Les intérêts de la mixité bovins-porcins analysés dans le Massif-Central
Mal connue, la production porcine dans le Massif Central possède la particularité d’être associée à l’élevage de ruminants en milieu herbager. Cette complémentarité déjà ancienne offre des perspectives prometteuses dans ce territoire et des atouts à mieux connaître.
Mal connue, la production porcine dans le Massif Central possède la particularité d’être associée à l’élevage de ruminants en milieu herbager. Cette complémentarité déjà ancienne offre des perspectives prometteuses dans ce territoire et des atouts à mieux connaître.
Le programme de recherche Aporthe (Valoriser les Atouts de la complémentarité PORcins et bovins dans les Territoires HErbagers du Massif-Central), lancé en 2019, a étudié pendant deux ans la complémentarité des ateliers porcins et bovins dans les élevages du Massif-Central. Les premières enquêtes réalisées ont confirmé la forte dominance des élevages mixtes dans le Massif-Central. « L’élevage hors sol est largement présent en arrière-plan de l’élevage herbivores. Les trois-quarts des sites porcins ayant répondu à l’enquête élèvent des herbivores, principalement des vaches allaitantes. Près d’une exploitation porcine sur deux associe des bovins viande, majoritairement sans atelier naissage. L’exploitation type mixte dans le Massif compte 1000 (pour les engraisseurs spécialisés) à 2000 (pour les naisseurs-engraisseurs) porcs charcutiers produits pour 60 à 70 vaches et une centaine d’hectares. Une forte proportion d’entre eux est impliquée dans des démarches qualité, afin de compenser des coûts de production supérieurs », a présenté Hélène Rapey, ingénieure de recherche à l’Inrae Clermont-Ferrand, lors du webinaire de conclusion du projet le 4 mars 2021.
Lire aussi : « Embaucher plutôt qu’agrandir grâce à la production porcine »
Une grande complémentarité avec l’élevage bovins
Dans le Massif Central, l’élevage porcin présente une grande complémentarité avec l’élevage bovin, une forte empreinte territoriale et un lien historique avec le patrimoine culturel du massif. Il partage avec les bovins des équipements, de la main d’œuvre et un espace herbagé à forte biodiversité. Aussi le projet Aporthe avait pour but de chercher à améliorer la valorisation des effluents porcins en zone herbagère d’altitude, complémentairement aux fumures bovines, tout en préservant les ressources naturelles locales et de promouvoir la résilience des systèmes mixtes porcins-bovins dans la diversité des situations territoriales du Massif, afin de faciliter leur transmission, leur modernisation et leur contribution à l’économie locale.
« Dans les exploitations allaitantes, le développement de l’engraissement de porcs s’effectue souvent en lien avec la faiblesse du revenu. Les éleveurs recherchent de la valorisation, par les signes de qualité ou la transformation à la ferme, ou une sécurisation du revenu par des contrats (intégration, production différenciée) », souligne Christine Roguet, Cheffe de projet au pôle économie de l’IFIP (Institut du Porc).
Lire aussi : Des références sur le pâturage mixte bovins – équins
Des systèmes mixtes plus rémunérateurs et durables
Afin d’estimer si la présence d’un atelier de porc permet d’améliorer la durabilité d’exploitations bovins du Massif Central et de repérer dans quelles conditions l’atelier porcin améliore le plus la performance de ces exploitations bovines, une simulation de l’impact de l’ajout d’un atelier porcin dans des exploitations bovines a été réalisée dans ce programme.
« Nous avons travaillé à partir de 17 exploitations mixtes enquêtées pour effectuer nos simulations. Les résultats montrent que les systèmes mixtes sont plus rémunérateurs. Le revenu n’est pas nécessairement plus stable mais plus élevé, y compris pour les revenus les plus bas par rapport à des systèmes bovins spécialisés et les exploitations moins dépendantes des aides. Les systèmes mixtes rémunèrent plus de main d’œuvre par unité de surface. A noter également, l’augmentation de la production de protéine consommables par l’homme et la diminution du coût moyen de production pour ces élevages mixtes. Du point de vue environnemental, ces exploitations ont un moindre potentiel de réchauffement climatique par kilogramme de protéine produite et une meilleure gestion de la fertilisation », note Claire Mosnier, chargée de recherches INRAE, UMRH, Clermont-Ferrand-Theix.
Le lisier de porc un fertilisant organique des prairies apprécié des éleveurs
« Encore peu utilisée en production herbagère, le lisier de porc est pourtant un fertilisant organique bien adapté. Il est d’ailleurs apprécié des éleveurs du Massif central, pour la rapidité de son action, notamment azotée. Le lisier (effluent à C/N bas) est un bon complément aux sols d’altitude souvent chargés en matière organique, se minéralisant difficilement compte tenu des conditions climatiques. Le lisier peut également redynamiser ponctuellement une prairie peu fertile (à petite dose : 10 à 15 m3/ha). Une bonne répartition des lisiers offre une meilleure gestion de la production herbagère au cours du temps. Le lisier peut modifier la typologie des prairies », expose Pascal Levasseur, ingénieur d’étude pôle techniques d’élevage de l’Ifip-institut du porc.
Les zones herbagères apportent en retour de la souplesse dans le choix des périodes d’épandage et la gestion des capacités de stockage. Les matériels d’épandage peuvent disposer de certaines adaptations relativement aux contraintes d’épandage en zones montagneuses. Néanmoins, l’adéquation entre apports de fertilisants et besoins des productions végétales peut encore être optimisée. « Bien qu’étant un territoire à faible densité porcine, le Massif central demeure contraint par la réglementation environnementale du fait de ses spécificités. Cela concerne notamment l’équilibre de la fertilisation en phosphore », souligne l’ngénieur.
Pour la première fois, l’impact des pratiques d’épandage des effluents d’élevages mixtes « porcin-bovin » en zone herbagère du Massif Central sur la qualité microbiologique des sols a pu être étudié. « Grâce aux indicateurs microbiologiques, il semblerait qu’une pratique plus vertueuse, c’est-à-dire extensive avec moins d’apports d’effluents et d’engrais de synthèse et une pression au pâturage plus faible, induise une augmentation significative de la biomasse microbienne », expose Sophie Bourgeteau enseignante - chercheuse - écologie microbienne des sols, UMR Agroécologie (AgroSup Dijon/INRAE).
Lire aussi : Gaec Nandrot : la complémentarité entre bovins et ovins pour valoriser les surfaces en herbe
Aporthe implique différentes équipes de recherche pluridisciplinaires, parmi ses partenaires : les pôles techniques d'élevage et économie de l'IFIP, INRA, Agro-Sup Dijon, IRSTEA et le Service interdépartemental des Chambres d'agriculture du Massif Central en lien avec l'Association Porc Montagne qui a piloté le programme, soutenu par l’Etat au travers du CGET