Du bon usage de la mélangeuse
Pour permettre aux animaux de valoriser au maximum leur ration distribuée à l’aide d’une mélangeuse, quel que soit le type d’outil utilisé, il convient de respecter quelques règles de base.
Pour permettre aux animaux de valoriser au maximum leur ration distribuée à l’aide d’une mélangeuse, quel que soit le type d’outil utilisé, il convient de respecter quelques règles de base.
S'équiper d’une mélangeuse répond à un double objectif. Le premier est l’organisation du travail avec gain de temps à la clé et diminution de la pénibilité des opérations de distribution. Le second ressort de la maîtrise de l’alimentation. Une mélangeuse offre à la fois le moyen de contrôler avec précision les ressources alimentaires diversifiées, les quantités utilisées, l’homogénéité du mélange, et la possibilité d’améliorer l’ingestion des fourrages à valeur d’encombrement élevée donc de réduire les apports de concentrés énergétiques et ainsi mieux valoriser les fourrages fibreux. Toutefois, quel que soit le type de mélangeuse choisi, à vis horizontales, à vis verticales ou à pales, différents éléments sont à prendre en compte afin d’obtenir une ration à l’auge permettant aux animaux d’optimiser les aliments distribués.
Le premier point à appréhender concerne l’homogénéité du mélange et ce, du début à la fin de l’auge. Si une ration n’est pas homogène, elle ne sera pas mangée de la même façon tout au long de l’auge et entraînera ainsi des pertes de performances des bovins. « Si vous avez un souci d’homogénéité dans la ration, vérifier l’ordre de chargement et le temps de brassage. Si ces deux critères sont bons, le problème peut alors venir d’une surcharge de la mélangeuse. Le risque étant de trouver une couche de concentrés sur les premiers mètres et la fibre ensuite », explique Stéphane Baille, nutritionniste ruminant indépendant, du cabinet d’expertise en ration mélangée BDM.
Des fibres de bonne longueur
La qualité de la fibre est primordiale pour créer la rumination et ralentir le transit et favoriser ainsi la digestion. Le but est donc d’avoir un mélange homogène à l’auge avec des brins de fibres (paille ou foin grossier) de 5 à 7 cm. La fibre doit piquer. Le test est simple, prenez une poignée de ration dans la main. Elle doit être piquante. Si la fibre est trop longue, le tri de la ration à l’auge va en être simplifié et on va retrouver la majorité de cette fibre non ingérée, dans les refus. De même, si la fibre est trop courte ou défibrée, celle-ci n’aura plus d’intérêt mécanique dans la ration à l’auge et son seul impact sera d’en augmenter le taux de cellulose brute sans assurer le ralentissement du transit digestif, ni la stimulation de la rumination. « Rapide au début, la vitesse de mélange doit diminuer ensuite. Au départ, une vitesse importante est nécessaire pour couper les fibres. En fin de chargement, une vitesse lente évitera de déstructurer les ensilages », poursuit le nutritionniste. Un outil simple permet de vérifier ces points, le Penn State Separator (voir encadré).
« La paille est à privilégier avant le foin dans les rations mélangées, puisque c’est la fibre qui maximise la rumination. Une mélangeuse est une fabrique d'aliment à la ferme (FAF) avec des roues. Elle permet de valoriser les produits de la ferme. Deux heures après le repas, au moins 70 % des animaux doivent ruminer », détaille Yan Mathioux, nutritionniste du cabinet BDM. « Le temps de rumination est variable selon la qualité de la fibre. Il est important de garder de la paille bien sèche et non brisée pour les rations, 500 g à 1 kg par UGB. Le foin de luzerne est également très intéressant pour son piquant et son effet tampon », ajoute Stéphane Baille.
Attention à l’humidité de la ration
Si la proportion de particules fines n’est pas trop importante mais que les animaux trient leur ration, c’est qu’elle est trop sèche. « Dans ce cas, il faudra rajouter de l’eau. Compter un litre par UGB pour abaisser la ration de 1 % de matière sèche. La meilleure efficacité se situant entre 40 et 44 % de matière sèche. L’eau est souvent le parent pauvre de l’alimentation. Un ajout d’eau, dans la mélangeuse, freine la compétition à l’abreuvoir. Pour le rendre aisé, la mise en place d’un container de 1 000 litres avec vanne, positionné en hauteur (sur deux ou trois bottes), offre la possibilité d’incorporer une quantité d’eau importante en un temps restreint », observe Stéphane Baille.
Pour vérifier rapidement l’humidité de la ration, il suffit d’en prendre une poignée dans la main, de la presser et de relâcher. « Des particules fines doivent rester collées dans la main, signe d’une ration aux alentours de 42 à 44 % de matière sèche, rendant ainsi le tri difficile par les animaux. Une ration trop humide est moins problématique qu’une trop sèche, même si on perd en appétence pour les animaux avec une faible capacité d’ingestion », précise Stéphane Baille.
« Certaines erreurs, telles que laisser de la fibre type foin en bout de stabulation, peuvent être très pénalisantes. L’intérêt de la ration mélangée est de maîtriser l’ensemble de la ration ingérée par les animaux. La mise à disposition de foin en libre-service ne permet plus de contrôler qui mange quoi. Le libre-service engendre une inconnue trop importante sur la consommation des animaux », note Yan Mathioux.
Un ordre de chargement à adapter selon le type de fourrages
L’ordre de chargement doit être adapté en fonction des types de fourrages. En règle générale : les fibres longues en premier (paille, foin, enrubannage), suivies de l’eau si nécessaire, la mélasse si besoin, les concentrés (tout ce qui est sec) et les ensilages (drêches et coproduits également) pour terminer. « Dans la majorité des cas, on respecte cet ordre, exception faite de la luzerne déshydratée ou de la paille de colza que l’on incorporera en dernier. »
Une solution intéressante est la réalisation d’un prémix de tous les produits secs (fibres, minéraux, concentrés) pour une dizaine de jours (selon la capacité de votre mélange et du stockage disponible). Cela permet de limiter le risque d’erreurs, d’être plus précis et de gagner du temps (10 à 15 minutes par produit) au quotidien en ne chargeant que le prémix et les fourrages. L’inconvénient peut être le manque de place pour stocker le mélange sec. L’idéal est de le mettre à plat sur un béton à l’abri de l’humidité.
« Si on ne peut pas faire de prémix, couper les grosses quantités de fibres au préalable, à l’aide d’un rotocutter, offre un autre recours. Cet investissement sera toujours largement moins coûteux que de laisser fonctionner trop longtemps la mélangeuse, et permettra d’assurer une fibre toujours constante et une économie de fuel », détaille Stéphane Baille.
Lors du chargement des aliments, c’est le chargeur qui tourne autour de la machine. Il est bon de réserver un emplacement suffisant pour la machine et son chargement.
Regarder également derrière le cornadis
Les couteaux de la mélangeuse ne sont pas éternels. L’investissement dans des couteaux neufs est aussi un gage de ration « efficace » à l’auge. L’usure est variable selon l’utilisation, selon que l'on coupe la fibre ou non dans la mélangeuse, selon le nombre de rations par jour... « Une vérification annuelle est recommandée. On peut éventuellement et momentanément inverser les couteaux du haut et du bas dans les bols, ceux du bas s’usant plus rapidement. Aux dires d’éleveurs, des couteaux usagés entraînent un surplus de consommation de fuel », souligne Stéphane Baille.
Une fois les auges réglées, il faut passer de l’autre côté du cornadis et contrôler les bouses, révélatrices du travail précédent. Le tamis à bouses est alors d’usage. Les bouses doivent être homogènes et digérées : pas de diarrhées, absence de grains mais aussi de fibres non valorisées.
« Il est important de prendre le temps d’observer. Dans une poignée de bouse, le plus visuel est le grain. En compter le nombre dans une poignée et en multiplier le chiffre par 400 donne une idée de la quantité d’amidon perdu par lot. Trois grammes dans la poignée, c’est 1,2 kg (3 g x 400) d’amidon perdu. »
« Entre un aliment acheté prêt à l’emploi et un produit fait maison à la mélangeuse, il est possible d’obtenir un écart de prix de 100 euros la tonne, en faveur de la mélangeuse. Il faut apprendre à raisonner selon le point de protéine pour comparer les coûts de revient des aliments. On a réalisé une estimation de la perte engendrée par une mauvaise utilisation de la mélangeuse, entraînant une perte de GMQ de 150 à 200 grammes et donc un temps d’engraissement prolongé. On peut donner ce chiffre à titre indicatif. La perte de marge nette calculée pouvant atteindre 150 à 200 € par taurillon », observe Stéphane Baille
Phrase de pour essai
Penn State Separator et tamis à bouses, deux outils indispensables
« Pour vérifier la structure de la ration, un tamis Penn State Separator s’avère un outil intéressant pour plusieurs raisons. Il permet d’évaluer la fibre mécanique de la ration, de regarder la proportion de particules fines et de vérifier le travail de l’opérateur (mélangeuse trop chargée ou ayant trop tourné) », souligne Stéphane Baille.
Le Penn State Separator est à utiliser de manière systématique au départ, puis à chaque changement de ration ou de lot. Pour être efficace, il faut prélever trois échantillons de la ration distribuée, en début, milieu et fin d’auge, les peser et les passer dans le tamis l’un après l’autre et comparer le résultat. « Si le pourcentage s’écarte de plus de 2 % entre chaque résultat, il y a un souci d’homogénéité dans la ration. Vérifier alors l’ordre de chargement et le temps de brassage. Si ces deux critères sont bons, le problème peut venir d’une surcharge de la mélangeuse. Le Penn State Separator est un outil indispensable que l’on peut tout à fait fabriquer soi-même. »
Ne pas jamais dépasser 50 % de particules fines
Dernier point que l’on peut contrôler avec le Penn State Separator : la taille des particules. L’objectif est de retrouver 8 à 12 % de particules grossières sur le plateau du haut, 40 à 60 % de particules moyennes sur le plateau central et moins de 50 % de particules fines sur le plateau du bas, sous peine d’acidose chronique. C’est le plateau à surveiller de près car il s'agit d'aliment rapidement dégradable et dont les animaux raffolent.
Le tamis à bouses est à utiliser 15 à 20 jours après la mise en place de la transition. Il faut ramasser 20 % des bouses d’un lot sans les choisir et ne pas retrouver plus de 20 % de résidus au total.
À la mise en route de la mélangeuse, Il est important de conserver la ration qui était distribuée jusqu’à présent pour ne pas stresser les animaux et les habituer à la ration mélangée. Les ingrédients sont à donner simplement mélangés. Le foin qui était en libre-service au râtelier est également à incorporer à la mélangeuse (l’équivalent de ce qui était consommé quotidiennement).