La Mirandaise se structure autour de sa valorisation commerciale
Les éleveurs de mirandaises, race rustique du Gers à petits effectifs, vendent leurs animaux à l’occasion de quinzaines commerciales organisées deux fois par an. Une dynamique s’engage grâce à cette communication autour de la race.
Les éleveurs de mirandaises, race rustique du Gers à petits effectifs, vendent leurs animaux à l’occasion de quinzaines commerciales organisées deux fois par an. Une dynamique s’engage grâce à cette communication autour de la race.
La mirandaise, race locale du Gers, comptabilise 579 femelles de plus de deux ans. L’effectif total, qui se situe actuellement à 848 femelles de tout âge, progresse de 10 % par an depuis 2020. Cette dynamique est le fruit du travail d’éleveurs passionnés. « Pour recruter de nouveaux éleveurs, on commence par structurer la filière », explique Julien Soulé, éleveur de mirandaises et de blondes d’Aquitaine à Esclassan-Labastide avec son père Gilles, et président de la Fédération interdépartementale des éleveurs de vaches mirandaises.
Une centaine d’éleveurs détiennent des mirandaises. La quarantaine d’entre eux rassemblés en association a commencé il y a quelques années à travailler sur la valorisation commerciale de leur race. Ils ont créé en 2019 une marque collective et un logo, « La mirandaise, race locale du Gers » pour des vaches, des bœufs de trois à quatre ans, mais également pour des veaux de lait sous la mère.
« Les bouchers ne nous connaissaient plus, et on n’avait pas assez d’animaux pour garantir une offre à l’année », raconte Julien Soulé. Les éleveurs alors ont eu l’idée d’organiser deux fois par an des opérations commerciales et de communication qu’ils ont baptisé « la quinzaine de la mirandaise ». L’une est placée sur les deux premières semaines d’août pour profiter de l’activité touristique, et l’autre fin novembre-début décembre, en période traditionnelle de sorties d’engraissement des animaux. Les éleveurs ont démarché avec cette proposition préférentiellement les artisans bouchers et quelques petites surfaces de distribution alentour.
La notoriété de la race progresse
Une quinzaine de bouchers partenaires y participaient cette année. Ils se sont montrés sensibles à la démarche. Ils se disent prêts à reprendre l’habitude de travailler des carcasses de bœufs, et aussi à assurer aux carcasses deux à trois semaines de maturation.
L’association a bénéficié d’aides des collectivités locales pour la promotion de cette opération. Affiches sur les abribus, articles dans la presse locale… la mirandaise se montre un peu partout et a gagné rapidement une certaine notoriété auprès des consommateurs gersois et des touristes. De nouveaux clients poussent la porte des boucheries à l’occasion des quinzaines commerciales. « La formule fait ses preuves et crée un appel sur la race mirandaise. Maintenant, on n’a pas assez d’animaux pour y répondre, relève Julien Soulé. C’est encourageant. »
Pour les éleveurs, a été négociée avec les bouchers dans le cadre de la marque une plus-value de 50 centimes au kilo de carcasse par rapport à la cotation du marché. Ils s’organisent pour avoir leurs animaux prêts pour les deux périodes définies, avec une certaine qualité de finition. Le cahier des charges impose une ration sèche non OGM. Les producteurs participent aussi aux foires et autres manifestations agricoles pour faire la promotion de leurs produits.
Une plus-value de 50 centimes pour les éleveurs
« La finition d’une vache dure à peu près cinq mois, avec un apport journalier estimé à 10 kg d’aliment. Pour les bœufs, la durée de finition s’étale plutôt sur six à huit mois et ils réalisent un GMQ autour de 1 kg. » En 2022, 53 femelles, 50 bœufs et 44 veaux rosés — dont 14 vaches et 17 bœufs pendant les quinzaines — ont été commercialisés. Les vaches pesaient en moyenne 417 kg de carcasse (kgc) et étaient conformées R3. S’agissant des bœufs, la moyenne s’établissait à 550 kgc, pour une conformation allant de R à U3. L’année dernière, ils ont été payés 5,80 euros par kilo de carcasse.
L’association des éleveurs travaille en parallèle sur la gestion génétique de la race. Celle-ci fait l’objet d’un programme de sauvegarde géré par l’Institut de l’élevage depuis 1981, et les accouplements sont planifiés. Sont à disposition vingt taureaux d’IA issus de six lignées différentes et une pépinière de jeunes taureaux. « Soixante génisses ont été génotypées pour le gène culard. Nous le gérons de façon à ne pas faire naître d’homozygotes. Quatre-vingt-dix pourcents des élevages sont en certification de parenté bovine et deux en contrôle de performances, ce qui est un début pour établir des références sur notre génétique. »
Un programme de sauvegarde génétique
Une race rustique forgée par le travail dans les coteaux du Gers
La mirandaise porte une robe blanche. Les veaux naissent nuancés de gris ou de roux et s’éclaircissent vers l’âge de six mois. Les sabots et le toupillon de la queue sont noirs. Les cornes, qui partent bien à l’horizontale avant de se redresser, ont une base blanche et les extrémités noires. Les muqueuses sont aréolées, c’est-à-dire roses bordées de noir autour des yeux et de la vulve. Les bords des oreilles doivent être blancs. Les vaches toisent autour d’1,40 m au garrot et pèsent dans les 700 kg vifs.
C’est une race rustique à croissance lente. Longévité, fertilité, et facilités de naissance figurent parmi les atouts mis en avant par les éleveurs. Les vaches, qui se caractérisent par des bassins longs et larges, produisent des nouveau-nés légers et très toniques, selon eux. La capacité des animaux à valoriser les fourrages grossiers grâce à leur profondeur est un autre point défendu par les détenteurs de mirandaises. Ils insistent aussi sur son adaptation à la chaleur — « elles mangent en plein cagnard » — et la solidité de ses membres. « La race, dont les ancêtres seraient arrivés avec les Wisigoths (au VIe siècle), est adaptée au travail des terres argileuses en coteaux. Ceci lui a conféré beaucoup de force, et a donné à la viande du persillé et une couleur soutenue », explique Julien Soulé, éleveur et président de la Fédération interdépartementale des éleveurs de vaches mirandaises.
Une thèse vétérinaire de 1926 sur la race fait état de plus de 180 000 animaux, réputés bien au-delà de leur berceau pour la traction. Jusqu’aux années cinquante, la mirandaise était la race dominante dans le Gers. En 1955, avec la « politique Quittet », son herd-book a été fusionné avec celui de sa cousine qui est devenue depuis la Gasconne des Pyrénées. Elle a aussi connu des infusions de sang piémontais.
C’est ensuite dans les années quatre-vingt qu’ont été lancées les premières actions de sauvegarde de la race. Quelques éleveurs passionnés dont Gilles Soulé, le père de Julien, et Paul Cavasin, ancien président, attachés à cette race pleine de qualités qu’élevaient leurs grands-parents, ont repéré des vaches et ont commencé à les acheter. L’Institut de l’élevage a inventorié environ 150 vaches à cette époque, et construit un plan de conservation.
L’association des éleveurs a été créée en 2008 et le code race 77 lui a été attribué. Les éleveurs peuvent bénéficier de la MAE Protection des races menacées. La race est en bonne voie désormais, mais n’est pas encore sauvée. Il faudrait pour ceci atteindre un effectif de 5 000 mères.
Un troupeau pilote au Lycée agricole de Mirande
Le Lycée agricole de Mirande, dans le Gers, a eu l’occasion de racheter en 1997 l’un des derniers troupeaux historiques de la race de quinze mères avec l’aide du conseil général du Gers. C’est désormais l’un des plus gros troupeaux de la race, avec 37 vêlages et la production de bœufs de trois ans à trois ans et demi (430 kgc).
« Le troupeau sert de support pour les travaux pratiques des élèves », présente David Vaugon, enseignant en zootechnie au Lycée agricole de Mirande. Les élèves ont aussi travaillé sur le logo et le cahier des charges de la marque. Nous établissons des références sur les performances zootechniques avec le contrôle de performance. Et nous chiffrons la valorisation économique du troupeau en vente directe et à 'la quinzaine de la Mirandaise'. »