Des salers pour conforter la production de viande géorgienne
Située au carrefour de l’Europe et de l’Asie, la Géorgie a besoin de développer sa production de viande bovine. Créée à l’initiative d’investisseurs français, la société Dmanisi Cattle Breeding Company est un des exemples récemment mis en place pour conforter les tonnages produits.
Située au carrefour de l’Europe et de l’Asie, la Géorgie a besoin de développer sa production de viande bovine. Créée à l’initiative d’investisseurs français, la société Dmanisi Cattle Breeding Company est un des exemples récemment mis en place pour conforter les tonnages produits.
Le sud de la Géorgie n’a a priori guère de points communs avec les prairies auvergnates. Pourtant les herbages valorisés par les salers fraîchement importées de France par Dmanisi Cattle Breeding Company semblent à l’aise dans leurs nouvelles pâtures.
Cette ferme dédiée à la production de bétail maigre est située à côté de Dmanisi dans le sud du pays aux confins de l’Arménie. Elle a été créée à l’initiative de Jacques Fleury, un entrepreneur français qui dispose d’une expérience de près de trente ans dans le pays. L’étude de faisabilité de ce projet avait au préalable été pour partie financée par le Fasep (fonds d’études et d’aide au secteur privé).
Ce dispositif de soutien à l’internationalisation proposé par la France permet à l’entreprise porteuse de l’étude de démontrer l’efficacité de ses méthodes et d’acquérir une référence dans le pays partenaire. Dmanisi Cattle Breeding Company se situe dans le « petit Caucase », une région assez similaire au Massif central pour le climat, l’altitude, le pâturage et les sols d’origine volcanique.
Un suivi depuis la France
Répartie sur deux sites, l’entreprise a bénéficié du soutien de professionnels français expérimentés comme l’éleveur bourguignon Jacques-Pierre Devillard, en charge de la conception et de la gestion des fermes. Il a su s’entourer d’une solide équipe de spécialistes français intervenant au jour le jour pour régler à distance une partie des problèmes techniques via une plateforme numérique.
Ces experts sont deux vétérinaires : Pierre Coveliers et Jérôme Plet. Ils sont secondés par Arnaud Brette, conseiller en nutrition animale et Emmanuel Léger qui gère et supervise tout le volet mécanisation. Pour permettre aux salariés géorgiens une parfaite compréhension de leurs directives, les communications sont traduites sur la plateforme par deux coordonnatrices géorgiennes bilingues.
La ferme de Dmanisi s’étend sur 950 hectares dont 750 de pâtures. Ces dernières ont été délimitées avec des clôtures électriques en cloisonnant les parcelles pour optimiser le pâturage. « Elles sont gérées avec les meilleures méthodes agronomiques : sursemis avec introduction de nouvelles variétés, pâturage rotatif et utilisation raisonnée des effluents d’élevage », explique Christophe Cordonnier, chef du projet FinExCoop (Finance, Extension and Cooperative Development for Georgian Farmers) en Géorgie.
Ces surfaces en herbe sont complétées par 200 ha de terres labourables où sont essentiellement cultivés du maïs, de la luzerne et du triticale. « La ferme est pratiquement en autonomie fourragère, avec seulement l’ajout de sous-produits (drêches de brasserie, pulpe de fruits, résidus de réglisse) dans la ration hivernale », ajoute Christophe Cordonnier.
Les salers qui composent le troupeau proviennent évidemment de France. La ferme a reçu il y a deux ans une première livraison fournie par Eurofeder. Le cheptel totalisait cette année 215 vaches ou génisses pleines, 9 taureaux et 178 veaux. Une partie des vaches sont conduites en croisement charolais. Toutes catégories confondues, il est prévu de monter à environ 900 têtes de bétail en 2025. À cette échéance, cela fera de la ferme de Dmanisi une des principales vitrines de la génétique française dans la région.
Atelier d’engraissement proche de Tbilissi
Compte tenu de la bonne qualité de ses pâtures situées à 1 400 mètres d’altitude, la vocation de la ferme de Dmanasi est d’être essentiellement vouée au naissage. Il est en effet difficile de produire suffisamment de fourrages de bonne qualité pour engraisser les animaux dans de bonnes conditions.
Peu après leur sevrage, les broutards et les animaux à réformer sont transférés à 130 kilomètres de là, dans une ferme d’engraissement située à Sartichala, une petite localité à une trentaine de kilomètres de Tbilissi, la capitale géorgienne dont les quelque 1,15 million d’habitants sont autant de consommateurs potentiels.
La ferme de Sartichala dispose de 3 500 m2 bâtiments d’engraissement. Elle appartient à l’un des investisseurs de Dmanasi. Située sur des terres à bon potentiel, elle est uniquement consacrée aux grandes cultures et en particulier au maïs. Ce dernier est cultivé sous pivot et goutte à goutte.
« Les semences proviennent de France (Maïsadour…) et les rendements en grain avoisinent couramment les 150 quintaux à l’hectare. La volonté est également de favoriser une couverture permanente des sols par le biais de cultures dérobées. »
Avec des rations basées sur le maïs ensilage, la luzerne enrubannée associée à différents coproduits de l’industrie agroalimentaire géorgienne, la ferme de Sartichala a obtenu à l’engraissement des gains de poids quotidiens de 2 kg avec ses premiers broutards croisés salers-charolais. Autant d’animaux abattus puis commercialisés dans deux des meilleures boucheries de la capitale, avec un excellent retour de la part de la clientèle.
Conforter l’expertise française
Malgré ces premiers résultats encourageants, ce projet franco-géorgien a été et reste confronté à de multiples difficultés : d’adaptation à un environnement d’élevage très différent de celui de la France, de formation et de gestion du personnel local. Et des difficultés liées à l’absence quasi-totale de soutien technique extérieur.
« En Géorgie, il est particulièrement difficile de trouver de bons vétérinaires, de bons agronomes et de bons mécaniciens », souligne Christophe Cordonnier. « Quand ils exercent encore, ils ont pour la plupart largement dépassé la soixantaine du fait des carences de formation technique agricole depuis la fin de l’URSS. »
C’est d’ailleurs pour cette raison, que l’un des axes majeurs du projet franco-géorgien est aujourd’hui de renforcer sa base de cadres en partenariat avec le programme FinExCoop de l’agence française de développement. C’est par ce biais que le mécanicien de Dmanisi Cattle Breeding Company a bénéficié d’une formation chez un concessionnaire en matériel agricole de la région de Roanne dans la Loire.
Pour conforter leurs connaissances en zootechnie et dans la conduite d’un élevage allaitant, trois stagiaires doivent prochainement aller se former sur l’élevage de Jacques-Pierre Devillard en Bourgogne. L’objectif est que ces expériences acquises sur le terrain avec le soutien des experts français puissent à court terme régler les problèmes de conduite tant de l’élevage que des surfaces fourragères et céréalières.
Autres races françaises
Par la suite et comme pour toute entreprise, la volonté est de maximiser la rentabilité de cette activité via deux approches complémentaires. « Tout d’abord structurer son aval avec création d’un abattoir de proximité et valorisation de sa viande premium via une découpe à la française et une stratégie marketing ciblant en priorité une clientèle à fort pouvoir d’achat. »
Cela concernera tout particulièrement les hôtels et restaurants de luxe. Ce type d’établissement s’est récemment multiplié car la Géorgie est redevenue une grande destination touristique.
Le second axe de développement est celui de la génétique. « Les meilleurs animaux de race pure auront vocation à être valorisés pour la reproduction auprès d’un réseau d’éleveurs partenaires qui pourront revendre en retour des broutards au complexe d’engraissement. »
À terme, l’idée n’est pas de se cantonner à la seule salers. L’introduction d’autres races françaises fait partie des objectifs à condition que leurs aptitudes soient en phase avec des conditions d’élevage « rustiques » et le faible niveau technique des éleveurs géorgiens.
« Une fois ces deux objectifs atteints, le projet franco-géorgien aura mis en place une vraie logique de filière intégrée et moderne qui fait aujourd’hui largement défaut dans la région du Caucase », conclut Christophe Cordonnier.
Mise en place d’une vraie logique de filière intégrée
La Géorgie en quelques mots
La Géorgie est une république de l’ex-URSS. Elle est bordée à l’ouest par la mer Noire et possède des frontières avec la Russie au nord et nord-est, l’Arménie et la Turquie au sud, et l’Azerbaïdjan au sud-est. Géographiquement, elle appartient à l’Asie. Culturellement, elle fait partie de l’Europe à laquelle elle est étroitement associée. Historiquement, elle a joué un rôle de porte d’entrée des Routes de la soie. Ce petit pays de 69 700 km2 soit 13 % de la surface de la France métropolitaine est peuplé de 3,7 millions d’habitants. Il s’ouvre sur une région dont les économies ont été et restent parmi les plus dynamiques au monde.
Pays fortement déficitaire pour le lait et la viande
Une bonne partie du territoire géorgien est occupée par des montagnes (chaîne du petit Caucase). D’ailleurs près de 55 % du territoire est situé à plus de 1 000 mètres d’altitude. Autant de surfaces occupées par des prairies pouvant être valorisées par les ruminants. Dans les zones de plaine, le climat favorable et le bon potentiel agronomique permettent de développer la production céréalière et une culture intensive de fourrages et de maïs en particulier.
Le climat géorgien est subtropical plutôt humide à l’ouest et méditerranéen à l’est. Au nord, la chaîne du Grand Caucase sert de barrière contre l’air froid venant du nord. Actuellement la Géorgie est un gros importateur de viande bovine et de lait. Actuellement modeste, la consommation de ces aliments devrait progresser dans les années à venir compte tenu de l’augmentation du niveau de vie, de l’urbanisation croissante et de l’évolution des habitudes de consommation.
Un cheptel aux médiocres performances
Toutes catégories confondues, il y avait en 2020, 926 000 bovins en Géorgie. Les animaux étaient répartis dans tout le pays et pour la plupart détenus dans de micro-élevages familiaux avec lors du dernier recensement agricole de 2014 une moyenne de 3,7 animaux par ferme. En raison de mauvaises pratiques d’élevage (alimentation, gestion du troupeau et génétique), le poids vif moyen d’un bovin mâle de 18 mois est d’après les données statistiques locales de 160 kg de carcasse en moyenne.
Il y a actuellement une forte mobilisation du ministère géorgien de l’Environnement et de l’Agriculture (Mepa) et des grandes agences de développement pour réduire la dépendance de la Géorgie vis-à-vis des aliments importés, viande et produits laitiers en particulier. La guerre en Ukraine rend cet objectif encore plus important. À côté de la société Dmanisi Cattle Breeding Company, il existe plusieurs autres projets pilotés par la France ou d’autres pays.