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L’Inde, premier exportateur de viande bovine

Le monde change et la hiérarchie entre les grands pays exportateurs et importateurs de viande bovine fait de même. L’Inde est devenue l’an dernier le premier exportateur mondial devant le Brésil.

La plupart des exploitations laitières indiennes détiennent de 1 à 5 vaches.
La plupart des exploitations laitières indiennes détiennent de 1 à 5 vaches.
© P. Bourgault/archives

Le plus gros troupeau bovin mondial - 300 millions de têtes - est élevé en Inde. « Avec cet énorme cheptel, ce pays a accédé en quelques années au rang de premier exportateur mondial de viande bovine en proposant un produit bon marché pour lequel elle a su se faire une place principalement dans les pays émergents », expliquait Marie Carlier, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage lors d’une conférence sur les marchés mondiaux.

Le troupeau indien est composé d’un bon tiers de buffles et d’environ 50 % de zébus. La part restante est le fait de races laitières importées et de croisés zébus. Ces animaux sont élevés à deux fins : d’abord le lait, puis la traction animale pour les besoins de l’agriculture ou du transport. Il n’y a pas d’exploitations détenant des cheptels allaitants spécialisés. En Inde, la viande bovine est donc un sous-produit du lait ou de la traction résultant de l’abattage d’animaux de réforme.

Même s’il existe quelques troupeaux de grande dimension, la plupart des exploitations laitières détiennent de 1 à 5 vaches généralement élevées près des maisons, traites à la main et affouragées, là aussi, manuellement. « En Inde, l’agriculture emploie la moitié de la population active et 85 % des exploitations indiennes font moins de 2 hectares », précisait Marie Carlier.

D’après des statistiques rapportées par l’Institut de l’élevage, 37 millions de bovins auraient été abattus l’an dernier dans ce pays pour une production totale de 4,1 millions de tonnes en équivalent carcasse. Ces animaux de réforme sont en moyenne très légers (111 kilos de carcasse). Le taux d’abattage au sein du cheptel est par ailleurs limité si on analyse le ratio entre le nombre d’animaux abattus et le nombre d’animaux élevés. Rappelons que le cheptel bovin français totalisait 19 millions de bovins en 2013 pour une production totale de 1,438 million de tonnes (gros bovins + veaux) résultant de l’abattage de 4,76 millions de têtes.

Autre particularité indienne, les interdits religieux (voir encadré) maintiennent la viande bovine en marge des régimes alimentaires. La consommation intérieure (1,7 kg équivalent carcasse/habitant/an) est donc très faible. Elle est également limitée par le pouvoir d’achat, dans un pays où 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 2 dollars par jour.

Une forte proportion des tonnages est exportée

Cette montée en puissance de la viande indienne sur le marché mondial est récente. Au début des années 2000, l’Inde exportait à peine 400 000 tonnes par an. Ce chiffre a plus que triplé en moins de quinze ans. En 2014, l’Inde a exporté un peu plus de 1,9 million de tec et une nouvelle progression est attendue pour cette année. Si l’Inde est devenue le premier exportateur mondial, c’est lié à quelques entreprises qui ont d’abord misé sur l’exportation pour développer leurs activités. Ce sont pour la plupart des sociétés familiales détenues par des musulmans. Elles sont une quarantaine avec pour certaines, plusieurs sites de production. Les trois premières ont réalisé plus de la moitié de l’export en 2013. Cette activité d’exportation est basée sur l’abattage de buffles de réforme, qu’il s’agisse de bufflonnes laitières ou de buffles mâles utilisés pour la traction. Ils sont traités et transformés dans des outils modernisés capables d’abattre pour les plus importants jusqu’à 4000 têtes par jour avec des capacités d’abattage souvent sous-utilisées. Les animaux sont tous abattus selon le rite hallal et la production destinée à l’exportation est ensuite désossée et congelée.

L’approvisionnement de ces unités familiales se fait le plus souvent dans un rayon d’une centaine de kilomètres. Même si l’objectif est de se rapprocher des standards sanitaires et qualitatifs internationaux, les carcasses sont encore souvent douchées avec de l’eau chlorée. Côté destination, les pays asiatiques représentent les deux tiers des exportations. 45% des exportations indiennes ont été l’an dernier orientées vers le Vietnam en visant, via cet intermédiaire, le marché chinois. Le reste part vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Ce sont des flux en augmentation, même si le sanitaire est un frein. Il n’y a en revanche pas d’exportations vers des pays à plus fort pouvoir d’achat comme le Japon ou la Corée, pour raisons sanitaires. La Russie a en revanche ouvert l’an dernier ses frontières suite à la mise en place de l’embargo avec l’Europe.

Des arguments pour séduire les pays émergents

Les produits indiens ne sont donc pas des premier choix, mais à moins de 3 dollars le kilo l’an dernier, leur prix est un atout dans les pays émergents, moins exigeants sur le volet sanitaire. Ces prix cassés s’expliquent d’abord par le prix dérisoire des animaux de réforme, mais également par la main-d’œuvre très bon marché dans les abattoirs. La parité entre la roupie et le dollar a aussi évolué favorablement pour renforcer la compétitivité des produits indiens. L’attractivité de la viande indienne est ensuite liée à la situation géographique de ce pays et sa proximité avec l’Asie du Sud Est et le Moyen-Orient. Ces viandes ont aussi pour atout d’être 100 % certifiées hallal. Vendues par des opérateurs musulmans, cela constitue un atout important pour vendre à des pays où la religion musulmane s’est imposée.

Pour les années à venir, si on analyse le potentiel de production encore largement sous-utilisé du cheptel indien, il reste de belles marges de progression pour conforter le volume de ces exportations. Tous les buffles ne sont pas encore valorisés et de nombreux outils d’abattage sont actuellement utilisés bien en-deçà de leur capacité.

Cette progression des parts de marchés à l’exportation reste cependant soumise à quelques interrogations. La principale est liée au contexte politique du pays. Depuis l’an dernier c’est un parti hindou qui est au pouvoir et il va sans dire qu’il ne manifeste pas un enthousiasme débridé face au développement de l’activité d’abattage et de transformation de produits carnés, lesquels sont contraires à ses préceptes. Pour autant les responsables des entreprises d’abattage indiennes ne seraient pas très inquiets. Les exportations de viande bovine ont permis à l’Inde de faire rentrer, l’an dernier, 5 milliards de dollars de devises. Même pour un gouvernement hindou, c’est un argument qui compte dans un pays qui est le deuxième pays le plus peuplé au monde.

Des interdits religieux pour l’abattage

Si l’Inde détient le premier cheptel au monde, c’est aussi un pays où les vaches sont considérées comme des animaux sacrés aux yeux d’une frange importante de la population. 81 % de la population est de religion hindou dont les préceptes interdisent la consommation et a fortiori l’abattage des zébus et notamment des femelles.

Sur le plan juridique, la législation relative à l’abattage des bovins relève de chacun des États indiens. Si l’on fait un résumé rapide, c’est pour les zébus femelles qu’il y a les plus fortes restrictions. La législation est plus souple pour les zébus mâles qui peuvent être abattus sur une grande partie du territoire. Cela concerne peu les buffles pour lesquels il y a beaucoup moins de restrictions, surtout s’il s’agit de mâles.

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