Filière : « Nous sommes les seuls à tracer de la naissance du veau jusqu’au cuir vendu »
À Saint-Gaudens en Haute-Garonne, la société Coriome valorise le cuir des veaux nés au centre d’allotement de Servadour, filiale de Vivadour et Serval. Les animaux sont ensuite engraissés auprès de vingt-cinq éleveurs engagés dans la démarche par Juviveau. Toutes les données d’élevage sont suivies et intégrées dans un outil de traçabilité conçu maison.
À Saint-Gaudens en Haute-Garonne, la société Coriome valorise le cuir des veaux nés au centre d’allotement de Servadour, filiale de Vivadour et Serval. Les animaux sont ensuite engraissés auprès de vingt-cinq éleveurs engagés dans la démarche par Juviveau. Toutes les données d’élevage sont suivies et intégrées dans un outil de traçabilité conçu maison.
La société Coriome, basée à Saint-Gaudens en Haute-Garonne, a été créée en 2022 par Vivadour et le Domaine des Massifs, partenaire de LVMH. L’entreprise a développé un outil de traçabilité, qui lui permet de mesurer les performances de viande et de cuir. « Le but premier de l’application Farm est d’ôter, à terme, toute contrainte papier aux éleveurs et de faciliter l’administratif par le téléphone », explique Marie Brioude, responsable de la traçabilité en élevage au Domaine des Massifs. Ce logiciel, conçu avec une technologie Microsoft, pour le Domaine des Massifs en 2021, trace l’ensemble des informations de la vie du veau jusqu’à l’abattoir et de les intégrer dans une blockchain.
Le cuir tracé en sortie d’abattoir
« À l’abattoir, les salariés remettent le numéro de la boucle du veau sur le cuir via une étiquette plastique, et lorsque les cuirs reviennent à Coriome, nous les trions à nouveau pour implémenter tous les résultats qualité dans le logiciel. Et même une fois vendues, nous continuons à faire le suivi des peaux en tannerie Wetblue (1), car c’est une fois la peau nue que nous pouvons observer les possibles défauts. Farm nous permet donc de remonter la qualité des peaux en fonction de la race, du sexe, du traitement, de l’élevage et le plus important : de l’alimentation et de la qualité du lait », ajoute Brice Lacaze, directeur amont de la filière bovine chez Vivadour et directeur de Juviveau (2).
Un complément de prix est reversé aux éleveurs engraisseurs qui suivent un cahier des charges précis, afin de garantir une propreté et une qualité de peau irréprochables.
À l’abattoir d’Auch, le cuir des veaux est posé à plat et salé pour sa conservation. Il est ensuite livré à l’entreprise Coriome, qui le rachète à la Maison Jucla pour le valoriser dans la filière maroquinerie de luxe principalement. La matière est ensuite tracée par un Gencod ou un QR Code, triée individuellement et enfin classée en fonction de son poids et de la demande des clients qui est en général : un cuir intact sans défaut comme des coutelures ou des trous sur la fleur. Le cuir est passé au peigne fin sous une lampe chirurgicale, plié, pesé et tatoué des douze chiffres de l’animal grâce à un système de laser. Son poids et ses défauts sont enregistrés pour la continuité de la traçabilité dans le logiciel Farm.
La qualité du cuir passe par l’alimentation
La société Coriome gage sur une filière d’élevage de qualité. Les veaux sont nourris pendant 21 semaines avec un lait 50 % PLE. La paille de l’aire des veaux – qui est changée tous les deux jours (30 tonnes de paille/bande) – provient de Charente pour sa faible teneur en fer. « Nous choisissons une paille qui contient le moins de fer, de ray-grass et de luzerne possible afin de garantir une viande blanche comme l’exige le marché haut de gamme français de la viande. Elle provient des zones calcaires et non ferrugineuses », explique Brice Lacaze. Les opérateurs sont également très attentifs à la notion de veines qui peuvent se développer au fur et à mesure du temps, affectant la qualité du cuir. Ils regardent de près l’impact de la ride qui peut apparaître de manière marquée lors de la croissance du veau. « Nous avons un taux de rides inférieur à celui du marché parce que nos veaux sont jeunes à l’abattage et très gras », précise-t-il. Il faut être vigilant quant aux éventuels trous causés lors de la phase de déshabillage de la peau à l’abattoir. Si un animal est trop sec, il peut y avoir des trous à la dépouille. L’alimentation est un élément primordial pour la qualité du cuir. Il en est d’autant pour le protocole sanitaire du début de la vie des veaux qui sont vaccinés contre la teigne et les maladies respiratoires (BRSV).
Création d’une agro chaîne
« Aujourd’hui nous avons réussi à créer une agro chaîne avec l’ensemble des maillons et nous sommes les seuls à tracer de la naissance du veau jusqu’au cuir vendu », témoigne Brice Lacaze qui envisage également une certification de cette agro chaîne par un auditeur externe, ce qui serait une première dans le monde du cuir. Les cuirs bruts sont ensuite vendus à des tanneries – appartenant à des marques de luxes – en France et en Italie, où Brice Lacaze et Marie Brioude se rendent plusieurs fois par mois afin de contrôler chacune des peaux à l’unité grâce au système de marquage laser et d’implémenter les remarques qualité dans le logiciel Farm. « Parce qu’on sait d’où vient le veau, ce qu’il a mangé, s’il a bien été traité, si c’était une bande d’hiver ou d’été, et la localisation possible de griffures nous permet de remonter à l’origine de la cause des défauts qualité entre la ferme et l’abattoir, mais aussi du transport et d’engager des actions correctives ciblées donc efficaces. »
Sur les vingt-cinq éleveurs engagés dans la démarche pour la valorisation du cuir de veau, dix éleveurs sur paille ont leur viande vendue sous la marque L’Authentique et quinze éleveurs sur caillebotis sous la marque Louchebem, les deux distribuées par la Maison Jucla, Chevillard à Saint-Gaudens, Auch et Pamiers. Ces éleveurs perçoivent une prestation qui tient compte de la partie technique et de la partie cuir, avec une prime en fonction de la qualité de ce dernier. « Juviveau leur met à disposition le lait, le service technique et les soins vétérinaires. La finalité est de créer de la valeur ajoutée au produit et de le valoriser justement auprès des tanneries et des marques pour la redistribuer équitablement dans la rémunération des éleveurs », soutient Brice Lacaze.
Un bâtiment neuf de veaux sur paille pour deuxième atelier
Sébastien Trotta, éleveur à Bazordan dans les Hautes-Pyrénées, s’est installé en 2008 avec 70 mères de race blonde d’Aquitaine sur 100 hectares. Pour assurer la viabilité de son exploitation, il a souhaité créer un second atelier hors-sol. Il y a un an, il a investi 400 000 euros dans un bâtiment de veaux sur paille de 1 300 m² avec deux salles de 100 places, chacune traversée par le stockage du foin de 200 m². Les veaux disposent de 2,67 m² d’aire paillée chacun et ont cinq cases individuelles par box pour prendre le biberon. « La seule contrainte pour valoriser le cuir a été de meuler tous les boulons du bâtiment et de n’avoir aucun corps étranger qui dépasse pour ne pas rayer le cuir. La partie paillage est aussi très importante pour que le cuir ne soit pas croûteux, car le fumier attaque la fleur du cuir, surtout dans la culée, la partie la plus noble. »
Un centre d’allotement à Saint-Germain-les-Vergnes en Corrèze
Les veaux engagés dans la démarche naissent et sont élevés dans un centre d’allotement par la société Servadour, alliance de Vivadour et de Serval. Les veaux – qui sont des croisés montbéliard-charolais, montbéliard-limousin, charolais ou limousins purs ainsi que des Holstein et blanc bleu en conformation U – partent ensuite en intégration chez 25 éleveurs engraisseurs à l’âge de 30 à 45 jours pour un poids moyen de 70 kg où ils resteront 21 semaines en suivant un plan d’alimentation de deux repas par jour, avec un démarrage à 2,105 litres par repas jusqu’à 7,500 litres par repas.
Chiffres clés de la filière française du cuir
- 12 800 entreprises
- 25 M€ de CA, dont 19 Md€ à l’export
- 133 000 emplois dans les industries du cuir, de la tannerie mégisserie, de la chaussure, de la maroquinerie, de la ganterie, de la distribution
- 1 des leaders mondiaux des cuirs de veau et peaux exotiques
- 3e exportateur mondial des cuirs et peaux bruts
- 3e exportateur mondial d’articles de maroquinerie