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Deux SAS nivernaises pour le solaire agricole

En 2016, des agriculteurs nivernais se sont regroupés pour créer dans leur département une première SAS afin d’investir de façon collective dans des hangars et stabulations équipés de panneaux photovoltaïques. Cette nouvelle façon de construire réduit l’investissement initial.

Au premier plan, un bâtiment de stockage 100kWc de la seconde SAS contigüe à un second bâtiment de 100 kWc en construction privée.
© L. Guyon

Un premier projet solaire collectif réalisé en 2016 dans le cadre d’une SAS, puis un second en cours de réalisation et pourquoi pas un troisième… Dans la Nièvre, comme dans d’autres départements, le photovoltaïque agricole est dans l’air du temps. « En 2016, un premier groupe de 14 agriculteurs appuyés par la chambre d’agriculture, a développé un projet collectif : la SAS 58 Solaire. Elle concerne 14 bâtiments : des stabulations ou des hangars de stockage », explique Étienne Bourgy, chargé de mission énergie à la chambre d’agriculture et en charge du suivi de ces projets. Produire puis vendre de l’électricité n’est pas la finalité première de ces bâtiments. L’objectif est de proposer, grâce au photovoltaïque, une solution pour aider des agriculteurs à disposer de bâtiments fonctionnels à même d’améliorer leurs conditions de travail. Ces projets correspondent au modèle technicoéconomique, juridique et financier des SAS photovoltaïques conçu par les chambres d’agriculture et d’ailleurs déployés dans plusieurs autres départements.

Apprendre à se connaître

La mise en place de cette première SAS est l’aboutissement d’une série de réunions puis discussions initiées en 2014. Dans un premier temps, il a fallu présenter le projet puis constituer un groupe d’agriculteurs véritablement intéressés. « Les actionnaires ne se connaissaient pas forcément dans la mesure où leurs exploitations sont parfois éloignées. Ils ont appris à se connaître au fil des réunions », précise Étienne Bourgy. En se regroupant, le principe a été de faciliter la mise en place de ces projets tout en bénéficiant de conditions plus attractives pour les tarifs d’achat de l’électricité et la construction des bâtiments. L’idée a ensuite été de réaliser un plan type pour l’ensemble de ces bâtiments et de les faire réaliser par un seul constructeur pour en réduire les coûts.

Contrairement à un projet mené de façon individuelle, ((lequel peut être analysé comme ardu à mettre en place,)) réaliser ce type d’investissement dans un cadre collectif a souvent été vécu de façon plus sereine par les futurs investisseurs. Une fois le groupe constitué, la priorité a été dans un premier temps de bien comprendre quel pourrait être le mode de fonctionnement de ce type de société en particulier sur les volets juridiques et fiscaux. Au fil des réunions, les discussions ont fini par aboutir et se sont traduites par la création de la SAS 58 Solaire. Cette dernière devra fonctionner 30 ans. En effet, bien que le contrat de revente d’électricité avec EDF soit fixé à 20 ans, toute société ne peut rendre les bâtiments aux associés pour 1 € symbolique qu’à la 30e année pour des raisons fiscales.

Le principe de l’équité

Une des donnés clé réside dans le principe de l’équité entre les 14 associés. C’est une priorité, même si la puissance photovoltaïque des bâtiments oscille de 142 à 249 kw. Pour fonctionner durablement l’intérêt du groupe est devenu prépondérant à l’intérêt personnel. « Afin que le facteur humain soit moteur, il a semblé indispensable de mettre en place des règles de fonctionnement techniques, statutaires, comptables et fiscales transparentes, équitables et durables sur 30 ans. Quelques exemples de règles : un président et deux directeurs nommés, un associé égal une voix. Chaque associé a une situation sociale et fiscale propre."

De la même façon, le prix à acquitter pour raccorder chaque installation au réseau a été mutualisé. « Ce principe était une condition préalable pour faire partie de la SAS », souligne Étienne Bourgy. Rappelons que le coût du raccordement dépend de la proximité du réseau. Or dans la Nièvre, département peu peuplé en dehors de la vallée de la Loire, le réseau électrique est assez « lâche » Pour un bâtiment de 142 kW, le coût du raccordement peut varier de 8 000 à plus de 40 000 euros. « À ce prix, certains exploitants auraient été dans l’impossibilité économique de réaliser individuellement leur projet. Une mutualisation des 14 raccordements a permis d’avoir un coût moyen à 26 000 euros pour la première SAS (sans subvention à l’époque) et 13 500 euros pour la seconde (avec les 40 % d’aide au raccordement). »

Pour vendre leur électricité, les 14 associés se sont positionnés sur les appels d’offres de la commission de régularisation de l’énergie pour bénéficier d’un tarif de rachat plus favorable que les tarifs réglementés. Ces derniers se montaient à 12,50 c€/kWh sur des installations d’une puissance comprise entre 36 et 100 kW (c’est-à-dire entre 250 et 630 m² de panneaux) là où les appels d’offres permettaient d’obtenir entre 12,90 et 13,15 c€/kWh pour des puissances allant de 100 à 250 kW (630 à 1 560 m² de panneaux en toiture sud). De plus, en tarifs réglementés, les bâtiments auraient été moins grands pour respecter les 100 kW maximum autorisés. Ces bâtiments ne correspondaient pas aux exigences de tous les associés de la première SAS.

Dans l’élaboration des statuts de la SAS, l’article sur le partage des dividendes a été au centre des discussions. La principale interrogation portait sur l’interruption temporaire de production d’électricité sur un des bâtiments. « Si un bâtiment ne produit pas pendant deux mois, fallait-il diminuer pour autant le montant des dividendes de l’associé concerné parce que ce dernier a tardé à détecter le problème ? Il a été décidé que dans la mesure où c’est la SAS 58 Solaire qui investit dans les bâtiments, qu’elle construit sur le terrain respectif des associés, c’est elle qui doit rembourser la banque et c’est elle qui sécurise et optimise les productions de ces 14 installations. C’est donc elle seule qui doit assumer la maintenance, les réparations et la surveillance des 14 sites et non chaque associé." Mutualiser les charges et les produits a permis d’ancrer ce principe d’équité entre associé. Comme chacun avait besoin de son nouveau bâtiment pour faire évoluer son entreprise, ((mais n’en aurait pas forcément eu les moyens seul,)) le pas à franchir pour entrer dans la SAS a été plus simple à faire.

Le fait d’emprunter dans le cadre d’un collectif a facilité le financement. La banque a prêté 5 millions d’euros (4 M€ à la SAS et 1 M€ pour les parts) malgré une capacité d’investissement limitée chez certains associés. En effet, sur un contrat de rachat d’État comme l’électricité, le risque est très faible ou sinon couvert par le groupe. Le second groupe investit presque 2 M€.

Des gains progressifs pour l’agriculteur

Au final, le poids de l’autofinancement de 25 % dans la SAS est inférieur de 10 % au montant du bâtiment type. « C’est-à-dire que si le bâtiment seul se monte à 80 000 euros (fondations et structure bardée sur trois faces et sans photovoltaïque), l’agriculteur associé ne versera au final que 50 à 70 % du montant du bâtiment à la SAS pour qu’elle construise le bâtiment chez lui. À partir de la neuvième année, les dividendes reversés à chaque associé pourront permettre de diminuer de 20 % l’annuité pour l’exploitant jusqu’à la seizième année, précise Étienne Bourgy. Pour les seize premières années, le poids économique de la structure du bâtiment sera donc en moyenne de 30 à 50 % inférieure à un bâtiment sans photovoltaïque. » Puis, les quatre dernières années du contrat sur 20 ans de rachat de l’électricité re-provisionnent le montant des parts apportées au démarrage du projet par chaque associé. Au terme des 20 ans, la structure du bâtiment aura donc été financée par l’énergie et non par les productions agricoles de l’exploitation.

Cette première SAS a fait des émules. Elle s’est traduite l’an dernier par la mise en place d’une seconde SAS pour des bâtiments n’excédant pas le seuil des 100 wc. Et Étienne Bourgy de souligner qu’il a également été contacté par d’autres agriculteurs qui s’interrogent ((pour savoir s’il n’y aurait pas)) sur la possibilité d’en mettre en place une troisième. Au moment où un agriculteur s’interroge sur la construction d’un bâtiment supplémentaire, l’option photovoltaïque gagne à être au moins étudiée, même si au final elle ne se traduit pas forcément dans les faits.

 

SAS 58 Solaire

14 associés

12 bâtiments de stockage et 2 stabulations soit 18 500 m² de surface au sol

2,4 Méga Watts de puissance photovoltaïque installée

8 931 panneaux solaires Photowatt de 270 wc soit 1,5 hectare

5 M€ HT d’investissement total

 

Etienne Bourgy, chargé de mission énergie à la Chambre d'agriculture de la Nièvre

« Un projet viable grâce au collectif »

« Dès le début, chaque associé s’est imprégné de cette ingénierie de projet si particulière. Ils ont appris à mieux se connaître et à dépasser leurs différences. Ils se sont dotés d’un moyen de financement pour inscrire dans la durée une baisse des charges de structure de leurs entreprises. Individuellement, la moitié des agriculteurs du groupe n’auraient pas pu porter un tel projet malgré le besoin – en particulier chez les jeunes agriculteurs – de moderniser leur outil de production. Cette expérience démontre qu’avec le collectif, les projets en énergie renouvelable deviennent plus accessibles et permettent aux entreprises agricoles de s’inscrire dans la transition énergétique. À signaler que ces projets collectifs relancent également des projets individuels restés latents jusqu’à présent. »

 

 

Un montage financier optimisé

Les 14 agriculteurs qui ont créé la SAS 58 Solaire ont apporté en fonds propres, environ 25 % du montant de l’investissement. La société a investi dans les bâtiments (structure, fondations, chéneaux, centrale photovoltaïque avec raccordement) avec 25 % d’autofinancement et 75 % de prêt bancaire. La société bénéficie de la vente de l’électricité, somme qui couvre les frais de fonctionnement et le remboursement du prêt (annuité).
En s’engageant dans cette démarche, l’investissement en bâtiment se situe à deux niveaux pour l’agriculteur associé :
• Prise de capital social dans la SAS à hauteur de 25 % du montant de l’investissement soit un apport arrondi à 67 000 euros. Cette somme financée sur seize ans à 1,80 % engendre une annuité moyenne de 4 915 euros. Celle-ci sera assumée par l’exploitation pendant les seize premières années. Cela correspond à une annuité du même bâtiment mais réduit de 27 % grâce au photovoltaïque.
• Investissement restant à la charge de l’exploitation (terrassement, aménagements intérieurs et tranchée pour la réinjection). Estimés à 80 000 euros, ces aménagements bénéficient pour les éleveurs des aides du plan bâtiment (PCAE).

 

Onze associés pour la seconde SAS

La seconde SAS a vu le jour en 2018 en suivant dans les grandes lignes les mêmes principes que ceux retenus pour la SAS 58 Solaire et en particulier la mutualisation des investissements et recettes. Elle regroupe onze agriculteurs (éleveurs, polyculteurs-éleveurs et céréaliers). Ils vont ériger onze bâtiments (huit stockages et trois stabulations). Le premier est sorti de terre en novembre et le dernier devrait être achevé fin mars pour une mise en production effective fin de premier semestre. Il est important de travailler à partir de bâtiments neufs. Ils doivent tous avoir la même orientation et la même pente de façon à les optimiser et favoriser un niveau de production similaire, donc une équité entre associés. C’est aussi pour cela que la volonté n’est pas de couvrir de photovoltaïque des bâtiments déjà existants. Pente et orientation seraient forcément différentes. Les bâtiments seront construits sur le même modèle. Les stockages font 42 m x 19 m en cinq travées de 8,40 m et les stabulations font sept travées de 6 m. La société Gibard dans la Creuse a été retenue pour la charpente métallique. Elle l’avait déjà été pour les bâtiments érigés pour la première SAS. Un de ses atouts est de disposer de suffisamment de personnel qualifié pour enchaîner l’un derrière l’autre et à un bon rythme les constructions.

« La particularité de la seconde SAS dans un contexte de tarif de rachat de l’électricité en baisse a été de contenir le budget au plus juste, précise Étienne Bourgy. Les 11 associés ont fait réaliser 8 fondations sur 11 par la société Technopieux réduisant ainsi le coût de ces fondations de 30 à 40 % par rapport aux fondations béton.

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