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Du paysage au veau sous la mère

D’un troupeau hétéroclite et d’un parcellaire regroupé en partie par le fruit du hasard, Rémy Veysset a su construire en Corrèze une exploitation qui tient la route. Titulaire d’un BTS dans le paysage et installé en 2015, il possède aujourd’hui 90 mères sur 105 hectares.

À l’image d’un puzzle, Rémy Veysset a monté son exploitation — 90 mères Limousines sur 105 hectares — de toutes pièces. Situé à Brignac-la-Plaine en Corrèze, il s’est installé au 1er janvier 2015, après dix ans en tant que paysagiste. « Je n’avais aucune notion technique en bovin viande et encore moins en veau sous la mère », souligne-t-il, mais il avait l’élevage dans la peau. Son père éleveur avait produit, avec succès, du lait durant quarante ans avec une trentaine de Prim’Holstein. Lors de son installation, Rémy Veysset a repris uniquement un bâtiment de ce dernier, transformé en stabulation, 20 ha jouxtant le bâtiment d’un voisin parti à la retraite et 40 ha d’un seul tenant d’un autre exploitant décédé, avec son troupeau d’une trentaine de mères limousines. « Il faisait du plein air intégral avec une production de broutards. Le deal consistait à reprendre les terres et la totalité du troupeau. Mais pour commencer à faire du veau de lait, ce n’est pas l’idéal ! Les vaches étaient de bonnes origines globalement mais elles étaient et sont encore trop vives », fait remarquer Rémy Veysset. La même année, il complète son cheptel avec une vingtaine de vaches « plus calmes » achetées à l’extérieur. Au même moment, le père de Rémy Veysset arrête le lait et revend ses laitières contre 35 mères Limousines. Et, au 1er janvier 2018, Rémy Veysset s’agrandit encore en reprenant, deux ans plus tôt que prévu, 37 ha provenant de l’exploitation de son père. Entre-temps, en 2017, il récupère un îlot de 15 ha d’un seul tenant, à 12 kilomètres de l’exploitation, mais avec une personne qui surveille les animaux sur place.

Trois ans d’agrandissement régulier

Pour sécuriser l’installation, entre 2015 et septembre 2016, il continue de travailler à l’extérieur, à mi-temps. Il arrange la stabulation de son père et construit la salle de tétée durant l’hiver 2016-2017 puis l’inaugure en mai 2017. Il bénéficie d’un PCAE pour un montant de 105 000 euros. « Au final, cela me revient, en autoconstruction, à environ 60 000 euros dont 25 000 pour l’aménagement de la stabulation. Mais pour moi, l’autoconstruction, c’est fini ! Cela prend trop de temps. Aujourd’hui, je n’ai plus que de l’entretien et des finitions », constate avec soulagement Rémy Veysset. Un hangar pour stocker fourrage et matériel est encore en construction, à proximité du bâtiment principal, mais cette fois, Rémy Veysset a contractualisé avec une entreprise de panneaux photovoltaïques. Seul le terrassement a été à sa charge.

De beaux veaux mais un taux de mortalité élevé

Durant près d’un an, Rémy Veysset a gardé les troupeaux séparés aussi bien en bâtiment que dans les pâtures. « Je n’ai pas eu de problème sanitaire lors du mélange des animaux », observe-t-il. Il traite contre le paramphistome et la petite douve au cas par cas, car certaines parcelles possèdent des zones humides difficiles à clôturer. « Ma problématique, ce sont les diarrhées sur les petits veaux. Je vaccine toutes les vaches entre six à huit mois de gestation », continue-t-il. En bâtiment, les diarrhées se propagent vite, notamment en hiver. Il cherche à étaler ses vêlages et rentre les mères entre un mois à trois semaines avant la naissance. « Je n’ai pas encore de détecteur de vêlage, mais cela viendra certainement un jour. Pour l’instant, je perds plus des veaux de diarrhées, qu’à la naissance », note-t-il. De fin 2017 à novembre 2018, sur 80 veaux nés, 74 ont été sevrés et une petite quinzaine de velles sont conservées chaque année pour le renouvellement. Le taux de mortalité est de 7,5 %, un taux qui reste élevé. L’intervalle vêlage-vêlage (IVV) moyen est de 404 jours contre une moyenne de 385 jours pour le quart supérieur des éleveurs de référence (2 314 élevages). Par contre, les vaches vêlent bien et ne présentent pas de problématique de renversement de matrice.

Tout un travail sur la génétique du troupeau

Pour améliorer la génétique, qualifiée plutôt d’hétéroclite au démarrage, Rémy Veysset utilise l’insémination sur les conseils de Bovins Croissance, qui établit le planning des accouplements et calcule les rations. Rémy délègue donc une partie de ses responsabilités tout en gardant un œil dessus. « J’ai deux taureaux pour rattraper dont un fils de Chaumeil (IA), acheté broutard. J’ai aussi quelques mères issues d’un premier taureau, fils d’Eperon, qui est malheureusement mort en 2018. Leurs veaux sont mieux conformés. Ils ont une bonne croissance et tètent bien », explique Rémy Veysset. Son deuxième taureau a été acheté broutard chez un éleveur. Sans origine particulière, sa conformation lui a plu. « Je souhaite des animaux mixte-viande », enchaîne-t-il, évoquant des souches en IA comme Caméos, Louxor, Hussac, Donzenac, Horne ou Corrèze pour faire des veaux de lait. Sur les génisses, il continue avec des doses de Chaumeil et Ionesco.

Des broutards en été pour pallier la baisse des prix

Adhérent d’Elvea 19 (ex-Adeco), il valorise ses veaux en moyenne à 1 680 euros par veau pour un poids carcasse d’environ 155 kg, en label rouge et donc à moins de 5 mois et demi. Même s’il cherche à étaler ses vêlages, il privilégie la période du 15 août au 15 octobre car le prix des veaux sera plus valorisant. En été, les prix chutent, au point qu’il n’a pas hésité à produire quelques broutards les années précédentes. « Ce n’est pas mon objectif et je ne souhaite pas le refaire cette année. Je ne veux produire que du veau de lait. J’ai 15 cases de 4m², soit de deux places chacune. Je peux élever 30 veaux maximum en même temps et c’est déjà bien assez de travail seul », relève-t-il. Dans la pratique, une case sert à stocker la paille. Il travaille en litière accumulée sur un mois et demi. Il n’a pas de « tante » et achète du lait en poudre en complément. Un aliment qui pèse sur le plan économique. Rémy Veysset en a conscience, mais les résultats sont au rendez-vous.

Un rythme de croisière à trouver

Il sait également que trois tracteurs pour une exploitation comme la sienne peuvent paraître conséquents. « Mon objectif est d’avoir une mélangeuse et de passer à deux tracteurs », argue-t-il. Président de Cuma, il ne se dit pas « passionné » par le matériel. Il possède une faucheuse, une faneuse, un round baller, un andaineur, un brabant et une herse rotative. Le reste du matériel comme l’épandeur à fumier, la bétaillère, le plateau à foin, les remorques… sont en Cuma. Et il fait appel à un prestataire pour le semis des prairies (7 à 10 ha par an) et des céréales d’hiver (4-6 ha par an), soit un coût d’environ 90 euros/ha hors achat de semence. Conscient des aménagements encore à réaliser sur son exploitation, Rémy Veysset ne souhaite pas s’agrandir, mais surtout stabiliser son système. Depuis un an, il prélève environ un Smic de son activité. « Je suis éleveur, j’aime ça ! », conclut-il, désireux de conserver un niveau de qualité élevé de ses produits.

 

Chiffres clé

105 ha de SAU réparties entre 93 ha d’herbe (dont 25 ha de prairies temporaires) ; 3,5 ha de maïs ensilage ; 3,5 ha de maïs grain et 5 ha de céréales d’hiver
90 vaches Limousines, une trentaine de génisses et 2 taureaux
1,1 UGB/ha
1 UTH

 

 

Une expertise extérieure pour l’alimentation

Concernant l’alimentation, je n’ai pas fait d’école d’agriculture, alors je m’appuie sur Bovin Croissance ou les conseils de la chambre d’agriculture », observe Rémy Veysset. Il base son alimentation sur l’ensilage d’herbe et de maïs, du foin à volonté, des céréales et un correcteur. « L’hiver tous les animaux ont 100 grammes de minéraux et du sel », souligne-t-il avant de reconnaître que « son système n’est pas forcément très pointu ». Et de constater : « en hiver, j’essaie de garder des vaches en état de manière à réduire mes IVV au maximum ». Pour autant, Rémy fait des analyses de fourrage tous les ans. Il fait également des coprologies une fois par an, au retour en bâtiment au plus tard début décembre, et traite en conséquence. Il a également fait des analyses de sol à son installation. À travers ces analyses, il sait que ses fourrages manquent de magnésium, d’iode et de sélénium, des carences qui se retrouvent dans les sols. De même, selon lui, le terroir est favorable au veau de lait car pauvre en fer. Il complète si nécessaire ses veaux car une carence trop importante limiterait leur croissance. Il n’effectue pas de pâturage tournant. « Je ne tourne pas assez vite. Mon problème, c’est l’accès à l’eau », explique-t-il. Il récolte environ 800 balles round de foin et 150 balles d’enrubannage par an, 4 ha d’ensilage de maïs, 8 ha d’ensilage d’herbe et 5 ha de céréales d’hiver (orge ou triticale). Il limite les achats d’engrais, réservés au maïs et aux céréales et chaule 10 ha par an en moyenne.

 

 

 

Coralie Siriex, conseillère veau de lait à la Chambre d’agriculture de la Corrèze

« 2019 sera une année charnière »

« Rémy Veysset valorise très bien ses veaux de lait, soit 1 682 €/tête en moyenne en 2018. Il sait sélectionner des animaux de souches précoces à bon rendement carcasse. Les chiffres de la comptabilité de 2017 ne sont pas significatifs car l’exploitation était encore en plein développement. Par contre, 2019 sera une année charnière car la reprise de l’exploitation du père de Rémy en 2018 a nécessité des adaptations de son système de production dont les résultats seront connus à ce moment-là. La vitesse de croisière devrait être atteinte en 2019. Parmi les jeunes agriculteurs, malheureusement, peu s’en sortent aussi bien que Rémy Veysset et cela dès le départ ! Pour autant, il pourrait diminuer certaines charges en travaillant principalement sur l’autonomie alimentaire. Finalement, c’est une exploitation performante mais elle a encore quelques marges de manœuvre pour atteindre de très bons résultats techniques et économiques. »

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