante
© DR

Quels constats faites-vous sur le temps de travail dans les fermes bovines ?

Sophie Marçot – Ce sont les éleveurs qui ont le plus d’attentes en termes de travail. Toutefois, depuis quelques années, la question de l’organisation du travail est moins taboue. On en parle plus. De plus en plus d’éleveurs ont, dans leur entourage, une connaissance victime de burn-out. On se rend compte de l’intérêt à discuter de ces sujets. La conscience est là mais c’est loin d’être suffisant. Le poids des habitudes est énorme. Il existe des freins au changement. À commencer par le « qu’est-ce que les autres vont dire ? Ça ne se fait pas de finir plus tôt… On a toujours fait comme ça… » Prendre du temps pour soi bloque les gens. On est dans des normes de groupe. Il y a encore trop d’exploitants qui subissent.

Quelles sont les principales raisons pour lesquelles les éleveurs sont débordés ?

S. M. - Je vois de nombreux agriculteurs débordés, avec de grosses pointes de travail et ce, pour deux raisons principales, selon moi. La première, le manque de main-d’œuvre. Souvent, le départ à la retraite des parents n’a pas été anticipé à l’installation et les exploitants ne trouvent personne par la suite. C’est un véritable enjeu de préparation. La deuxième raison, c’est le réel problème d’organisation. Les éleveurs se trouvent alors noyés avec peu d’écrits. L’administratif pose également de gros problèmes en termes d’outils (boîte mails qui explose, beaucoup d’urgences à gérer). Il est alors difficile de se recentrer sur ce sur quoi on peut agir.

Vos solutions pour une meilleure gestion du temps ? Quelles clés ?

S. M. - Il faut écrire les choses à faire, les consignes, pour se décharger la tête, se former sur les tâches administratives, prendre du temps pour soi et prendre soin de soi. Le bon sens paysan ne fonctionne plus pour gérer 30 mails par jour ! Il faut ranger son atelier, son bureau, sa boîte mail pour s’y retrouver ! Il existe un énorme besoin de formation mais peu de demandes d’accompagnement. Même avec des cailloux dans les chaussures, les éleveurs peuvent encore marcher. Il faut se poser, pour identifier les problèmes et trouver sa problématique personnelle.

La base, c’est de travailler sur ses priorités, les tâches urgentes mais aussi les tâches importantes. Pour cela, il peut être intéressant de les écrire, de les hiérarchiser, de les sortir de sa tête. Il faut anticiper et mettre des dates. Limiter les interruptions, faire des réunions plus courtes mais efficaces en évitant également de les faire le soir ! Il faut se fixer des horaires sinon les journées peuvent être interminables, se mettre des limites.

Oser dire non est aussi important. Quand une personne vient sans rendez-vous, il faut lui dire, ce n’est pas possible mais à telle heure, tel jour oui.

Il est essentiel de prendre du temps pour en gagner par la suite.

Le collectif est également nécessaire (Cuma, groupes divers…) pour un enjeu gain de temps, pour s’inspirer de ce que font les autres et pour le soutien moral.

Quels sont les intérêts d’une bonne organisation ?

S. M. - Pour être mieux, pour gagner du temps, être plus serein. Si on est fatigué, on n’est pas bien et on peut rapidement se sentir en permanence débordé. Si on ne se ressource pas, tout peut être source de stress, d’énervement. Il faut prendre soin de soi pour être efficace. La pérennité de l’exploitation, ce sont les éleveurs en premier.

« Attention à la peur du regard des autres »

Engager le changement

Il faut être proactifs. Les gens seuls prennent conscience du problème que s’il arrive quelque chose sur l’exploitation. Ils ont une pression énorme. Il est important de regarder ce qui dépend de soi et de passer en mode projet. Se demander si on est prêt à changer. La formation en groupe est assez impliquante. Cela peut engager un déclic. Se faire accompagner en individuel permet d’apporter un œil extérieur pour se poser les bonnes questions. Il faut être à l’écoute de soi. Se former à l’humain car la technique sans l’humain ne fonctionne pas. Une formation peut être un starter à la prise de conscience.

Pour en savoir plus

Sophie Marçot a édité un livre J’ai décidé de gagner du temps : cultiver son temps et organiser son travail.

« Gagner du temps en organisant son travail et ses tâches administratives »

Pour Morgane Vial, la qualité de vie familiale est primordiale. Ainsi, tout est réorganisé sur l’exploitation pour gérer au mieux travail et famille.

 

Morgane Vial essaie, depuis déjà un an, d’organiser au mieux le travail au sein du Gaec afin de se dégager du temps et profiter ainsi de sa vie de famille.

« Depuis le 1er janvier 2023, je suis installée sur la ferme familiale de mon mari avec mon beau-père mais cela fait déjà un an que je travaille sur l’exploitation dans le cadre de mon stage en formation adulte. J’ai terminé mon apprentissage par une cession sur l’organisation du travail. J’ai acquis des connaissances sur le sujet et j’ai pu mûrir mon projet. Aujourd’hui, je ne suis pas spectatrice mais actrice de l’exploitation. J’ai apporté du changement », souligne Morgane Vial, à la tête d’un troupeau de 145 mères en Gaec à trois, à Changy dans la Loire.

Jusqu’à présent, l’administratif était géré par son beau-père. Tâche que l’éleveuse a reprise. La formation lui a permis d’apprendre à ranger, classifier, organiser les documents réceptionnés, de manière à traiter d’abord les urgences. « J’ai mis en place des casiers, des codes couleurs par domaine et priorité, des comptes bancaires en ligne. Je réfléchis sans cesse à ce qui peut faire gagner du temps, étant parents d’enfants en bas âge qui sont notre priorité. Je veux pouvoir prendre des vacances, les mercredis et mes week-ends. Je ne veux pas faire comme les anciennes générations qui ne profitaient pas de leurs enfants. Le week-end est réservé à nos enfants ! », insiste Morgane Vial. Le bureau, derrière la maison de ses beaux-parents, a été conservé car il disposait d’une entrée indépendante. Toutefois, l’éleveuse n’a pas hésité à tout réorganiser.

Des réaménagements pour le confort du travail

Dans sa quête de gain de temps, tout ce qui a pu être ramené à proximité du site principal (broutards et génisses) l’a été grâce à une étable plus adaptée. Les cases ont ainsi été rallongées au niveau de la stabulation actuelle. « Par la suite, je vais prendre contact avec la MSA pour trouver un moyen de ne plus porter les seaux, mon mari ayant déjà mal au dos à 30 ans ! »

Les associés du Gaec envisagent également l’acquisition d’une plus grande bétaillère pour limiter le nombre de transports d’animaux. « Certes, je n’ai pas la même vision du travail que mon beau-père mais il accepte les changements proposés. La formation a permis de m’ouvrir les yeux : je ne remplace personne, j’intègre le Gaec. Je prends des décisions. Je n’hésite pas à me poser cinq minutes pour réfléchir, pour raisonner optimisation au maximum. J’aime mes animaux, j’aime mon métier mais j’ai des enfants, je veux en profiter et ne pas prendre de risques sur mon exploitation. »

Chiffres clés

145 mères charolaises en vêlages de novembre à avril, ventes de broutards à 450 kg vif sur l’Italie.

3 sites

182 ha d’herbe en zone de montagne

3 UTH

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