Gastronomie, génétique, écologie : un mix gagnant
En Haute-Loire, le Gaec Minival vend en circuit court petits fruits rouges et veaux de boucherie labellisés veaux des monts du Velay. Le troupeau génétiquement sans cornes, est conduit avec des pratiques environnementales vertueuses.
En Haute-Loire, le Gaec Minival vend en circuit court petits fruits rouges et veaux de boucherie labellisés veaux des monts du Velay. Le troupeau génétiquement sans cornes, est conduit avec des pratiques environnementales vertueuses.
Les deux productions du Gaec sont liées à l’excellence de la gastronomie des bassins de consommation des métropoles de Saint-Étienne et Lyon. Fraises, framboises, myrtilles, groseilles, cassis, tomates de variétés anciennes sont cultivés sur 4,5 hectares.
« Nous les valorisons sur des circuits courts (magasins de producteurs et marchés) ainsi que chez différents acteurs locaux tels que les restaurateurs et pâtissiers. Une partie est livrée chez un producteur qui est intéressé par la production de montagne. En effet, elle arrive un peu plus tardivement et lui permet de ne pas perdre ses marchés. Notre philosophie est de produire des fruits de qualité tout en respectant l’environnement et notre objectif est le gustatif : il faut que les gens aient du plaisir à manger nos fruits ! », explique Cécile, l’une des trois associées, pleine de passion dans ses propos. À noter aussi que ce sont des fruits « pleine terre ». Le lien terre-fruits est source de motivation et d’arguments de promotion.
Pour les veaux de boucherie ou « veaux gras », la tradition des veaux de Saint-Étienne et de Lyon a été modernisée par le GIE des veaux des monts du Velay, qui propose des animaux conformés à viande blanche à rosée claire. Le cahier des charges précise que les produits sont issus au moins d’un géniteur de race à viande - ici la limousine - élevés au lait entier et sur litière paillée. Ces conditions impactent les choix de conduite de l’élevage qu’ils soient génétiques, commerciaux ou environnementaux.
Un Gaec en évolution
Nicolas Peyrard est associé dans le Gaec avec sa sœur Cécile et son frère Dominique. Floriane, jeune salariée depuis cinq ans sur l’exploitation va intégrer le Gaec pour former une équipe pluridisciplinaire. « Nous avons tous une formation BTS mais avec des profils complémentaires pour les besoins des différents ateliers », indique Nicolas. Cécile a un BTS ACSE et s’occupe de la culture des petits fruits, de la plantation à la récolte. Elle gère également les 20 saisonniers qui participent aux récoltes et à leur conditionnement.
Floriane a un BTS commercial et s’occupe de la valorisation des produits. "Elle gère les trois marchés locaux que nous faisons et son arrivée permettra d’ouvrir un magasin de vente sur l’exploitation." En complément de la vente des petits fruits, l’exploitation se diversifie avec la mise en place d’un atelier de 150 poules pondeuses à la demande de la clientèle.
Dominique, doté d’un BTS machinisme s’occupe des cultures, du matériel et de la finition des veaux gras. "Moi-même, avec un BTS productions animales, je gère toute la partie conduite des allaitantes, l’alimentation et la vente des reproducteurs », poursuit Nicolas Peyrard.
Vêlages en plein air et tantes laitières en appoint
« Tous les vêlages se font à l’extérieur d’août à novembre. C’est la grosse période d’astreinte de surveillance des 10 à 15 lots d’animaux. Je prodigue les soins autour des naissances, alimente les vaches et veille à leur abreuvement avec la chance d’avoir une assez bonne autonomie en eau sur les parcelles. »
Le Gaec dispose de parcelles de vêlages qui sont arborées de noisetiers très denses où elles se réfugient en cas de vent ou de soleil intense. La santé du troupeau s’en ressent avec très peu de morbidité et une mortalité des veaux deux fois moindre que celui de la race (6 % contre 12 %) (1).
En « appui » aux 90 limousines, il y a 10 laitières. Elles sont d’abord un complément en lait pour les veaux gras en finition puisque l’utilisation du lait en poudre est exclue. Elles sont aussi pour certaines porteuses d’embryons viande. Les vaches rentrent en stabulation le 1er novembre et bénéficient d’un flushing de deux mois pour mieux extérioriser les chaleurs.
Elles sont à 90 % inséminées par l’éleveur. Les génisses d’élevage (20/25 par an) sont alimentées à base de foin – enrubannage pour un objectif de vêlage à 3 ans. Les veaux ne sont pas complémentés au pré. À l’arrivée en stabulation, les veaux destinés au label veaux des monts du Velay sont nourris par les vaches laitières conformément au cahier des charges.
Les veaux d’élevage s’alimentent dans leur case avec un aliment appétent riche en cellulose pour la digestion et des huiles essentielles sont vaporisées pour éviter les problèmes respiratoires. Ils sont isolés des vaches le matin et le soir quand ces dernières mangent.
Le reste du temps ils sont avec les vaches pour téter. Tous sont sur paille pour leur bien-être. « La paille est un point faible de notre système qui n’en produit pas assez d’où un poste d’achat important pour répondre à l’exigence de bien-être des animaux. »
Génétique : morphologie et sans corne
Nicolas est très impliqué dans la génétique collective : le herd-book limousin en premier lieu avec quelques veaux régulièrement évalués à la station de Lanaud mais surtout son adhésion dès le départ au programme Dégéram ce qui fait que toutes les femelles du troupeau sont génotypées. Puis il participe activement à la création de deux structures sur la Haute-Loire pour tirer vers le haut les éleveurs locaux et leur permettre d’acquérir par l’achat de taureaux en commun les reproducteurs adaptés à leurs conditions d’élevage liées à l’altitude et au type d’animaux produits.
Ces investissements pour améliorer la qualité de la génétique du cheptel permettent au Gaec de réaliser plus de la moitié de son chiffre d’affaires en vente de reproducteurs mâles et femelles. En termes d’accouplement, Nicolas recherche pour ses vaches du bassin pour des vêlages faciles en extérieur, de la profondeur de poitrine pour valoriser l’herbe, de la rectitude du dos pour la longévité. La conformation est aussi de mise pour la production de veaux gras. Ce n’était pas gagné au départ avec la volonté de travailler avec du gène sans cornes (facilité de vêlage, sécurité des animaux et des hommes…) mais au fil des années et des croisements le pari semble gagné. Comme avec ce veau fils de Nerwin SC dont il est fier.
Plus de la moitié du troupeau possède le gène sans cornes. À noter que la docilité fait partie des critères de sélection. Nicolas Peyrard est également adepte de la méthode Souvignet qui lui sert à trier les reproducteurs et qui lui permet de se promener au sein du troupeau avec sa brosse. La circulation entre les animaux est sécurisée et d’une fluidité incomparable, même pour le photographe !
Chiffres clés
143 ha de SAU dont 4,5 en production de petits fruits rouges et 6,5 de céréales (blé/triticale)
132 ha de SFP dont 99 de prairies naturelles et 33 de prairies temporaires situés à 800 m d’altitude
90 vaches limousines inscrites, vente de reproducteurs et de veaux gras label veaux des monts du Velay. 10 vaches laitières
1,2 UGB/ha SFP
3 UMO (bientôt 4) dont 1 sur le seul troupeau allaitant, plus saisonniers
Environnement et enjeux sociétaux
Apiculteur à ses heures, Nicolas Peyrard est très sensibilisé au maintien de la biodiversité. Sa dégradation est la principale cause de mortalité des abeilles d’où son souci de privilégier les espèces mellifères quand il réimplante des haies. Dominique, lui, se définit comme « chasseur écolo » : ayant un très grand respect de la nature. Il est fin connaisseur des espèces végétales et animales, de leurs interactions et comportements. Cécile et Floriane sont en contact permanent avec une clientèle qui pose de plus en plus de questions sur les processus de production et de leur impact carbone.
Le Gaec s’est donc inscrit dès son apparition (2016) dans une évaluation environnementale via le diagnostic CAP2ER. Il permet de quantifier les émissions de gaz à effet de serre (GES), l’empreinte environnementale puis connaître et communiquer sur les performances sociétales et environnementales, sur sa contribution au piégeage de carbone et à la biodiversité tant animale que végétale. Ce diagnostic porte sur l’alimentation du troupeau, l’autonomie fourragère, les bâtiments, la gestion des déjections, la fertilisation et la consommation d’énergie.
Poursuivant ce travail, le Gaec s’est engagé en 2021 dans le label bas carbone et la démarche haute valeur environnementale pour laquelle le niveau 1 est obtenu pour les petits fruits et le troupeau allaitant. Bilans en main, les associés peuvent communiquer leurs résultats. Pour le troupeau de limousines, 328 personnes ont été nourries, 277 tonnes équivalent CO2 ont été stockées et 195 équivalents hectares de biodiversité ont été entretenus.
Réduire l’empreinte carbone
Plusieurs évolutions de pratiques - vertueuses — ont permis ces avancées. Les circuits courts baissent l’empreinte carbone en limitant les transports. L’énergie avec la stabulation aux panneaux photovoltaïques. « Avec ces panneaux, la transition écologique est aussi économique : 90 % des annuités bâtiment sont payées par l’électricité produite et cette dernière alimente 50 foyers en électricité verte », estime Nicolas.
La biodiversité : l’exemple des parcelles de vêlages sous couvert de noisetiers, des essences mellifères (tilleuls, marronniers…) ou adaptées au réchauffement climatique et plantées dans les haies montre l’osmose qu’il y a entre le bien-être animal et la biodiversité. Pour stocker davantage de carbone, sont privilégiées les prairies à rotations longues (6 ans et plus) et le recours à davantage de haies, pourtant déjà bien présentes. Autre projet, la récupération des eaux pluviales pour abreuver les animaux devrait permettre à la fois des économies de ressources en eau et en euros !
Cette somme de pratiques permet au troupeau de compenser en 2020 par le stockage de carbone 35 % des émissions de GES. L’exploitation a pour objectif à terme de vendre des crédits carbone. Les associés cherchent en continu à maîtriser les performances économiques dans un souci de qualité de vie personnelle, d’excellence des produits et de durabilité environnementale. Ils partagent et font avancer leurs convictions au travers de leurs engagements professionnels (mairie, Cuma, association et GIE limousin, veaux monts du Velay…) et de plus en plus au contact direct des consommateurs.
Jean-Christophe Freyssenet, conseiller Bovin croissance et animateur de l’association des éleveurs limousins de Haute-Loire
"Un attachement au travail collectif"
"Nicolas est très attaché au travail collectif. Président de l’association des éleveurs limousins de Haute-Loire, il travaille énormément avec les autres éleveurs à la mise en valeur des animaux finis sur le département via la marque limousine des monts du Velay qui appartient à l’association. Son goût pour la sélection l’a poussé à participer activement à la création et au fonctionnement de deux groupes d’achat de taureaux cornus ou sans cornes afin de « monter » le niveau génétique moyen des élevages du département. Ce sont le groupe sans cornes des Sommets et le GIE Lim avenir 43. Avec le premier, une vente annuelle d’animaux sans cornes permet de valoriser les meilleurs animaux des élevages.
Avec les acquisitions et l’utilisation des taureaux du GIE Lim avenir 43, onze élevages du département se trouvent classés dans la liste nationale des Sabots d’or et quatre se positionnent dans le top 10 Sabots d’argent région Aura. Au dernier comice de Feurs, une vache fille d’un taureau du GIE obtient le grand prix d’honneur vache grâce à sa très bonne conformation et un IVMat à 108. Beaucoup de cases sont cochées pour montrer que le collectif Haute-Loire travaille bien."