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Génétique : pourquoi peser son troupeau en estive en milieu d'été ?

Frédéric Chabrillat, à la tête d’un troupeau de vaches salers à Mazoires, dans le Puy-de-Dôme, réalise la pesée de milieu d’été en estive depuis vingt-cinq ans. Pour lui, le temps consacré à cette pratique s’avère largement payant.

Chaque été, à la fin du mois de juillet, Frédéric Chabrillat, aidé par son neveu et le technicien de Bovins croissance, est à pied d’œuvre pour entamer le chantier de pesée d’été. La série d’opérations, qui démarre dès 8 heures le matin, se déroule au sommet de la montagne de Crouzillat dans le Cézallier. Une matinée suffit à passer en revue la totalité des mères salers et leurs veaux, répartis en trois lots : les derniers nés, puis les plus âgés scindés en deux sous-groupes pour les vaches suitées de mâles et celles suitées de femelles.

C’est à l’appel de son troupeau que Frédéric fait redescendre son premier lot de la montagne qui culmine à 1 285 mètres. Habituées à sa silhouette, les vaches viennent toutes en courant en faisant un tintamarre avec leurs sonnailles pour rejoindre le chantier de pesée. Ce dernier, installé à demeure sur la montagne, se compose d’un grand entonnoir, d’un premier parc de tri avec bascule en bout et d’un parc de contention des veaux en sortie. « J’ai réalisé cet ensemble avec de la ferraille de récupération. Il ne m’a presque rien coûté et s’avère très fonctionnel. La bascule est montée spécifiquement pour l’occasion car elle sert aussi sur le corps de ferme tout au long de l’année », rapporte Frédéric Chabrillat.

Une fois le troupeau rassemblé, débute la phase de séparation des veaux de leurs mères. « C’est la partie la plus délicate, confie l’éleveur. Cette manutention, très physique, fait toujours craindre des accidents mais heureusement, tout s’est toujours bien passé car nous prenons le temps qu’il faut pour effectuer ce travail de tri », explique l’éleveur.

Pesée, déparasitage et vaccination

Les veaux triés sont ensuite pesés chacun leur tour. Mais la bascule sert aussi de contention pour le déparasitage contre les strongles pulmonaires, digestifs, et les parasites externes. « C’est là le gros intérêt d’être assisté par le technicien de Bovins croissance. Nous réalisons ainsi les opérations de concert en une seule manipulation », reprend Frédéric. En sortie bascule de pesée, le parc de contention permet de retenir les veaux. Vers 10h30, le vétérinaire d’élevage rejoint le reste de l’équipe et procède à la prophylaxie générale ou plus spécifique comme la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) en fonction des débouchés des animaux. Le praticien a tous les veaux sous la main et intervient d’une traite, ce qui fait gagner un temps précieux à l’éleveur.

« Grâce à cette pesée, qui suit une première réalisée en ferme, nous obtenons les poids à âge type (PAT) 120 jours qui indiquent le potentiel des mères en valeur laitière donc les kilos pris 'gratuitement' sans complémentation. C’est prioritairement sur ce volet-là qu’il faut jouer pour gagner en efficacité. Avec la pesée de descente d’estive, les croissances prises entre 120 et 210 jours seront calculées. Elles exprimeront le potentiel de croissance des veaux, soit leur capacité à valoriser par eux-mêmes herbe et aliment complémentaire. Cette information est utile à l’éleveur mais aussi à l’engraisseur », souligne Armand Papon, le conseiller Bovins croissance.

Pointage et repérage des meilleurs veaux mâles

En dernière phase de chantier, le technicien effectue le pointage des mâles les plus âgés. En appréciant leur aspect morphologique, il repère les animaux susceptibles d’être présélectionnés pour intégrer la première bande de la station d’évaluation du Fau à Saint-Bonnet-de-Salers. Le pointage se fait en présence des mères, compte tenu de la docilité du troupeau. À cette occasion, les vaches sont aussi notées sur leur comportement vis-à-vis de l’homme en présence du veau. La docilité est un critère important dans les cheptels rustiques et fait l’objet d’un repérage génétique des taureaux ou lignées à souci. « Le chantier se termine sur les coups de midi. Après s’être débarrassés de cotte et bottes, nous passons au volet technico-administratif avec la valorisation des enregistrements de pesée et de pointage », détaille l’exploitant.

Les données sont enregistrées sur le logiciel CoCliCow (1). À cette étape, le technicien analyse en premier lieu les croissances qui sont comparées à une courbe de référence via un tableau de bord à trois indicateurs. La courbe de référence peut être la moyenne des élevages salers du département, comme c’est le cas chez Frédéric Chabrillat, celle de l’année précédente sur l’élevage ou encore un objectif propre fixé par l’éleveur. Sur cette pesée prenant en compte tous les lots, les GMQ s’établissent à 1 125 g/j, pour les mâles, et 925 g/j, pour les femelles. Le lot de vaches suitées de mâles est complémenté au nourrisseur en libre-service dès la montée en estive avec un aliment acheté titrant 17 % de MAT et 0,95 UF. Les jeunes animaux sont en général sevrés à 350 kg à 9 mois et sont directement séparés des mères le jour de leur départ de la ferme.

Le bilan permet d’apprécier l’efficience de l’alimentation et de la conduite des mères au pâturage au travers des PAT. L’éleveur et son conseiller s’appuient sur ces données pour identifier les veaux à faibles - ou fortes - croissances et faire le lien avec d’éventuels problèmes zootechniques ou de mauvais accouplements. Quant aux animaux à forte morphologie repérés au pointage, ces derniers font l’objet d’une analyse des index de leurs parents, pour affiner le choix de les présenter ou non à la station d’évaluation.

« Les bénéfices tirés de la pesée d’été récompensent largement le travail investi et je ne le vis pas comme une contrainte. Cette pratique fait partie de ma conduite d’exploitation. Elle permet de s’adapter aux performances de la première moitié de période d’estive et d’être réactif pour préparer dans les meilleures conditions les étapes du sevrage et de la commercialisation », résume Frédéric, aussi administrateur du herd-book salers.

(1) CoCliCow est le nouveau logiciel utilisé par les techniciens bovins viande du réseau Bovins croissance pour conseiller les éleveurs sur la conduite technico-économique de leur troupeau (alimentation des animaux, reproduction, croissance, pâturage…).

Anticiper les dates de sortie

La préparation commerciale s’aborde aussi par le logiciel CoCliCow, qui dresse la simulation de deux scénarios. Sur la base des derniers GMQ collectés, il est possible pour chacun des veaux de calculer la "date prévisionnelle de vente à un poids de" ou le "poids prévisionnel à une date de". Les GMQ peuvent être modifiés - supposant des ajustements dans la conduite alimentaire - et conduisent à une réactualisation des poids ou des dates de vente. « C’est particulièrement intéressant pour honorer des marchés d’opportunité, notamment ceux du pourtour méditerranéen », soulève Frédéric. Le volet prévisionnel de l’outil d’aide à la décision sert par ailleurs à anticiper les mises à la saillie des génisses en fonction de leur poids à atteindre ou de la période souhaitée de mise à la reproduction.

En engraissement, l’analyse des données est particulièrement utile en fin de finition. Les pesées mensuelles permettent de préciser les dates de sortie pour des catégories commerciales qui doivent être annoncées à l’avance et respecter des cahiers des charges très stricts comme les babynettes ou les jeunes bovins sous marque.

Chiffres clés

182 ha de SFP en prairies naturelles à 1 000 m d’altitude, autour du siège d’exploitation, et 28 ha entre 1 200 et 1 285 m d’altitude, en estive
85 vaches de race salers
1 heure de marche pour la montée en estive du troupeau au 10 juin et redescente au 20 octobre

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