Des écorces de bois comme alternative à la paille
Les plaquettes de bois ne sont pas le seul produit issu de la biomasse forestière à pouvoir être utilisé comme alternative à la paille pour confectionner des litières pour les bovins. L’écorce de bois a dernièrement été testée avec succès à la ferme expérimentale des Bordes.
Les plaquettes de bois ne sont pas le seul produit issu de la biomasse forestière à pouvoir être utilisé comme alternative à la paille pour confectionner des litières pour les bovins. L’écorce de bois a dernièrement été testée avec succès à la ferme expérimentale des Bordes.
Dolomie, miscanthus, panic érigé, plaquettes de bois, balles de riz… Il existe de nombreuses alternatives à la paille pour confectionner une litière pour les bovins. Même si les différentes pailles de céréales sont le produit le plus pratique et le plus largement utilisé, la très forte progression de leur prix depuis une dizaine d’années incite à étudier avec acuité des alternatives.
À cet égard les arbres offrent certaines possibilités, d’autant que les forêts côtoient l’élevage allaitant dans de très nombreuses régions. Le recours aux plaquettes est désormais bien connu.
Pour apporter une réponse supplémentaire à cette problématique de la litière, les chambres d’agriculture de l’Indre et de la Creuse, associées à la ferme expérimentale des Bordes dans l’Indre, ont mis en place au cours de la campagne 2020-2021 des essais sur l’utilisation d’écorces de bois. Un sous-produit de l’industrie forestière dont la masse volumique peut varier de 240 à 315 kg/m3 et dont l’achat, à l’image des plaquettes se raisonne au volume plus qu’au poids.
Essai sur jeunes bovins limousins
Ce travail a été conduit sur des taurillons limousins au cours de leur période de finition, en faisant un essai comparatif entre deux lots engraissés sur une classique litière paillée et deux autres installés dans le même bâtiment sur des cases en tous points similaires, mais disposant d’une litière réalisée à partir d’écorces. Dans les deux cas, il s’agissait de litière accumulée. Chaque animal disposait de 4,8 m2/JB (16 taurillons pour chaque case de 77,6 m2). Les animaux étaient en ration sèche et la période de finition s’est étalée du 11 mai au 17 septembre.
Côté croissances, aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les lots suivant le type de litière utilisée. « Les performances sont identiques avec un GMQ de 1 840 grammes par jour en moyenne sur les deux modalités. Une observation du bien-être animal a été réalisée tout au long de l’essai sur quatre critères : propreté des animaux, présence ou non de blessures, de boiteries ou de problèmes respiratoires. Aucune différence entre les deux modalités n’est à noter. Les animaux s’accommodent aussi bien à une litière écorce qu’à une litière paille », souligne Antoine Buteau, ingénieur régional fourrages chez Arvalis - Institut du végétal, et en charge du suivi de cet essai.
Côté températures de la litière, les cases écorce ont eu une température inférieure de 4,3 °C par rapport à celles de la litière paille : 24,3 °C en moyenne pour la litière écorce contre 28,6 °C pour celle à base de paille.
Plus longues à curer
Au moment du curage des cases, les litières composées de fumier à base d’écorce ont été légèrement plus longues à curer (+ 22 minutes/case). « C’est lié à une reprise manuelle plus conséquente en bordure de case. » Quel que soit le constituant utilisé pour confectionner la litière, ces deux catégories de fumier ont été épandues après stockage de quatre mois au champ. Un peu plus de quatre mois après l’épandage, il n’a pas été observé davantage de résidus de fumier à la surface du sol pour le fumier à base d’écorces.
Les analyses de ces deux fumiers n’ont pas non plus mis en évidence d’effet acidifiant particulier. Au moment du curage, le pH eau du fumier pailleux était de 8,42 et celui du fumier écorce de 8,54. Les trois principaux éléments fertilisants (azote, phosphore et potassium) sont en revanche plus dilués dans le fumier écorce avec par exemple 7,5 g de P2O5/kg sec au moment du curage contre 15,2 g de P2O5/kg sec pour le fumier pailleux.
La tendance était d’ailleurs assez similaire pour les autres éléments fertilisants. « Le rapport C/N étant élevé, la dégradation de la matière organique du fumier va consommer de l’azote présent dans le sol. Ce type de fumier est à considérer comme un amendement et non comme un fertilisant », ajoute Antoine Buteau.
Le produit en quelques mots
La plupart des scieries écorcent les troncs avant de les passer sur les bancs de scie. Il en résulte des débris et c’est ce produit qui a été testé à la ferme des Bordes. Il s’agissait d’écorces, avec une large dominante de feuillus (principalement châtaigniers et chênes), préalablement broyées et passées dans un crible de façon à disposer de matériaux dont le calibre était inférieur à 60 mm.
Cette dimension a permis d’utiliser une pailleuse pour les étaler sur la litière sans pour autant se retrouver avec de gros morceaux de bois qui auraient pénalisé le confort des bovins. Un peu à l’image des plaquettes de bois, le taux de matière sèche des écorces est très variable selon les conditions de stockage. Il passe de 60 % dans le cas d’un stockage extérieur jusqu’à 90 % après trois mois de stockage en bâtiment. Comme tout substrat utilisé en litière, plus le produit est sec et plus il absorbe, d’où l’importance de le conserver à l’abri.
Un prix d’équivalence par rapport à celui de la paille
Côté tarif, la filière bois n’a pas encore développé ce produit. Il est donc difficile de définir un prix de marché par rapport à celui de la paille, car le tarif de l’écorce dépendra de la quantité disponible, de la quantité demandée et de la proximité de la scierie.
Il est qui plus est fort probable que l’actuelle évolution du prix de l’énergie et des sous-produits du bois pourraient se traduire, pour les scieries par une meilleure valorisation des écorces auprès des chaufferies que dans des cases de stabulation.
Toutefois, une étude économique a été conduite afin de déterminer une équivalence de prix entre l’écorce et la paille. Il a pour cela été pris en compte le coût d’achat de la paille, les quantités utilisées, les temps, les coûts de fonctionnement (paillage et curage). « Les hypothèses économiques de coût de la main-d’œuvre et du matériel sont issues du barème Entraide. Le prix d’équivalence de l’écorce est donné à titre indicatif par rapport aux essais réalisés et sera à adapter selon les exploitations », précise le compte rendu de cette étude.
Avis d’expert
« Le produit n’a pas été testé sur vaches suitées »
« Côté préconisations, il convient d’être vigilant sur le taux de matière sèche de ces écorces avec des résultats qui seront forcément décevants quand le produit est trop humide. Le produit doit donc pouvoir être stocké à l’abri avec un accès stabilisé pour la livraison puis la reprise. Les écorces ont donné de bons résultats quand elles ont été utilisées pour des jeunes bovins et des génisses, mais ce produit n’a pas été testé pour une utilisation sur des lots de vaches suitées donc attention à une éventuelle ingestion par des veaux. Il convient ensuite d’étudier un approvisionnement local avec les fournisseurs potentiels pour limiter les coûts liés au transport. Le fumier qui en résulte est à utiliser comme bien d’autres amendements avec un épandage à l’automne. »