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Gaec Nandrot : la complémentarité entre bovins et ovins pour valoriser les surfaces en herbe

Au Gaec Nandrot, dans la Nièvre, brebis et vaches suitées sont dans les mêmes pâtures au printemps. En hiver, les brebis utilisent l’essentiel des surfaces en herbe pour le pâturage hivernal qui assure la quasi-totalité de leurs besoins. Cette complémentarité entre espèces pour valoriser les surfaces en herbe limite les charges de l’atelier ovin.

Au Gaec Nandrot à Saint-Révérien, au cœur du Nivernais, l’essentiel des prairies sont utilisées de façon très complémentaire au fil des saisons par un troupeau de 250 vaches charolaises, lesquelles cohabitent une bonne partie de la saison d’herbe avec une troupe de 175 brebis texel agnelant en début de printemps. « L’association de ces deux productions était autrefois très fréquente dans le Nivernais central, zone de grandes exploitations avec des parcelles souvent importantes, souligne Christophe Rainon, technicien ovin à la chambre d’agriculture. Ces systèmes utilisent souvent des brebis texel. Elles sont bien adaptées à cette pratique du plein air avec une alimentation basée presque exclusivement sur le pâturage tout au long de l’année. Elles sont en revanche très saisonnées côté période d’agnelage avec des mises bas centrées sur la fin de l’hiver et le début du printemps. »

Les brebis pâturent 350 jours par an

Installés en Gaec sur l’exploitation familiale avec un salarié, Emmanuel et Jean-François Nandrot misent sur la complémentarité des deux ateliers. Cette coexistence des deux productions bovines et ovines était d’ailleurs déjà pratiquée par leur père. « Les brebis pâturent 350 jours par an et la pleine lactation, période de fort besoin alimentaire des brebis, correspond au pic de la pousse de l’herbe au printemps », résume Christophe Rainon. « Sur 2018, nous avons distribué seulement 27 kg de concentrés par couple brebis et agneaux », complète Jean-François Nandrot. Pour faire simple, les brebis sont rentrées uniquement pour l’agnelage soit guère plus de quinze jours par an.

Cette complémentarité entre les deux espèces passe par des ratios assez précisément définis tant pour le nombre de vaches et de brebis en pâturage de printemps simultané sur les mêmes parcelles que pour le nombre d’hectares d’herbe utilisés par les seules brebis pour le pâturage hivernal. Au printemps, le ratio retenu est d’une brebis et ses agneaux plus une vache et son veau par hectare d’herbe en pâturage mixte simultané. « De mars à juillet, sur des parcelles d’environ 20 hectares, nous constituons six lots mixtes de 25 à 40 vaches suitées accompagnés de 25 à 28 brebis et leurs agneaux. Avec cette association d’environ une brebis pour une vache au printemps, le potentiel fourrager est mieux valorisé et le risque d’infestation parasitaire réduit. La présence des deux troupeaux sur les mêmes parcelles assure une valorisation optimale de l’herbe. »

Premiers agneaux vendus début mai

« Le critère d’allotement pour ces petits lots de brebis suitées est calé sur la date de naissance des agneaux de façon à faire des lots homogènes et anticiper leur tri », souligne Jean-François Nandrot. Les premiers agneaux sont vendus à compter de début mai et les queues de lot partent début octobre. Le tri des animaux est assez facile, car les deux lots de vaches et brebis sont la plupart du temps éloignés l’un de l’autre dans la parcelle. Le quad facilite le déplacement des ovins avec pour autant la nécessité de rentrer un à deux lots tous les quinze jours pour trier les agneaux prêts à abattre. Ils sont ensuite vendus sur le marché au cadran de Corbigny, lequel organise en saison un marché ovin tous les quinze jours. En 2018, les agneaux avaient été correctement vendus avec une moyenne de 140 euros par tête. Ce fut moins bon l’an dernier avec une moyenne de 136 euros par tête pour des agneaux d’un poids sensiblement équivalent.

Entre la mise à l’herbe et le mois d’août (traitement) les lots de bovins sont peu déplacés. Le nécessaire déchargement des parcelles en été se fait grâce à la vente des agneaux, des taurillons herbagers et des génisses maigres de 18 mois suivie de l’ouverture des parcelles de fauche. Les veaux sont sevrés en novembre. Cette pratique correspond à un type d’exploitation historique du Nivernais. « Avec notre parcellaire groupé et de grandes parcelles, faire du pâturage tournant nécessiterait de recouper des parcelles, faire des clôtures ou déplacer des fils, donc du temps de main-d’œuvre, sans parler des points d’eau… ».

L’atout des grandes parcelles

En début d’été, les derniers agneaux non encore vendus sont sevrés et les brebis sont retirées des parcelles mixtes. Elles pâturent alors des prés spécifiques (100 à 110 brebis maximum sur 3,5 ha). D’août à novembre, trois lots de luttes sont constitués et maintenus jusqu’à l’agnelage. En hiver, dès que la plupart des vaches sont rentrées, ces trois lots utilisent quelque 150 hectares de prairie, soit un ratio d’à peine plus d’une brebis par hectare pour le pâturage hivernal avec libre accès à du foin de luzerne. "Pour que ce pâturage hivernal fonctionne dans de bonnes conditions, il est important de respecter ce ratio à cette période de l’année", précise Christophe Rainon. Le fait de disposer de grandes parcelles avec un parcellaire groupé est un sérieux atout. « À cette saison, quand de petits lots de brebis disposent de grandes surfaces avec en plus accès à un râtelier, elles ne cherchent pas à se sauver, ce qui ne serait pas forcément le cas si elles devaient se contenter de petites parcelles avec un plus fort chargement. » Si l’hiver n’est pas rigoureux, ce qui est de plus en plus le cas ces dernières années - les brebis ne mangent pratiquement pas de foin.

 

Ancienne étable entravée réaménagée

Les agnelages ont lieu de fin janvier à fin avril. Les lots sont alors successivement rapprochés du bâtiment utilisé pour faciliter la surveillance des mises bas. Il s’agit d’une ancienne étable entravée. En complément, des cases d’agnelages fixes équipées d’abreuvoirs automatiques et des parcs collectifs ont été installés. Ainsi, le temps de travail d’astreinte pendant l’agnelage est réduit. Au moment des mises bas, les brebis entrent en bergerie et sortent tous les jours dans des parcelles autour des bâtiments afin de faciliter la surveillance. Elles ont aussi accès à du foin de luzerne à volonté complété par 450 g de triticale par tête. Après curage, un couloir de tri complété d’une cage de pesée est installé dans la bergerie afin d’apprécier le poids des agneaux tous les quinze jours en prévision des ventes. « Grâce à cet investissement à moindre coût, nous avons gagné en confort de travail à une période particulièrement chargée : 250 vêlages et 175 agnelages en guère plus de trois mois ! »

Un salarié pour assurer l’astreinte

Les deux frères associés emploient un salarié à plein temps. Il assure l’alimentation des animaux en bâtiment et les travaux extérieurs. « C’était une évidence ! Ainsi, nous pouvons nous concentrer à la surveillance des animaux, pendant les mises bas et aux prés », expliquent les éleveurs et cette répartition des tâches facilite la planification du travail. Le curage de la bergerie et la tonte sont délégués à des entreprises extérieures. Toutefois, en cas de maladie ou d’accident, la main-d’œuvre sur l’exploitation serait insuffisante. « Une des solutions serait peut-être d’embaucher une personne supplémentaire. Mais il faut trouver le bon salarié, compétent ou le former, le fidéliser. On y viendra peut-être avec l’âge ! »

100 % croisement et achat du renouvellement

Agnelles ou brebis, toutes les femelles sont conduites en croisement avec des béliers charollais. Cela facilite l’agnelage avec des agneaux à la fois vigoureux et bien conformés. Tout le renouvellement (une quarantaine d’agnelles/an) est acheté à l’extérieur en travaillant de longue date avec les deux mêmes éleveurs. « Ce ne sont pas des agnelles inscrites. Mais elles proviennent d’élevages de bon niveau génétique », souligne Jean-François Nandrot. Acheter tout le renouvellement simplifie la conduite. Mâles comme femelles, tous les agneaux sont vendus pour l’abattage sans avoir à se poser la question du tri des agnelles destinées à remplacer leurs mères. De même, les béliers sont achetés pour leur seule conformation, sans se soucier des qualités maternelles qu’ils pourront transmettre à leurs filles. « Même croisées avec des Charollais, les mères Texel permettent d’obtenir des agneaux avec suffisamment de laine. C’est un atout en début de printemps », précise Christophe Rainon. Cette conduite simplifiée a également l’avantage de ne pas se soucier de l’équeutage. « Toute intervention à réaliser en moins est toujours bonne à prendre. » Les brebis sont luttées en trois lots. Le premier (76 brebis et 5 béliers) est mis en lutte fin août. Le second (59 brebis et 4 béliers) fin septembre en laissant un bélier dans le premier lot pour les retours et le lot de 40 agnelles est rejoint par trois béliers fin octobre et laissant là encore un bélier dans le second lot. Cela permet un certain étalement des agnelages dans la mesure où le bâtiment utilisé n’est pas en mesure d’héberger simultanément la totalité de la troupe.

La plupart des veaux mâles vendus en taurillons d’herbe

La période des vêlages s’étale de fin janvier à fin avril avec un gros pic en février-mars. Seuls les 15 à 20 mâles les plus précoces et les plus lourds sont vendus en cours d’hiver après avoir été repoussés à l’auge. Tous les autres, soit une centaine par an sont destinés à une production de taurillons d’herbe. Après un hivernage au cours duquel leur alimentation repose principalement sur les fourrages grossiers, ils sont ressortis une fois triés en plusieurs petits lots homogènes de façon à reprendre un maximum de kilos à l’herbe dès le début du printemps. Les premières ventes démarrent fin mai et s’échelonnent jusqu’au début de l’été. « La période de commercialisation des taurillons d’herbe tend à se recentrer sur la fin du printemps. Le choix de beaucoup d’éleveurs d’avancer la période de vêlage sur l’automne fait que davantage de broutards lourds sont mis en marché en cours d’été », souligne Jean-François Nandrot. Il est donc préférable de pouvoir vendre les derniers lots de taurillons d’herbe dès juillet d’autant qu’à cette période l’herbe commence à se faire rare dans les pâtures, surtout ces dernières années.

Cette production est aussi liée à la volonté d’avoir suffisamment d’UGB pour valoriser les surfaces en herbe sans pour autant accroître le nombre de vêlages. Cette catégorie d’animaux est aussi intéressante de par sa capacité à faire des kilos en valorisant les pâtures au moment de la forte pousse de printemps avec des mises en marché qui permettent de décharger les prairies juste au moment où la disponibilité en herbe se réduit en permettant de ce fait de consacrer davantage de surfaces aux autres lots et en particulier ceux de vaches suitées. La finition concerne seulement certaines femelles dont un lot d’une vingtaine de génisses âgées de 30 mois à trois ans au moment de la vente ainsi qu’une partie des vaches de réforme.

Chiffres clés

- 425 ha de SAU dont 352 de prairies naturelles, 13 de luzerne, 10 de ray-grass-trèfle et 50 de céréales ;
- 2 UMO et 1 salarié à plein temps ;
- 250 vêlages : ventes de la plupart des mâles en taurillons maigres et finition de génisses lourdes et d’une partie des réformes ;
- 175 brebis Texel conduites en un agnelage par an.

 

 
Christophe Rainon © F. d'Alteroche
Avis d’expert - Christophe Rainon, chambre d’agriculture de la Nièvre

Une marge brute de 182 euros par brebis en 2018

« La mixité bovins et ovins a un réel intérêt économique quand elle est conduite comme au Gaec Nandrot. Le pâturage hivernal des brebis sur les surfaces libérées par les bovins contribue aux faibles charges d’alimentation en concentrés (5,80 euros par brebis et par an) et en fourrage (50 kg de MS par brebis et par an). L’absence de bâtiment en dehors de la bergerie aménagée dans une ancienne étable limite également les coûts de production. Avec des agnelages en février - mars et une lactation des brebis favorisée par l’abondance de l’herbe en début de printemps et le bon potentiel des parcelles, la moitié des agneaux sont le plus souvent déjà vendus début juin avec une finition sans concentré.

Favorisée par le bon œil « animalier » d’Emmanuel et Jean-François Nandrot, la productivité numérique est à un bon niveau avec en 2018 un total de 265 agneaux vendus pour 284 agneaux nés avec 173 brebis agnelées, soit 1,51 agneau par brebis. En 2018, cette productivité numérique associée à une bonne valorisation des agneaux (140 euros par tête) s’est traduite par une marge brute de 182 euros par brebis."

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