La SAS Viandes & Territoires prend ses marques
L’abattoir de Rethel, dans les Ardennes, a été repris en février 2017 par ses usagers, qui ont créé la SAS Viandes & Territoires. En un peu plus d’un an, l’activité a bien repris et de nombreuses initiatives ont démarré.
L’abattoir de Rethel, dans les Ardennes, a été repris en février 2017 par ses usagers, qui ont créé la SAS Viandes & Territoires. En un peu plus d’un an, l’activité a bien repris et de nombreuses initiatives ont démarré.
A Rethel, dans les Ardennes, l’abattoir a été créé en 1985, et l’atelier de découpe a démarré son activité en 1990. Conçu pour les bovins, cet outil a été adapté avec une chaîne pour les ovins et une chaîne pour les porcs. « Rethel a connu de bonnes années dans la fin des années 1990, avec jusqu’à 10 000 tonnes de viande traitées par an, explique Kévin Tinant, président de Viandes & Territoires. De gros déboires l’ont cependant conduit au dépôt de bilan en septembre 2013. » En particulier, l’entreprise a pâti d’un très gros impayé de la part de son client la Seb, basée à Saint-Dizier (Haute-Marne), qui avait elle-même été liquidée en 2011 suite à la contamination de viande hachée par E. coli. Un investisseur privé a alors repris l’entreprise, et a investi en particulier dans l’atelier de découpe pour porcs. Mais l’entreprise partenaire avec laquelle il avait construit son projet lui a fait défaut. Et en décembre 2017, le bilan a une seconde fois été déposé.
« Les éleveurs usagers de l’abattoir avaient été quelques mois auparavant sollicités pour devenir actionnaires. Leur offre amiable avait été rejetée, mais cela leur avait permis de mobiliser déjà les bonnes volontés autour de cet abattoir », raconte Arthur Wary, responsable marketing et communication de Viandes & Territoires. La chambre d’agriculture des Ardennes a été moteur pour la reprise de l’abattoir. Elle a fédéré et organisé le travail de ce groupe d’usagers qui s’était construit avec une quarantaine d’éleveurs, sept bouchers, et un négociant. Vivescia, groupe coopératif céréalier, s’est associé à la démarche et a apporté ses compétences juridiques et financières, et a aussi investi concrètement dans le projet.
« C’est une grande aventure humaine que nous avons vécue, en pleine trêve des confiseurs, entre le dépôt de bilan en décembre 2016 et notre offre de reprise le 17 janvier 2017 », se rappelle Kevin Tinant. Les débuts ont été compliqués. « Nous avons démarré sans banque. Les premières paies ont été distribuées par le notaire ! " Il a été en effet très difficile de trouver une banque, et les repreneurs sont particulièrement amers vis-à-vis de la Banque publique d’investissement, qui n’a tout simplement pas étudié le dossier.
Du sur-mesure pour les clients et de la valeur ajoutée pour les éleveurs
La communauté de communes a racheté les bâtiments à la société, et la SAS rembourse un crédit-bail pour les racheter. Le conseil d’administration se compose de cinq éleveurs, un boucher, un négociant, un salarié, un représentant des collectivités et un censeur. « Le projet a pour objectif d’assurer les prestations de service pour les éleveurs, les bouchers, les distributeurs, et de proposer de la viande produite localement dans un service sur-mesure à ses clients, expose Kevin Tinant. Les petits abattoirs doivent faire ce que ne veulent pas faire les grands : du sur-mesure, du service personnalisé, et cela à partir de carcasses de qualité bouchère. Nous n’allons pas nous occuper de vaches laitières, car nous ne serions jamais compétitifs par rapport aux grands abattoirs … et nous ciblons le « consommer local »."
Une gamme de haché 100 % né, élevé et abattu dans les Ardennes
En un peu plus d’un an d’activité, près de 500 000 euros ont été investis pour la remise en état des installations, l’amélioration des conditions de travail et de la productivité. Sur les cinq premiers mois de 2018, en moyenne, 500 bovins ont été abattus par mois. Un peu plus de 500 agneaux et 780 porcs sont aussi traités chaque mois. « L’objectif est d’arriver à 4 500 tonnes par an. » Le chiffre d’affaires est d’environ 7 millions d’euros. Les prestations de services représentent un tiers de l’activité, et le commerce des viandes les deux autres tiers. « Nous avons redémarré de zéro, avec les frigos vides, et la moitié des salariés. Aujourd’hui, nous avons retrouvé l’effectif d'avant le plan social, soit 39 salariés, et trois jours d’abattage par semaine. Des efforts ont été demandés aux salariés, pour plus de polyvalence et de professionnalisme avec la mise en place d’une prime qualité déterminée sur plusieurs critères, explique Kevin Tinant. Deux commerciaux sont en activité à temps plein, et le système informatique a été complètement remis à niveau. » Une marque « Viandes & Territoires » pour le bœuf, le porc, l’agneau, le veau a été développée. En mars 2018, une gamme de haché 100 % issu d’animaux nés, élevés et abattus dans le département des Ardennes a été lancée. Cette gamme se décline aussi en une version régionale.
Viandes & Territoires a souffert d’un déficit de confiance de la part des fournisseurs, à cause de la mauvaise image laissée par les précédentes expériences. Cela commence à s’arranger car tous les mois, les parts de marché progressent. « Les clients et fournisseurs constatent notre travail sur la présentation et la qualité du produit. » L’abattoir de Rethel va prochainement s’équiper pour proposer brochettes, saucisses et merguez, qui sont pour l’instant sous-traitées par une entreprise voisine. En projet, figure aussi une gamme de piécés pour les petits magasins de proximité. « Nous travaillons déjà avec la restauration hors domicile (api-restauration) et nous sommes en contact avec le conseil général des Ardennes. »
De nombreux atouts
Le petit abattoir municipal de Charleville-Mézières, à une quarantaine de kilomètres, n’est pas en mesure de répondre à tous les besoins des usagers, et l’alternative est l’abattoir Bigard à Vitry-le-François (Marne), qui traite 12 000 à 15 000 tonnes par an. L'abattoir de Rethel est bien situé par rapport aux zones d’élevage des départements des Ardennes, de la Marne et de l’Aisne. Les animaux font au maximum deux heures de transport avant d’arriver à Rethel. Et l’abattoir bénéficie aussi de l’activité du marché de Rethel, seul marché de la région Grand Est, à côté duquel il est installé. Rethel a une position particulièrement favorable à la logistique, au croisement de trois autoroutes et proche de Reims et Paris.