Le sainfoin, une légumineuse fourragère pas comme les autres
Cousin de la luzerne, le sainfoin est une légumineuse non météorisante qui aime les sols calcaires et séchants. Riche en tanins, oméga 3 et composés bio actifs, il peut s’utiliser comme fourrage ou sous forme de bouchons déshydratés.
Cousin de la luzerne, le sainfoin est une légumineuse non météorisante qui aime les sols calcaires et séchants. Riche en tanins, oméga 3 et composés bio actifs, il peut s’utiliser comme fourrage ou sous forme de bouchons déshydratés.
« Le sainfoin est une légumineuse plutôt adaptée aux sols pauvres, calcaires et assez séchants, dont la pérennité est de trois à quatre ans, décrit Amélie Boulanger, conseillère herbe et fourrages à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle. Il n’apprécie pas les sols lourds, l’excès d’eau et les sols acides. » Certains le substituent à la luzerne dans la rotation, comme celle-ci nécessite un temps de retour d’au moins cinq à six ans sur une même parcelle.
Une bonne résistance au froid et au sec
Le semis du sainfoin s’effectue à 2-3 cm de profondeur plutôt au printemps, la fin de l’été étant plus risquée à cause des sécheresses. Deux solutions sont possibles pour le semer, soit sous forme de graines décortiquées (50 kg/ha), soit avec cosses (100 à 150 kg/ha). « Son installation assez lente peut favoriser le salissement par les adventices », alerte la conseillère.
« C’est une plante très rustique, un peu plus souple que la luzerne dans sa gestion et sa conduite, et beaucoup moins exigeante en phosphore et potasse », poursuit la conseillère. Parmi ses avantages, sa racine pivot lui permet d’aller chercher l’humidité en profondeur, et une fois bien installé, le sainfoin résiste bien au froid et à la sécheresse.
Une légumineuse rustique à faucher ou pâturer
« Le sainfoin est traditionnellement récolté en foin », note Laurence Sagot, de l’Institut de l’élevage. Il est possible de le valoriser en fauche une à deux fois par an selon le type de sainfoin, simple ou double. Le sainfoin simple ne fleurit qu’une fois par an ; il se montre moins productif que le double (type remontant), mais plus pérenne.
« En première coupe, le sainfoin aura une meilleure productivité que la luzerne avec environ 30 % de rendement supplémentaire, mais moins sur la deuxième coupe, complète Amélie Boulanger. Annuellement, il peut produire entre 6 et 9 t MS/ha selon les conditions climatiques. » L’Idele mentionne un rendement plus proche de 5 t MS/ha en moyenne.
Sa valeur alimentaire dépend du stade de récolte. « L’idéal est de viser le stade bourgeonnement-début floraison. » Contrairement à la luzerne, le sainfoin ne s’avère pas météorisant et peut se pâturer au fil. Le pâturage peut commencer à partir de 30-40 cm. « Mais attention, il se révèle assez sensible au piétinement », prévient l’Institut de l’élevage.
Des bouchons déshydratés intégrés dans les aliments
Le sainfoin peut aussi s’utiliser sous forme de bouchons déshydratés, fabriqués par trois unités de déshydratation (Deshy21, Capdéa et Tereos) et commercialisés auprès des fabricants d’aliments qui l’intègrent dans la formulation d’aliments complets.
Pour Didier Etienne, responsable formulation des aliments aux établissements Sirugue, « le sainfoin est une assurance santé digestive ». Dans les élevages en système herbe avec aliment complet, ou céréales et correcteur azoté, « le sainfoin aide les animaux à gérer la pression parasitaire. Il sécurise le pâturage d’été des bovins. Certains éleveurs l’utilisent toute l’année ».
Des propriétés médicinales
Bien que le produit soit plutôt cher, le fabricant d’aliments souhaite le garder dans son offre technique. « C’est peut-être une solution d’avenir en cas d’impasse thérapeutique si les traitements anti-parasitaires de synthèse viennent à disparaître. »
Côté valeur alimentaire, « le sainfoin est proche de la luzerne avec des sucres en plus ». Selon Sylvain Dumard, technicien de terrain aux établissements Sirugue, le sainfoin s’intègre bien dans des régimes à base d’herbe. « Il valorise bien la ration, notamment l’azote total. Il convient autant au pâturage qu'aux rations hivernales avec des foins de bonne qualité comme les deuxième et troisième coupes. Plus le foin est riche en azote soluble, plus on met de sainfoin. »
« Comparé au foin et à l’ensilage, le bouchon déshydraté possède la version la plus concentrée en métabolites d’intérêt », explique Pascale Gombault, présidente de Sainfolia, coopérative créée en 2015 et produisant du sainfoin sur 800 hectares. En culture, il est possible d’espérer 10 t MS/ha et 18 % de protéines, mais les propriétés médicinales ne seront pas constantes d’une année sur l’autre.
Emeline Bignon
Par Sabine Huet et Emeline Bignon
À retenir
Le sainfoin est une plante :
• non météorisante ;
• avec un rendement annuel de l’ordre de 5 tonnes de matière sèche par hectare ;
• avec un fort taux de protéines ;
• riche en tanins condensés ;
• avec un effet bénéfique sur l’environnement.
Les tanins dotent le sainfoin de multiples vertus
Depuis 2011, la SAS Multifolia, qui développe des solutions de biocontrôle en nutrition et santé animale et végétale, étudie avec des instituts de recherche publics et privés les vertus du sainfoin. La plante contient des polyphénols et flavonoïdes aux propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Ses tanins condensés complexés aux protéines protègent celles-ci de la dégradation dans le rumen. « Il en résulte une meilleure efficience azotée, une diminution de la production de méthane entérique et de moindres rejets azotés dans les effluents d’élevage », clame Pascale Gombault, également directrice de Multifolia.
Les tanins ont aussi des propriétés anti-parasitaires et améliorent l’immunité globale. « Apporté en préventif, le sainfoin fait baisser la pression parasitaire et réduit l’emploi d’anthelminthiques de synthèse. » Une récente étude d’Idele confirme la richesse du sainfoin en tanins condensés avec en moyenne près de 50 g/kg MS. Elle apparaît plus concentrée en automne avec 53 g contre 41 g/kg MS au printemps. Enfin, il est reconnu un transfert qualitatif des oméga 3 dans les produits viande et lait.
Avis d’éleveur : François Beau, éleveur en Meurthe-et-Moselle
« Une fourragère qui se plaît dans les petites terres »
« Mon père cultivait du sainfoin il y a une cinquantaine d’années. Je l’ai réintroduit sur l’exploitation depuis six ans dans des terres pauvres, calcaires et séchantes. C’est une bonne tête d’assolement. Je le sème en direct mi-août en utilisant de la semence fermière (au moins 100 kg/ha). Autrement, le prix de la semence est de 3 €/kg. L’implantation est lente. II résiste parfaitement au gel et repart bien au printemps. Il n’y a pas de désherbant homologué. La première année, il ne faut pas attendre de miracle en termes de rendement. La productivité est meilleure en deuxième et troisième années. Sur mes petites terres, je récolte 4 tMS/ha de foin en première coupe. Le sainfoin mesure 1,20 m de haut à la récolte. Je le fauche à la conditionneuse car il est long à sécher, en veillant à ne pas trop le retourner pour préserver les feuilles. C’est un fourrage appétent et, en termes de résistance à la sécheresse, j’ai rarement vu mieux ! »
Avis d’éleveur : Denis Pineau, éleveur dans le Maine-et-Loire
« Un aliment qui sécurise la ration de nos laitières »
« J’ai introduit le sainfoin dans la ration de mes 45 vaches à 9 000 kg quand la laiterie LSDH m’a proposé de rejoindre les démarches Bleu Blanc Cœur et sans OGM. Aborder la santé des animaux par l’alimentation, ça a du sens pour moi. Les bouchons de sainfoin et luzerne contribuent à l’apport d’oméga 3 dans le lait. Ils intègrent la ration estivale et hivernale à hauteur de 1,5 à 1,7 kg/VL qui comprend deux tiers d’ensilage de maïs, un tiers d’ensilage d’herbe, un correcteur azoté, une VL à base de lin et un mélange fermier triticale-avoine-pois. Les bouchons affichent une valeur alimentaire de 0,79 UFL, 17,2 % MAT et 20,9 % de cellulose et se montrent très appétents. Ils améliorent l’efficacité alimentaire et sécurisent la ration grâce au pouvoir tampon. J’ai peu de variations de l’urée dans le lait. Les bouchons coûtent 375 €/t, mais ce surcoût est compensé par le bonus de 30 €/1 000 l du label Bleu Blanc Cœur. »