"Le sorgho fourrager multicoupe pour compléter les stocks"
Le Gaec Perron a cultivé en 2019 du sorgho fourrager multicoupe sur 3,5 hectares. Semé mi-mai, en choisissant une variété bon marché et avec la chance d’avoir reçu deux orages en août, le bilan est très positif.
Le Gaec Perron a cultivé en 2019 du sorgho fourrager multicoupe sur 3,5 hectares. Semé mi-mai, en choisissant une variété bon marché et avec la chance d’avoir reçu deux orages en août, le bilan est très positif.
Pascal Perron et son neveu Antoine élèvent 120 Charolaises à Martigny-le-Comte en Saône-et-Loire. Ils vendent des reproducteurs inscrits au herd-book, ainsi que des babynettes, des vaches de réforme et des broutards. Ils ont testé le sorgho en 2018 sur quelques hectares par opportunité en réaction à la sécheresse du début de saison. « Nous avons obtenu une petite récolte, n’ayant pas bénéficié de conditions météo favorables. En 2019, nous avons recommencé sur 3,5 hectares avec un sorgho implanté plus tôt, le 15 mai. » Les éleveurs ont choisi une variété basique de type Sudan grass : Piper. La semence est bon marché (60 euros par hectare de semence à raison de 30 kg/ha). La parcelle concernée est assez profonde, elle était occupée auparavant par une orge qu’il a fallu détruire à cause d’une attaque de taupins. Trente tonnes de fumier ont été apportées avant labour. Le semis s’est fait en combiné avec une herse rotative et un roulage a été assuré.
Cinq à six tonnes MS par hectare en deux coupes
« Nous avons été bien aidés par deux orages », estime Pascal Perron. Le premier est arrivé vers le 20 juillet et dix jours plus tard, les éleveurs ont enrubanné un fourrage début épiaison qui montait bien haut. « Nous avons récolté 60 balles de 560 kilos à 33 % de matière sèche, soit 3,2 tMS/ha. » Ensuite un second orage a été annoncé en août et 40 unités d’azote ont été épandues sur le sorgho juste avant. Il est tombé 30 mm. Les derniers jours d’août, une deuxième coupe de sorgho a été ensilée le même jour que le maïs. Le sorgho a été ensilé avec le même nombre de couteaux sur la machine que pour le maïs et déposé dans le même silo, au-dessus du maïs. Le rendement du sorgho en deuxième coupe a été un peu inférieur à celui de la première coupe, mais il n’était pas mal, et les éleveurs ont apprécié que cette plante valorise très bien l’eau tombée. « Je pense qu’un conservateur aurait été utile car nous avons un peu de perte par moisissures sur ce silo 2/3 maïs-1/3 sorgho. Mais nous n’avons aucune perte par écoulement de jus », observe Pascal Perron. Le maïs faisait 36 % de MS à l’ensilage et le sorgho 23 %.
Une ration économique pour les vaches suitées
« L’enrubannage n’a pas été facile à réaliser car le fourrage était très lourd et l’andaineur avait tendance à ramasser de la terre en même temps. D’autre part ce fourrage n’a pas été très apprécié par les vaches car il contient de grosses tiges », explique l’éleveur. Distribué en râtelier en fin d’été, elles n’ont pas trop fait les difficiles. Mais l’hiver à l’auge, les vaches ont un peu boudé et l’ingestion n’était pas idéale. L’analyse a pourtant donné une bonne valeur alimentaire avec 0,84 UFL, 12,2 % de MAT. Pour l’ensilage, aucun problème d’ingestion n’a été observé et la valeur alimentaire s’est révélée meilleure qu’attendue avec 0,73 UFL, et un excellent 15,8 % de MAT. « Le sorgho fourrager multicoupe a participé à nous donner avec nos autres fourrages une ration économique pour les vaches suitées. » Cette ration est composée de 5 kg MS d’enrubannage de jeune prairie (0,86 UFL et 12 % de MAT), 1,3 kg MS d’ensilage maïs-sorgho, 9,3 kg MS de foin (9 % de MAT et 0,66 UFL) et 0,85 kg MS d’orge. Son coût est estimé à 1,48 euro/jour. Elle a bien fonctionné cet hiver, avec des vaches donnant du lait.
« Nous pensons continuer à cultiver du sorgho multicoupe en le semant mi-mai, probablement après une prairie à renouveler. Pour la première coupe, on va chercher une autre façon de le valoriser. » Les éleveurs avaient en 2018 fait pâturer au fil une petite deuxième pousse sur deux hectares mais c’est à leurs yeux pas mal de contraintes pour gérer le risque de toxicité (il faut faire pâturer au-dessus de 50 à 60 cm de hauteur), pour une appétence qui n’est pas phénoménale. Et leur objectif est de faire du stock.
Avis d’expert : Fabien Langlois, conseiller technique Sicarev Coop
« Un bon compromis entre quantité et qualité »
« Le sorgho fourrager multicoupe est une alternative parmi d’autres pour les éleveurs qui cherchent à réduire les risques en cas de sécheresse d’été. Au Gaec Perron, les valeurs alimentaires données par les analyses des deux coupes ont surpris dans le bon sens. Le Gaec dispose aussi de plusieurs autres fourrages de très bonne valeur alimentaire. Le sorgho a participé à construire une ration hivernale pour vaches suitées sans complémentaire azoté. Le coût de ce fourrage est faible avec leur choix d’une variété bon marché et peu d’interventions à réaliser. Et le rendement (5 à 6 tMS/ha) a été intéressant avec en 2019 de la pluie au bon moment.
Sicarev Coop accompagne les éleveurs dans une approche globale de l’exploitation face au changement climatique, et propose depuis l’année dernière une gamme de fourragères. Nous faisons les rations l’hiver, et nous nous rendons compte de la grande diversité dans la qualité des fourrages dont peuvent disposer les éleveurs. Donc de plus en plus, au printemps, nous sommes avec eux afin de les accompagner pour qu’ils récoltent des fourrages de la meilleure qualité possible. »
"Des résultats aléatoires avec un semis derrière une orge"
À l’EARL de Rondefay, à Ternant dans la Nièvre, Maxime Latrace cultive du sorgho fourrager de type Sudan grass depuis cinq ans. L’objectif est de disposer de stock "tampon" à faible coût.
"Je sème du maïs derrière les ray-grass italiens de deuxième année, et pour le sorgho je ne dispose que des parcelles libérées par la récolte de l’orge. Ce fourrage — variété Piper — est semé dans l’objectif de récolter, si les conditions le permettent, du stock à peu de frais pour compléter les autres fourrages", explique Maxime Latrace, éleveur de 110 Charolaises. Son utilisation permet de se substituer à l’ensilage de maïs sans trop dégrader les concentrations de la ration, car sa teneur en UF est équivalente sans contenir d’amidon.
"Je récolte le sorgho une seule fois, avant qu’il ne gèle, en général fin octobre." L’an dernier, malheureusement, le sorgho qui avait été semé sur cinq hectares n’a reçu aucune pluie. Il a levé mais il était très irrégulier et Maxime Latrace l’a broyé. En 2018, l’ensilage avait donné un rendement moyen sur dix hectares. "Je le fauche et une ou deux journées plus tard, l’entreprise l’ensile avec une autochargeuse. Le sorgho est suivi d’un triticale qui en général réussit bien grâce à une bonne structure du sol."
Ce fourrage entre dans la ration fabriquée à la mélangeuse pour les broutards alourdis, les vaches à l’engrais et les babynettes. Par exemple pour des vaches de 700 kg à 1 300 g/j, la ration se compose de 12 kg bruts d’ensilage de maïs, 5 kg bruts d’ensilage de sorgho, 0,5 kg brut de paille, 3,8 kg bruts de triticale et 3,8 kg bruts de correcteur azoté avec 50 g de minéraux. "Cette ration donne de bons résultats. Il m’est aussi arrivé d’utiliser le sorgho seul en fin d’hiver, quand il n’y a plus de maïs, avec de la paille et des concentrés."
Un effet positif sur la structuration du sol
Pour Pierre-Antoine Comte, responsable du service technique de Sicarev Coop, l’intérêt principal du sorgho dans ce système d’élevage est de constituer un stock tampon permettant s’il le faut de nourrir des animaux en période de sécheresse estivale. "Le profil de ce type de fourrage, riche en UF, nous permet de maintenir l’état corporel des vaches l’été, le besoin en protéines étant moins primordial en cette période, sans avoir à utiliser les stocks de qualité riches en UF et en MAT qui sont indispensables pour l’hiver.
Les stocks 'tampons', que ce soit en sorgho ou toute autre interculture, doivent être réfléchis chaque année en amont de l’arrivée de la sécheresse."