Des agricultrices engagées contre le mal-être
Dans l'Allier. Pour sensibiliser les éleveurs et sortir du déni du mal-être dans le travail, l'association Dfam a réalisé un travail remarquable.
Dans l'Allier. Pour sensibiliser les éleveurs et sortir du déni du mal-être dans le travail, l'association Dfam a réalisé un travail remarquable.
« Au fil de nos échanges dans l’association, c’est devenu une évidence. Nous, on allait enfin briser le silence, c’était un défi mais aussi un devoir ! » Michèle Debord, éleveuse de bovins charolais à Sainte-Thérence dans l’Allier, est présidente de l’association Dfam 03 (Développement féminin agricole moderne de l’Allier). Cette association loi 1901, créée en 2009, a pour objectif d’aider les agricultrices à s’épanouir pour évoluer personnellement et professionnellement. Toujours en toile de fond des réunions et des formations en développement personnel, revenaient des aveux et confidences sur le mal-être des éleveurs dans leur travail. En 2013, le groupe est passé à l’action. Une approche ergonomique a constitué la première étape de leur démarche. « Demander à un homme de dévoiler sa vie, de montrer ses faiblesses… Impossible ! Alors pour toucher les éleveurs, nous leur avons parlé de ce dont ils veulent bien entendre parler : du travail », explique Michèle Debord. Une enquête en partenariat avec la CCMSA dans six départements a permis d’intéresser par cet angle les agriculteurs à leur santé morale. La deuxième étape a vu naître un clip vidéo d’environ 4 minutes. « Mal de terre » a été scénarisé, réalisé et monté par les femmes du groupe pour prévenir les risques de suicide dans le monde agricole. Ce film a été accompagné d’un livret de 90 pages qui répertorie et témoigne des sources de stress en agriculture et des ressources pour y faire face. Une action très courageuse et aussi très généreuse, car en libérant la parole sur ce sujet, les agricultrices du groupe ont été parfois quelque peu impactées dans leur vie personnelle. « Nous avons inévitablement porté un certain regard sur nos propres vies. Et d’autre part, beaucoup de personnes en difficulté se sont tournées vers nous, sachant que comme nous partagions le même métier, il n’était nul besoin d’expliquer. L’empathie était immédiate ! »
Du signal d'alarme à la prévention avec "cap mieux-être"
Les agricultrices ont alors ressenti la nécessité de se former à l’écoute afin de pouvoir mieux repérer et orienter les personnes en situation de souffrance morale vers des professionnels. Sur trois jours de formation, elles ont appris les outils pour repérer une éventuelle crise suicidaire et adapter leurs réactions. Pour boucler la boucle, l’association s’est ensuite lancée en 2015 dans l’action « Mieux-être en agriculture » en organisant à l’échelle nationale des conférences et en diffusant le DVD de la psychologue québecoise Pierrette Desrosiers (voir p. 26 et p. 31). « "Mal de Terre" était un signal d’alarme. Nous nous sommes ensuite attachées avec « Cap mieux-être » à une approche fondamentalement positive, plus axée sur l’humain, qui vise à apprendre à chacun à devenir acteur et producteur de sa vie », explique Michèle Debord, faite chevalier de la Légion d’honneur en juillet 2015 en reconnaissance de ces actions. Opération réussie : la mission de sensibilisation est remplie, le mal-être en agriculture perd son côté tabou et les agriculteurs sortent du déni. Les femmes de l’association ont joué le rôle de sentinelles, de médiatrices.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le blog de l’association http://fdgeda03allier.canalblog.com