Charges de mécanisation
Leurs conseils pour éviter une surmécanisation
La rentabilité économique d’un matériel dépend du niveau d’investissement et du nombre d’heures à effectuer. Pour travailler au meilleur coût, il faut choisir un matériel adapté aux besoins et l’utiliser de manière raisonnée.
Franck Loriot, conseiller machinisme à la FRCuma de Bourgogne : « L’instauration des normes anti-pollution sur les tracteurs a fait évoluer la manière d’acheter. Auparavant les agriculteurs pouvaient choisir un tracteur de 20 ch de plus que ce que leur besoin nécessitait, qui couplé à un bas régime, ne consommait pas trop pour les petits travaux. Ce n’est plus le cas aujourd’hui avec les dernières normes. Néanmoins, un tracteur d’une centaine de chevaux est plus polyvalent et peut être utilisé pour des travaux lourds demandant de la traction. Le suréquipement est donc à éviter, surtout lorsqu’on sait qu’un ch supplémentaire sur l’exploitation, correspond en moyenne 0,12 litre de plus par heure. Autres exemples : pour une utilisation de 568 heures par an, un tracteur de 90 à 120 ch coûte 13,80 €/h dont 2,50 €/h sont induits par l’entretien. Le coût d’un tracteur de 120 à 150 ch s’élève à 15,20 €/h avec 2,90 €/h d’entretien pour 688 heures/an(1).Acheter en commun ou déléguer permet d’amortir plus rapidement un matériel car il fait plus d’heures. »
Christian Savary, conseiller machinisme à la chambre d’agriculture de la Manche : « On constate que la délégation des travaux nécessitant une puissance importante est souvent liée à un manque de main-d’oeuvre et non à des problèmes de coût de matériel. En déléguant, l’agriculteur peut se dégager du temps et être ainsi plus performant sur les autres ateliers de l’exploitation. La délégation (entreprise, Cuma…) doit se raisonner en fonction des besoins en traction de l’exploitation. En dessous de 300 heures d’utilisation par an, il est préférable de ne pas s’équiper d’un tracteur de tête de grosse puissance. Ensuite, la mécanisation doit se raisonner au cas par cas. Par exemple, pour un jeune agriculteur, même s’il dépasse les 300 heures de travaux exigeant en puissance, il n’est pas forcément souhaitable qu’il se lance dans l’achat d’un tel tracteur car il a déjà de nombreux investissements à rembourser. Par contre, pour quelqu’un en vitesse de croisière, l’investissement peut être cohérent, s’il est bien réfléchi (prix de revient, disponibilité en main-d’oeuvre, fiscalité…). Autrement, il reste à l’agriculteur le recours à l’entreprise ou à la Cuma. Le choix entre les deux dépend de plusieurs facteurs : de l’environnement de l’exploitation, de la disponibilité en main-d’oeuvre, de l’état d’esprit de l’agriculteur, de la proximité ou non d’une Cuma ou d’un entrepreneur.»
Richard Wylleman, conseiller en agro-équipements à la chambre d’agriculture de l’Yonne « L’investissement matériel doit se raisonner d’abord à partir de l’analyse des besoins réels de l’exploitation : objectifs de l’agriculteur, quantité de travail à effectuer, atouts et contraintes de l’exploitation (sol, parcellaire…), parc matériel existant, jours disponibles… Au moment d’investir, gain de temps, sécurité, confort, meilleure gestion des périodes de pointe sont souvent les premiers éléments mis en avant. Perspectives d’agrandissement, diminution des cotisations sociales et des impôts suivent. Mais acheter une machine qui ne correspond pas aux besoins réels de l’exploitation est rarement rentable. A partir d’un coût « objectif à atteindre », toutes les possibilités d’accès à la mécanisation sont à étudier (achat en individuel, en neuf ou occasion, achat partagé ). Par exemple, pour l’utilisation d’un tracteur de 150 ch, le coût horaire à rechercher s’élève à 16 €/h hors frais de carburant. Acheter neuf et utiliser le matériel 500 heures/an jusqu’à 7000 heures (soit 14 ans) permet d’atteindre ce coût objectif(2). Acheter d’occasion à 3000 heures et le conserver 14 ans constitue également une solution. Cela revient à chercher sur le marché d’occasion un tracteur 4RM/150 ch de 3000 heures (6 ans) au prix de 41500 € (57 % de sa valeur initiale). Partager l’investissement entre exploitations pour utiliser le matériel de manière suffisante (500 h/an) est une autre solution pour faire des heures. »