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Le système Inra de rationnement est rénové

Le système d’alimentation des ruminants de l’Inra permet de mieux prendre en compte les réponses des animaux aux diverses pratiques alimentaires et à l’évolution des potentiels de production.

Les réductions d’apports en comparaison aux besoins physiologiques peuvent désormais être mieux raisonnées et maîtrisées dans l’intensité et la durée.
© S. Chatenet

Entamée en 2010, la rénovation du système d’alimentation des ruminants de l’Inra aboutira à la publication fin 2018 d’un nouveau « livre rouge ». UF pour l’énergie, PDI pour les protéines, et UE pour l’ingestion ont fait leurs preuves et perdurent, pour ne pas perturber les habitudes de raisonnement, mais ces systèmes d’unités alimentaires sont améliorés et affinés dans leurs usages. Le modèle des apports alimentaires est ainsi profondément revu. Il intègre le fait que la valeur alimentaire d’une ration n’est pas égale à la somme de la valeur donnée dans les tables des différents aliments qui la composent. Et pour cela, il tient compte des interactions qui se produisent lors de la digestion dans le rumen puis dans l’utilisation finale des nutriments. Ainsi, plus l’ingestion est importante, et plus la proportion d’aliments concentrés est élevée, plus il y a d’interactions digestives et métaboliques, et les principales d’entre elles ont été modélisées par l’Inra. Le grand changement par rapport au système de 2007 est ainsi que les valeurs des aliments ne sont désormais plus fixes. Elles varient en fonction de la composition de la ration et du niveau d’ingestion. En conséquence, les valeurs des aliments dans les tables Inra ne sont qu’indicatives. Et il devient difficile de calculer une ration à la main sans ordinateur.

La valeur d’un aliment dépend de la composition de la ration

C’est surtout pour les catégories d’animaux à fort niveau d’ingestion, comme les vaches laitières, que le nouveau système bouscule les repères. « Mais en engraissement également, explique Jacques Agabriel, de l’Inra de Theix. Des corrections qui étaient faites de façon intuitive, en baissant la valeur de l’ensilage de maïs par exemple, ou en tenant compte du pourcentage de concentrés dans les « rations sèches », sont désormais intégrées par le modèle des apports alimentaires. Avec des animaux moins exigeants, en vaches allaitantes, les effets sont moindres et on se tromperait moins en procédant « à l’ancienne ». Mais le nouveau système a aussi l’avantage de fournir plusieurs indicateurs pour une ration : le risque d’acidose, les pertes en azote, les pertes en méthane… »

Meilleure connaissance des dépenses non productives

Il a fallu ensuite revoir en profondeur les modèles des dépenses des animaux pour qu’ils correspondent bien au nouveau modèle des apports des rations. Les calculs d’apports ont alors été réintégrés dans les bases de données des performances animales pour évaluer par ajustements les besoins énergétiques et protéiques des animaux et les lois de réponses à ces apports. « Pour les vaches allaitantes, les besoins alimentaires correspondent désormais mieux aux états de référence que constituent les notes d’état corporel à différentes étapes du cycle de reproduction », résume Jacques Agabriel. Les courbes de lactation ont été entièrement remises à jour, mais c’est surtout par ce que l’Inra a redéfini sous le terme de « dépenses non productives » (DNP) que le nouveau système apporte des précisions intéressantes pour l’élevage allaitant. Les DNP représentent 70 % environ des dépenses énergétiques totales et correspondent à ce que l’Inra entendait jusque-là par « besoins d’entretien » (énergie nécessaire pour que le poids de l’animal ne varie pas), auxquels s’ajoutent désormais des mécanismes d’épargne ou de perte énergétique lorsqu’une vache perd ou gagne du poids, donc de l’état. Ces DNP évoluent donc selon les conditions d’alimentation, mais sont également associées aux variations de réserves corporelles et d’intensité du métabolisme. L’importance de ces dépenses non productives détermine fortement l’efficience d’utilisation de l’énergie ingérée. C’est le cheval de bataille du rationnement de la vache allaitante. Les réductions d’apports en comparaison aux besoins physiologiques peuvent désormais être mieux raisonnés et maîtrisés dans l’intensité et la durée.

Rappelons que les recommandations Inra intègrent cette gestion raisonnée et dynamique des réserves corporelles, en définissant des notes d’états corporels objectifs minimaux, qui garantissent la bonne reproduction, assurent la lactation et le début de la gestation. Une grande diversité de niveaux nutritionnels (UFL, PDI, minéraux) est ainsi proposée selon le type de vache et selon les dates de vêlage et leur positionnement par rapport à la rentrée à l’étable et ou la mise à l’herbe. Cela permet de considérer la prise ou la perte de poids vif des lots de vaches allaitantes comme un objectif dans la gestion puis le calcul du rationnement. Le nouveau système apporte la possibilité de trier ce sur quoi on choisit de rationner. L’éleveur peut facilement comparer plusieurs solutions et choisir, par exemple, entre réduire le plus possible les écarts entre apports et besoins en énergie, ou bien, pour les jeunes en engraissement, optimiser la valorisation des protéines disponibles. 

« Pour les animaux en croissance et à l’engraissement, nous avons actualisé et enrichi les références de croissance avec des données plus récentes, mais le modèle est globalement inchangé », souligne Jacques Agabriel. Le défi pour l’avenir pour ces animaux pourrait être d’arriver à adapter les recommandations, faites aujourd’hui pour un lot d’animaux, aux caractéristiques de chaque individu qui a ses besoins propres de croissance et son efficacité alimentaire à lui.

À paraître

Quarante ans après la sortie du premier " livre rouge ", le nouveau système d’alimentation Inra pour les ruminants est disponible en anglais depuis avril 2018 auprès de Wageningen Academic Publishers. La version française est annoncée pour décembre 2018.

La nouvelle version 5 du logiciel INRAtion, codéveloppée avec l’association Siel, sera livrée à des organismes de conseil en élevage à l’automne 2018. Elle intègre les nouveautés pour les bovins en croissance et à l’engraissement. Pour accéder aux nouveautés concernant les vaches allaitantes, il faudra patienter jusqu’à la seconde livraison du logiciel, qui ne devrait pas trop tarder en 2019. INRAtion version 5 fonctionnera via le web.

Une nouvelle approche des apports en protéines avec BPR

Trois critères sont pris en compte dans le nouveau système pour évaluer la digestion ruminale et l’importance des interactions digestives. Il s’agit d’abord du pourcentage de concentrés dans la ration totale (PCO) : plus la part de concentrés dans la ration augmente, moins bonne est la digestibilité de la matière organique totale.

Le niveau d’ingestion (NI) est aussi intégré : quand le niveau d’ingestion augmente, une part plus importante de la matière organique n’est pas assimilée.

Le troisième critère est la balance protéique ruminale (BPR). Il s’agit de la différence entre l’azote qui sort du rumen (microbien et alimentaire) et l’azote ingéré. Il concerne donc la disponibilité en azote pour le fonctionnement du rumen et il constitue une nouveauté. La BPR évalue ainsi l’efficacité protéique du rumen. Pour que la flore du rumen soit efficace, il faut ni trop, ni trop peu d’azote dans la ration. Si la BPR est nulle, la digestibilité de la ration est considérée comme optimale. Si la BPR est négative, l’animal devra recycler une partie de son urée sanguine, mais il ne peut le faire que jusqu’à un certain seuil qui varie selon les productions. Si la BPR est trop négative, les microorganismes sont carencés en azote et la partie cellulosique de la ration est alors mal valorisée. À l’inverse, une BPR trop élevée signera des pertes urinaires en azote importantes.

La BPR remplace le rapport (PDIN-PDIE)/UF. Les deux valeurs distinctes des aliments PDIN et PDIE disparaissent. Dans les tables, un aliment est équipé d’une seule valeur PDI associée à une valeur de BPR. La valeur BPR de la ration est recalculée dans INRAtion version 5 et comparée au seuil de tolérance variable des animaux : ce seuil est de 0 à -3 g pour des jeunes taurillons, mais jusqu’à -20 g pour des vaches taries.

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