Inséminer soi-même, certains éleveurs se sont lancés
Les raisons qui poussent les éleveurs à réaliser eux-mêmes leurs inséminations peuvent être multiples, gestion de la reproduction, organisation, diminution des risques sanitaires. Tour d’horizon sur le sujet avec deux d’entre eux.
« C’est le côté génétique qui nous a motivés à réaliser les inséminations nous-mêmes », commence Hugo Retailleau, l’un des deux associés du Gaec Godet-Retailleau, né du rassemblement de deux Gaec père-fils en 2007, et dont les sites de production se trouvent pour l’un à Chatelliers-Chateaumur et pour l’autre à Saint-Michel-Mont-Mercure en Vendée.
« L’insémination nous permet en premier lieu de maximiser une lignée sur le troupeau. Ainsi, 100 doses ont par exemple, été prélevées en décembre dernier sur notre dernier taureau arrivé et âgé de 12 mois. Dès sa première année d’utilisation, on devrait obtenir environ 35 naissances, dont les trois quarts issus de l’insémination. On arrivera ainsi rapidement à 25 veaux pesés et pointés, pour sortir une indexation. On peut ainsi faire ressortir un taureau dans lequel on sent un potentiel. C’est le cas de Grifondor chez qui le potentiel facilité de naissance (IFNAIS 108) semblait évident et qui aujourd’hui est en production semences à Gènes Diffusion. On peut également réutiliser des doses d’un taureau parti depuis trois ou quatre ans. Et comme on vend 25 à 30 reproducteurs par an, cela nous permet de proposer des animaux zootechniquement intéressants, issus de souche monte naturelle », poursuit l’éleveur.
Réaliser une formation avant de se lancer
Hugo Retailleau et son associé Hervé Godet ont tous deux suivi une formation en 2001 à l’école vétérinaire de Nantes. Toutefois, pour des raisons pratiques, liées à l’organisation sur deux sites distants de treize kilomètres et aux vêlages répartis sur deux périodes, seul Hugo Retailleau effectue les 80 à 90 inséminations annuelles du troupeau.
L’éleveur n’a pas franchi le pas dès son retour de stage. Il a attendu deux à trois ans avant de se lancer. La première année où la réussite en première IA s’est chiffrée à 65 % a été un peu dure, ainsi que les premières vaches. « J’ai vraiment trouvé un rythme de croisière la troisième année », poursuit l’éleveur.
Les vêlages ont lieu sur deux périodes, l’une allant du 15 octobre au 15 novembre (70 mises bas), l’autre de janvier à mars (130 mises bas). La majorité des femelles vêlant à l’automne sont inséminées soit environ une soixantaine de vaches et génisses. Le reste du troupeau est conduit en monte naturelle. Les femelles vides après deux inséminations sont mises au taureau à compter du premier avril pour être intégrées à la seconde période de vêlage. Les inséminations sont réalisées aux cornadis. « Il n’y a pas de stress, car on a l’habitude de les bloquer tous les jours de 9 heures à midi pour donner un rythme. »
L’élevage compte huit taureaux de monte naturelle, dont deux sont renouvelés chaque année. Un des deux nouveaux mâles au moins est collecté par an. Quelques doses sont également achetées à Gènes Diffusion pour des accouplements raisonnés.
Une appréciation différente des animaux
« On ne s’est pas lancé dans l’insémination dans le but de réduire le coût. La réussite de cette pratique dépend en partie de notre motivation. La réaliser soi-même, représente également un moyen d’apprécier ses bêtes différemment : à la fois qualitativement (viande) et sanitairement. On arrive à juger de la qualité des tissus. Du point de vue sanitaire, je comprends mieux la reproduction et l’alimentation. Si on a un doute sur le fait qu’une vache soit en chaleur ou non, les doutes se volatilisent lorsque l’on sent la tonicité de l’utérus. J’ai également l’impression de mieux analyser les signes extérieurs de chaleur », ajoute Hugo Retailleau.
Cette année, la réussite en première insémination a été de 83 % pour les génisses et de 74 % pour les vaches. « Globalement, jusqu’à présent on tournait plutôt autour de 70 % de réussite en première IA. » Un suivi échographique est effectué 45 jours minimum après la mise à la reproduction.
Avec de la pratique « je pense qu’il est important de disposer d’un lieu réservé à cet effet pour travailler dans de bonnes conditions. Quand on prend une paillette, les mouvements doivent être fluides. Il ne faut pas avoir à chercher les outils. Cette année, on a acheté un décongélateur de paillettes (180 €) qui maintient l’eau à bonne température (37 °C). C’est un confort et une sécurité technique. Pour réussir, il faut se donner le temps d’observer et en faire la priorité du moment. N’ayant pas de vêlage sur le site à cette période, je me consacre pleinement à cette tâche. »
Gènes Diffusion se charge de prélever les taureaux, de faire les doses et l’entretien de la cuve (150 €/an). Les doses sont stockées à l’entreprise de sélection et ramenées sur l’exploitation quand il y a besoin. Pour réaliser 100 doses d’un taureau, il faut compter 300 €. Les éleveurs estiment à environ 1 € par paillette, le coût du matériel nécessaire (gaines de pistolet, gel, gants de fouille…).
Chiffres clés
Selon les statistiques de l’Institut de l’élevage, près de 4500 éleveurs inséminateurs (bovins lait et viande) « étaient réglementairement déclarés en 2013 dans le système national d’information génétique, et parmi eux, 3 230 ont déclaré des inséminations bovines. L’activité insémination par l’éleveur (IPE) a été multipliée par trois depuis 2008 », indique Pascale Le Mézec, du département génétique. Le développement de l’IPE a certainement été favorisé par la fin du monopole des coopératives sur l’insémination en 2007. « La part des IA réalisées et déclarées par les éleveurs dans les IA totales 2013 est de 5,2 %. »
Contacts formation
En dehors de votre coopérative d’insémination, des chambres d’agriculture ou des cabinets vétérinaires, vous pouvez contacter d’autres organismes spécialisés tels que France Bovia, IPEM, Thierache reproduction… (liste non exhaustive).
Que dit la réglementation ?
L’éleveur qui insémine dans son troupeau est tenu de se faire connaître auprès de son EDE à qui il déclare son dépôt de semence (sa cuve). Il doit tenir à jour son inventaire et ses mouvements de doses, et enregistrer ses IA dans le délai d’un mois.
La déclaration des inséminations en temps et en heure est impérative pour la reconnaissance des filiations.
F. Mechekour