Depuis plus de vingt ans, le foin en commun
Au sein de la Cuma de la Salers, sept agriculteurs du Cantal font la totalité de leur foin en commun. Cela dure depuis plus de vingt ans. Leur secret : du matériel performant et une bonne entente.
Au sein de la Cuma de la Salers, sept agriculteurs du Cantal font la totalité de leur foin en commun. Cela dure depuis plus de vingt ans. Leur secret : du matériel performant et une bonne entente.
« Avec sept exploitations et 400 hectares de première coupe, on finit de faner aussi vite qu’un éleveur qui travaille seul et on ne mouille pas plus le foin que les autres », assure Eric Lafon, président de la Cuma de la Salers, dans le Cantal. Il a créé la Cuma avec trois autres agriculteurs en 1994 pour « faner ensemble ». Depuis, la Cuma s’est étoffé en nombre d’adhérents et en matériel. « On était regardé un peu de haut par les anciens qui disaient : “ces jeunes, ils ne vont pas aller bien loin”. Depuis, la roue a tourné, nos enfants arrivent et il y a toujours beaucoup de jeunes à la Cuma. » Faire les foins avec du matériel en commun n’avait rien d’évident. Aujourd’hui, sept exploitations, majoritairement allaitantes, font la totalité de leur foin avec le matériel de la Cuma et quelques autres une partie seulement, soit environ 600 hectares avec les deuxièmes coupes. Les surfaces individuelles de première coupe sont très variables, de 20 à 120 hectares. « L’avantage, c’est que nous avons du matériel neuf et performant, que nous ne pourrions pas nous payer individuellement et qui nous permet de travailler vite », se réjouit Julien Lajarrige, un des adhérents.
Deux presses de formats différents
Après avoir longtemps travaillé avec trois presses à balles carrées de 50 cm par 80 cm, la Cuma possède aujourd’hui deux machines Claas : une presse haute densité (70 cm x 120 cm) et une petite (50 cm x 70 cm). La première, qui permet de récolter cinq à six hectares par heure, réalise les trois quarts du pressage. Elle est tirée par le tracteur de la Cuma, conduit par un des adhérents. Mais la petite (2,5 à 3 ha/h), tractée par chaque utilisateur, reste indispensable pour faire des formats de bottes plus appropriés aux bâtiments traditionnels. « La presse haute densité est plus adaptée aux Cuma et aux gros travaux professionnels où il faut avancer vite, explique Eric Lafon. Les débits de chantier et le gain de temps pour la manutention des bottes sont incomparables. Avec les anciennes, nous avions beaucoup de casse car il n’y avait pas de sécurités. Heureusement, nos presses sont assurées avec la garantie dommages corps étrangers. Les nouvelles ont des sécurités sur toutes la chaîne de fonctionnement. Il n’y a plus aucun souci. » La Cuma possède également une faucheuse conditionneuse, qui sert surtout à deux exploitations, et deux doubles andaineurs de 7,50 mètres. Elle dispose aussi d’une enrubanneuse semi portée.
« Nous sommes proches géographiquement »
Au-delà du matériel, la satisfaction des adhérents repose sur une organisation des chantiers qui ne lèse personne, surtout quand les périodes de beau temps sont courtes. Cela nécessite à la fois de l’autorité et de la souplesse. Avant de faucher, les adhérents appellent le chauffeur de la grosse presse pour annoncer les surfaces. « Dans une journée, on presse un peu chez tout le monde pour que ce soit équitable », explique Eric Lafon. Et, si un adhérent a fauché un peu plus que prévu, une partie sera éventuellement reportée au lendemain. « Il y a parfois quelques coups de gueule, mais nous formons une équipe soudée, assurent les deux éleveurs. Même quand c’est tendu, ça passe toujours. » Le décalage d’altitude entre vallée et plateau et la conduite des prairies (déprimage ou pas) permettent d’échelonner la fauche. L’enrubannage donne aussi de la souplesse. « Notre force, c’est que nous sommes proches géographiquement, dans un rayon d’à peine dix kilomètres. Il n’y a pas de temps perdu sur la route », ajoutent-ils.
« Il ne faut jamais changer d’épicier »
Chacun prépare son foin (fauche, fanage) de son côté. Pour la grosse presse, c’est souvent le même tandem d’adhérents qui fait l’andainage et le pressage. Le ramassage des bottes est effectué le plus souvent à plusieurs. L’entraide, très ancrée dans le groupe foin de la Cuma, n’est pas formalisée. À la fin de la saison, les adhérents se retrouvent au hangar de la Cuma pour faire le nettoyage, le graissage et le remisage des presses et partager un repas convivial. Autre point important pour le bon fonctionnement d’un service de foin en commun, insiste Eric Lafon : « travailler en confiance avec un concessionnaire et jouer le jeu. Avec du matériel de fenaison, si on veut avoir un service après-vente rapide et irréprochable, il ne faut jamais changer d’épicier ».
La Cuma pour limiter les investissements
Julien Lajarrige s’est installé en 2005 en élevage allaitant en achetant la totalité du capital d’exploitation : foncier, cheptel, bâtiment. Investir massivement dans du matériel n’était pas envisageable. « En propriété, je n’ai qu’un tracteur, une faneuse et une petite benne. » Il exploite 100 hectares avec un cheptel de 75 Salers. Sa facture de Cuma s’élève à 8 000 euros par an. « C’est l’équivalent d’une annuité sur un tracteur. » Avec le tracteur de la Cuma (160 CV), il fait 120 à 130 heures par an, pour un coût de 2 600 euros. Il récolte une quarantaine d’hectares de foin en se reposant presque entièrement sur la Cuma (faucheuse, andaineur, presse).
Les coûts des services de la Cuma de la Salers sont calculés sur la base d’un amortissement de 7 ans. Entre parenthèse, nous indiquons les tarifs constatés au sein des Cuma d’Auvergne, établis sur un amortissement de 9 ans :