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La Salers en rouge ou noir

La robe des Salers est classiquement rouge acajou mais peut également être noir de jais. Lors du dernier Salon de l’agriculture un superbe taureau noir est monté sur le podium. L’occasion de mieux connaître les subtilités du standard de la belle auvergnate.

Des cornes en forme de lyre, un format conséquent, 1,4 tonne sur la bascule, un bassin et des aplombs parfaits, une belle épaisseur de dessus et une robe non pas acajou mais noir de jais. À l’occasion du dernier Salon de l’agriculture, Hector SN le dernier champion salers était dans l’histoire du concours général agricole le premier taureau noir de cette race à participer à la grande confrontation de la Porte de Versailles et a fortiori à monter sur la plus haute marche du podium. Une partie des visiteurs et des éleveurs non coutumiers de la Salers ont découvert à cette occasion une de ses particularités : à savoir la coexistence de ces deux couleurs. « On ne change pas de race, on change juste la couleur de robe ! », expliquait Thierry Champeix, éleveur dans le Puy-de-Dôme et juge de ce concours. « J’ai eu droit à de très nombreuses questions dès que le taureau est descendu du camion », souligne de son côté Marcel Vidalinc, chef d’exploitation de la Scea de la Cère, un élevage de Salers détenu par la famille Matière, à la tête de l’entreprise de travaux public éponyme, spécialiste notamment des ponts et ouvrages d’art sur les grands axes routiers.

Largement utilisé en monte naturelle

À la Scea de la Cère, la constitution du troupeau d’animaux noirs a débuté en 1984. Marcel Matière, père de Philippe Matière, l’actuel dirigeant de l’entreprise a pour cela acheté ses premiers animaux noirs au gré des opportunités dans différentes exploitations du Cantal et notamment dans la vallée de Mandailles. Dans un premier temps, une partie de ces femelles ont été accouplées avec des taureaux « rouges ». « Rouges » pour améliorer formats et morphologies. En effet, au moment de la création du troupeau, il n’était pas facile de trouver des taureaux noirs possédant à la fois un format suffisant associé aux bonnes aptitudes recherchées.

Né le 24 janvier 2012, Hector SN est au contraire volontiers présenté comme le reproducteur idéal. Il avait jusqu’à présent rarement été présenté sur les concours. Acheté par Philippe Matière au cours de l’hiver 2013 sur l’élevage de Thierry Champeix dans le Puy-de-Dôme, il n’a pas sailli la première année compte tenu des dates de mises bas sur l’élevage de son actuel propriétaire, mais il a par la suite été largement utilisé avec 284 veaux issus de monte naturelle nés à ce jour dont un peu plus de 200 pesés et pointés. « C’est un taureau qui produit très bien. Il avait le meilleur Isevr du concours : 104. Sa morphologie et ses aptitudes sont bien en phase avec ce qui est recherché dans la race », précise Bernard Lafon, directeur du groupe Salers évolution en soulignant qu’il avait un peu plus de 8 ans le jour du concours. « Il a sailli jusqu’à 60 femelles par an ces dernières campagnes », ajoute Marcel Vidalinc en ajoutant toutefois que préparation pour le grand rendez-vous parisien oblige, cela n’a pas été le cas cet hiver. Le stock de semences prélevées en ferme en prévision du séjour à la Porte de Versailles a en revanche permis de l’utiliser sans restriction.

Un gène récessif

Dans la race Salers, le gène responsable de la couleur de la robe noire est le gène MC1R. Trois allèles de ce gène (Ed, E + et C) sont impliqués. Chacun d’entre eux s’exprime avec un ordre de dominance. Les animaux porteurs de l’allèle Ed ont une robe toujours noire. Ceux porteurs de l’allèle C ont une robe toujours rouge. Mais quand l’allèle E + est présent, la couleur de l’animal peut-être noire ou rouge. Ce déterminisme de la couleur de robe fait qu’un taureau à la robe acajou accouplé à une vache elle aussi de robe acajou peuvent tout à fait faire naître un veau noir si tous les deux sont porteurs du gène noir. « C’est pour cela que dans le Cantal, il y a un proverbe qui dit que 'de 100 ans en 100 ans la vache noire revient à l’étable' », souligne Bernard Lafon. Et quand une Salers est noire, elle l’est totalement : poils, muqueuses, langue, bout des cornes et onglons. Idem pour la peau et donc le pis. Cette couleur irait de pair avec une plus grande robustesse. Comme pour les pieds des chevaux, ces sabots noirs sont réputés être plus durs donc plus résistants. Si on s’en tient à des ouvrages relatifs à l’historique de la race, ces animaux noirs étaient majoritaires au sein de la population au début du XIXe siècle. C’est Ernest Tyssandier d’Escous, agronome, éleveur et homme politique du Cantal qui au cours du XIXe siècle, à côté de son élevage de chevaux, travailla également à la sélection des bovins locaux en favorisant les animaux à la robe rouge. Il est d’ailleurs connu comme le « fondateur de la race Salers ».

Actuellement il n’existe pas de données statistiques permettant de connaître précisément le nombre de Salers noires. Une seule certitude, le cheptel actuellement détenu par la famille Matière est le plus important. « Il y a évidemment des Salers noires dans d’autres exploitations mais en nombre plus limité. Certains éleveurs apprécient d’avoir quelques vaches noires dans leur cheptel. C’est même plutôt 'tendance'. Quand naît une bonne velle noire, elle intègre donc le plus souvent le lot des génisses de renouvellement ! », souligne Bernard Lafon.

Le saviez-vous ?

La Salers n’est pas la seule race bovine allaitante à accepter dans son standard de race les animaux à la robe rouge ou noire. L’Angus fait de même en acceptant elle aussi les Black Angus et les Red Angus. Mais à l’inverse de la Salers, avec l’Angus les animaux à la robe noire sont de loin les plus nombreux.

Mêmes performances qu’avec les rouges

Dans le Cantal, à la SCEA de la Cère — nom de l’élevage de la famille Matière — le cheptel bovin se compose de 350 mères Salers, toutes menées en race pure en système naisseur engraisseur, dont 150 vaches noires.

Noires ou rouges, la conduite d’élevage est strictement la même et à quelque chose près, les performances des animaux (croissances, IVV et productivité numérique) sont identiques. « Mais il a fallu pratiquement trente ans de travail et de sélection pour arriver à ces résultats », souligne Marcel Vidalinc, le chef d’exploitation. L’alimentation hivernale repose sur du foin et de l’enrubannage complété par un petit kilo d’aliment pour les suitées. Quant aux veaux, ils ne voient pas la couleur de l’aliment entre leur naissance et leur sevrage. Noirs ou rouges, tous les mâles sont finis sur l’exploitation. « On les allote selon le poids et l’âge pas selon la couleur ! Leurs performances (GMQ, conformation) sont similaires. Ils sont engraissés sur une longue période sans rechercher le GMQ maximum mais en veillant à limiter le coût de la ration. Ils partent entre 420 et 450 kilos de carcasse et ont alors pour la plupart de 18 à 20 mois. »

Taureaux noirs avec les vaches noires

L’essentiel des vêlages ont lieu de début novembre à fin janvier. Les mises à la reproduction se déroulent donc en grande partie en bâtiment, essentiellement en monte naturelle : les sept taureaux noirs avec les génisses et vaches noires, idem pour les animaux rouges. Les vaches noires et rouges ne sont mélangées qu’en estive, de fin mai à mi-octobre. « Dans les estives on fait des lots conséquents, jusqu’à 90 vaches suitées pour le plus important. On trie les couples selon le sexe des veaux mais pas selon la couleur de robe. Quand elles partent à la montagne, sauf rares exceptions, toutes les vaches sont pleines. On les réallote au moment de la rentrée en stabulation de façon à avoir des cases composées uniquement de femelles noires ou rouges pour anticiper les mises à la reproduction. »

Les taureaux sont achetés selon les opportunités. « Les techniciens du herd-book nous signalent les mâles noirs prometteurs. Ce fut le cas de Hector SN. » 20 à 25 génisses noires sont conservées chaque année, soit un taux de renouvellement proche de 15 % correspondant à ce qui est classiquement observé en Salers. L’âge des réformes est variable. Il avoisine couramment 14 à 15 ans pour les meilleures reproductrices. Mais est nettement plus précoce pour celles ne donnant pas satisfaction. Les plus jeunes sont vendues en direct à Claude Meinier, un boucher d’Aurillac spécialisé dans la viande Salers. Leur poids oscille dans une fourchette comprise entre 420 et 450 kg, chiffres analogues avec le lot des jeunes réformes rouges. Les meilleures génisses excédentaires sont vendues pour la reproduction. « Les noires sont plus faciles à vendre que les rouges. C’est plutôt l’inverse pour les mâles. On a vendu trois noirs pour la reproduction il y a deux ans mais aucun l’an dernier. »

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