Le teff grass, une nouvelle fourragère estivale
Eragrostis tef ou teff grass, graminée cultivée comme céréale secondaire en Afrique, arrive en France comme fourragère. Sa particularité : être capable de pousser à des températures élevées. Retour d’expériences.
Eragrostis tef ou teff grass, graminée cultivée comme céréale secondaire en Afrique, arrive en France comme fourragère. Sa particularité : être capable de pousser à des températures élevées. Retour d’expériences.
Depuis quelque temps, on entend parler d’une nouvelle fourragère estivale, l’Eragrostis tef ou teff grass, dont la particularité est de pousser à des températures supérieures à 33 °C. Sur le terrain, certains éleveurs l’ont déjà testée, comme à la ferme expérimentale des Bordes, à Jeu-les-Bois dans l’Indre où, pour la première année, elle a été introduite sur la plateforme dérobées estivales. La variété sTEFFanie, nom commercial en France de la société Barenbrug, a été implantée en pure le 27 mai 2020, dans des conditions plutôt optimales, à l’aide d’un semoir à céréales, en enlevant les lignes descendantes sur deux zones différentes, une séchante et une plus favorable. Une prairie de dix ans et un mélange protéagineux-céréales immatures pâturé jusqu’à fin avril, ont précédé le teff. Un labour puis un passage de herse rotative ont été effectués avant semis. « Un passage au rouleau aurait été préférable derrière. On a utilisé le matériel à disposition sur la ferme. Les lignes de semis ont bien été marquées mais au vu de la physionomie de la plante (très petites graines), un semis à la volée aurait peut-être été plus approprié. Aucune intervention chimique ou mécanique n’a été nécessaire. La fertilisation a été réalisée perpendiculaire aux modalités, en deux passages à 50 unités d’azote », souligne Élodie Roget, de la ferme expérimentale des Bordes.
Trois coupes entre juillet et octobre
« La levée du teff grass a été assez échelonnée. Est-ce à cause du froid ? Les températures n’ont pas dépassé les 20 degrés sur le mois de juin, cette année. Par contre, fin juin, on a eu un orage avec 40 millimètres d’eau et les pousses ont été convenables », précise-t-elle.
À la ferme des Bordes, trois coupes ont été réalisées sous forme d’enrubannage, la première fin juillet. Le rendement moyen s’est élevé entre 1,1 tonne de MS en zone séchante et 3,5 t de MS en zone favorisante. Sur ce premier cycle, une bande a été laissée pour le pâturage des génisses d’un an avec un chargement instantané élevé. « Il semble pâturable. Le teff semblait bien implanté mais trois jours après, des pieds ont été arrachés. Un enracinement de seulement deux mois est un peu faible pour pâturer ce cycle. À cela s’ajoute peut-être un effet sol sec et friable (limono-sableux). Les animaux ont d’ailleurs plus scalpé la plante avec leurs sabots qu’ils ne l’ont arrachée avec leurs bouches. »
Dès le retour des pluies, il a montré une capacité de repousse intéressante. La seconde fauche est intervenue le 15 septembre à épiaison, le teff étant plus précoce d’épiaison que le moha, le millet ou le sorgho. Le rendement moyen fut de 0,6 en zone non favorisante contre 1,2 t de MS en zone favorisante. Ce cycle semble plus propice à une récolte en pâturage. La dernière coupe a été effectuée le 19 octobre avec des rendements moyens compris entre 0,8 (zone séchante) et 1,5 t de MS (zone non séchante). À préciser, septembre a été propice avec un mois chaud et le retour des pluies.
Une plante qui permet de faire des stocks
La récolte s’est plutôt bien passée. Les tiges du teff sont semblables à celles d’un ray-grass. « Cette plante permet de faire des stocks à la période estivale. Mais comme toute plante, elle a besoin d’eau. Elle peut s’adapter sur des régions plus océaniques avec suffisamment de rayonnement. » Le coût de la semence s’est élevé à 72 euros l’hectare.
Lors de cet essai, les modalités avec et sans azote qui ont été conduites n’ont pas permis de conclure sur un impact positif ou non d’une fertilisation.
Qu’est-ce que le teff grass
Eragrostis tef, de la famille des teff grass est une graminée annuelle en C4 (monocotylédones), originaire des hauts-plateaux d’Érythrée et d’Éthiopie et cultivée là-bas comme une céréale pour l’alimentation humaine. Elle ressemble beaucoup au moha mais présente une valeur alimentaire supérieure (UFV 0,79, MAT, 15,7 %/kg MS) et une plus grande tolérance au stress hydrique et aux températures chaudes. Aujourd’hui, elle n’a pas de maladie, ni de parasite connus.
« Sélectionnée comme fourragère sous nos climats tempérés, elle s’implante au printemps. Il est possible de faire trois à quatre coupes avant l’hiver. C’est une plante qui produit pendant le trou fourrager. Elle s’utilise en enrubannage, en foin ou en pâture. Son taux de protéines atteint les 20 %. Elle est plutôt appétente mais assez agressive. Il est donc difficile de l’associer à une légumineuse. Elle meurt à la première gelée », indique Olivier Coutreau de Barenbrug.
« Ne pas semer la fourragère trop tôt »
Pour la première année Pascal Pojolat, éleveur dans le Cantal, a testé cette nouvelle fourragère. Il en est plutôt satisfait et compte renouveler l’expérience en améliorant certains points.
Cette année, Pascal Pojolat, éleveur de vaches laitières et allaitantes à Chambernon dans le Cantal, à 1 000 mètres d’altitude, a implanté du teff grass derrière un méteil ensilé, fin mai début juin. « Le teff a plutôt bien marché. Je pense en réimplanter l’année prochaine mais en le semant un peu plus tardivement car les températures dans le Cantal sont certainement encore un peu fraîches quand on le sème trop tôt, c’est ce qui a bloqué sa pousse à la mi-juin. Par contre, lorsque la chaleur est arrivée, il est aussitôt reparti », note l’éleveur. En 2021, il compte décaler la date de semis au 25-30 juin.
Après un passage de déchaumeur combiné à un rouleau, quatre hectares de teff grass ont été implantés à une densité de 10 kg/ha. « J’ai eu un orage de 15 mm qui a suffi à la plante. La première coupe est intervenue début septembre. S’il était mieux parti, j’aurai pu envisager une coupe dès la mi-août », souligne Pascal Pojolat.
Des stocks estivaux
Le teff a été récolté sous forme d’enrubannage. L’éleveur a fauché mais pas andainé. « La plante s’est plaquée au sol au moment de la récolte. Par peur des butyriques, je distribuerai l’enrubannage aux allaitantes », fait remarquer l’éleveur. Côté rendement, il s’est élevé à 3,2 tonnes de MS à l’hectare.
« Pour cette première sur notre zone, plusieurs typologies d’éleveurs ont implanté du teff. La récolte a été assez hétérogène car liée au climat. C’est une plante qui n’aime pas le froid. Il est donc préférable de l’implanter dans des parcelles qui ne le subissent pas et de semer ni trop tôt, ni trop tard, à cause des gelées. Entre 900-1 000 mètres d’altitude semble être sa limite d’utilisation. Globalement, les éleveurs ont été plutôt satisfaits car ils ont pu faire des stocks à la période chaude. Ce n’est pas une plante miracle. Elle a quand même besoin d’un peu d’eau pour pousser mais son implantation est rapide et elle supporte de grosses chaleurs. On a affaire à une très petite graine, donc le lit de semence doit être très bien préparé et un roulage après semis est recommandé. Il ne faut pas enterrer la graine. Sa première coupe intervient six à huit semaines après le semis et ne doit pas être trop rase (au-dessus de 10 centimètres) puis, toutes les quatre semaines. », conseille Emmanuel Fournier d’Agricentre.
Les vaches ont pâturé la seconde coupe durant 15 jours mais ont arraché de nombreux pieds. « Cette plante sent bon et est appétente pour les animaux. »
L’éleveur regrette d’avoir cassé un peu trop tôt sa parcelle pour implanter un méteil derrière car avec la belle arrière-saison, il aurait pu envisager une troisième coupe.
« Je trouve le teff plus facile à exploiter qu’un sorgho pour en avoir implanté dans le passé. Il est moins grossier et m’a permis de faire de bons volumes. »