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[Contention des bovins] "Les barrières anti-retour, un vrai progrès côté sécurité"

Même s’il est impossible de connaître précisément le taux d’équipement en parcs de contention fixes, ce chiffre évoluerait dans la bonne direction. Pour autant, les jeunes éleveurs ne sont pas forcément les mieux équipés. Analyse croisée de deux spécialistes, Nicolas Jeauneau et Marc Dubrut.

barrière anti retour contention
© F.Alteroche

Sur votre zone d’activité, quel est en système allaitant, le taux d’équipement en installations de contention dignes de ce nom ?

Nicolas Jeauneau - Nous n’avons pas de données chiffrées. L’attribution d’aides spécifiques et le fait de voir de belles installations chez des voisins ont un côté incitatif. Cela évolue globalement dans la bonne direction. C’est incontournable compte tenu de l’évolution du contexte de l’élevage : taille croissante des cheptels et raréfaction de la main-d’œuvre. Le fait de s’être fait peur en intervenant sur des bovins et le recours plus fréquent à de la main-d’œuvre salariée incitent également à s’équiper. Et après avoir investi dans un outil fonctionnel, la plupart des éleveurs se demandent surtout pourquoi ils ne l’ont pas fait plus tôt. Un bon outil de contention dure longtemps et ramené au nombre d’années d’une carrière d’éleveur, cela représente une dépense somme toute modeste.

Existe-t-il un lien entre dimension du cheptel, âge des éleveurs et taux d’équipement ?

N. J. - Sur le terrain, je rencontre tous les cas de figure. Des jeunes installés déjà bien équipés et des éleveurs qui investissent à dix ans de la retraite pour se faciliter la tâche et faciliter la reprise de leur élevage. On voit également des troupeaux modestes presque suréquipés et à l’inverse des cheptels de 100 à 150 vaches/UTH qui n’ont aucun équipement ou du moins rien de sérieux. Autre constat : bien des jeunes n’ont pas forcément le savoir-faire et le temps nécessaire pour réaliser eux-mêmes des installations fonctionnelles. La tendance est plutôt à l’achat d’outils « clé en main » au moins pour certains composants clés du parc de contention. Ce n’est pas forcément un mal. Un parc fait maison mal conçu et mal réalisé peut se révéler dangereux.

Marc Dubrut - Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les éleveurs qui investissent sont souvent des éleveurs en milieu ou fin de carrière. Pour bien des jeunes, c’est rarement leur priorité. Côté traitements et vaccins, ils estiment souvent que les cornadis suffisent. L’évolution des modes d’application de certains médicaments (antiparasitaires en pour-on, vaccin en intranasal…) favorise ce raisonnement. Mais l’éventualité d’une prophylaxie tuberculose avec la pratique d’une intradermo comparative nécessite une contention parfaite des animaux. La prise de conscience de la nécessité d’une contention est malheureusement souvent liée à un accident grave ou qui aurait pu être grave.

Quel est le niveau de connaissance des éleveurs sur les notions de contention et de comportement des bovins ?

N. J. - Avoir de bonnes connaissances sur le comportement des bovins aide à concevoir un parc où les animaux circulent bien. Malheureusement, certains éleveurs sont de moins en moins « animaliers » surtout dans les zones plutôt dévolues aux cultures ou l’élevage est souvent vécu comme une contrainte pour valoriser des parcelles inconvertibles. Quand je fais des formations sur la contention, je fais d’abord des rappels sur le comportement des bovins et la façon dont ils appréhendent leur environnement par leurs cinq sens : vue, ouïe, odorat, goût et toucher. C’est incontournable pour bien les comprendre, anticiper leurs réactions et concevoir des outils de contention adaptés. Je leur rappelle ensuite toute l’importance de passer du temps avec leurs génisses de renouvellement pour les familiariser avec un seau d’aliment. Cela facilite nettement le travail par la suite. Quand elles comprennent que quand on vient les voir ce n’est pas forcément pour leur faire des « misères », elles deviennent vite plus familières.

M. D. - Sans vouloir généraliser, parmi les nouvelles générations d’éleveurs il y a dans nos zones une proportion croissante d’« éleveurs chauffeurs » qui ont de moins en moins de contacts avec leurs animaux ou pour qui ce contact se fait de plus en plus souvent du haut de la cabine du tracteur ou depuis le siège du quad. C’est très net pour les 20 à 30 ans, qui s’appuient souvent sur leurs parents pour le suivi et les interventions sur le troupeau en donnant leur préférence à toutes les tâches qui peuvent être mécanisées. Cela laisse augurer d’importantes difficultés dans certains élevages quand les parents décideront réellement de lever le pied.

Quelle est la fourchette de prix à prévoir quand on envisage d’investir dans un parc fixe de contention ?

M. D. - C’est forcément très variable et dépend du nombre de barrières, de parcs, de leur surface, du choix des différents outils (couloir, cage de contention…), du niveau d’auto-construction… Un bon parc c’est la plupart du temps un investissement avoisinant 30 000 à 40 000 euros mais c’est fait pour une vie d’éleveur.

N. J. - La fourchette oscille de 10 000 à 45 000 euros selon l’importance des équipements. Mais une contention bien conçue est fréquemment utilisée beaucoup plus souvent que son propriétaire ne l’avait imaginé au départ. Il est essentiel de bien réfléchir son positionnement à la fois au sein du parc de bâtiment et par rapport au parcellaire. De plus en plus d’éleveurs s’équipent de bascules pour mieux suivre les croissances et savoir précisément le poids des animaux vendus.

Contention fixe ou contention mobile ? Quelle option privilégier ?

M. D. - Cela dépend beaucoup du morcellement du parcellaire et des lieux de circulation des différents lots. S’il y a un lieu de passage commun, installer à cet endroit une contention fixe sur laquelle on peut greffer différentes fonctions complémentaires est une bonne solution. Sur une contention mobile on ne pourra pas greffer autant de modules différents que dans un parc fixe. Une contention fixe permet également de réceptionner des lots plus conséquents et une fois construite, elle n’a pas à être réinstallée à chaque utilisation.

Avec une contention mobile on est obligé de fractionner davantage les lots. Si le cheptel est de format conséquent, on ne met pas plus de trois vaches dans un couloir de 6 mètres. Le plus gros avantage est de pouvoir amener la contention là où vivent les animaux.

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes sur des installations fixes ?

N. J. - Dans les parcs, on voit souvent la glissière du bas positionnée trop haut permettant à de jeunes veaux de passer dessous. Et des passages d’homme pas forcément adaptés à la morphologie des différentes personnes amenées à intervenir sur l’élevage. On voit aussi des couloirs rectilignes de plus de 12 mètres de long qui obligent à faire de nombreux allers-retours pour faire avancer les animaux. Les couloirs sont parfois trop larges. Certains font 85 cm. En réalité, à l’exception de taureaux de plus de 1200 kg, quand la porte latérale est correctement dimensionnée, tous les bovins d’un format plus standard entrent dans un couloir de 75 cm de large. Et les bêtes sont plus calmes si elles sont un peu serrées. Cela les rassure et les empêche de s’agiter. Dans un couloir trop large, de jeunes animaux finissent régulièrement par se retourner. Autre classique : les hauteurs de parc insuffisantes. Des parois périphériques de moins de 1,8 mètre posent parfois problème avec des animaux trop vifs.

Pour les marchepieds, il faut absolument éviter le bois qui finit toujours par devenir glissant et il est conseillé de rajouter un garde-corps. J’insiste sur les passages d’homme : suffisamment large (35 à 40 cm) et obturés par une barrière poussoir type « porte de saloon » ou éventuellement une bavette en plastique épais.

M. D. - Il y a souvent des erreurs dans les têtes de contention. On voit classiquement des systèmes de blocage de la tête conçus pour fonctionner avec des animaux écornés et dans lesquels on fait passer des bovins non écornés. Il y a souvent des erreurs dans la conception du plan du parc et en particulier l’entrée latérale pour laquelle il y a un angle précis à respecter si on veut que cela fonctionne bien. C’est 45° et non 30° ou 60° comme on le voit parfois. Attention aussi aux angles en métal ou aux aspérités qui dépassent. Elles blessent, détériorent les cuirs, génèrent donc de la moins-value mais également de la douleur pour les animaux.

Et côté quai de chargement ?

N. J. - Là, la grosse erreur c’est l’orientation. On voit encore des quais orientés en direction du soleil levant avec des animaux forcément aveuglés par la lumière lorsqu’ils sortent de la pénombre des stabulations. Les yeux des bovins mettent cinq fois plus de temps que les nôtres à s’habituer aux variations de luminosité et une grosse majorité des chargements ont lieu le matin. Si le quai est orienté plein Nord on est jamais embêté.

Que penser des différents systèmes permettant de pousser les animaux avec des barrières antiretours sans être directement à leur contact ?

N. J. - C’est un vrai progrès côté sécurité, mais on en voit encore peu dans les élevages. Avec ce système, même les animaux les plus récalcitrants finissent par rentrer. C’est parfaitement fiable. C’est un investissement de 7 000 à 8 000 euros mais à mes yeux, la sécurité n’a pas de prix.

M. D. - Je les préconise bien entendu. Côté sécurité, il n’y a pas mieux. Si l’éleveur ne veut pas investir, le simple fait de mettre une barrière de 3 mètres en bout de fourche du tracteur et de pousser très tranquillement les animaux pour les obliger à monter est un plus. Je préfère la barrière à la botte de paille sur laquelle ils risquent de sauter. J’invite les éleveurs à se mettre à la place du chauffeur qui toute la journée vient charger des lots en utilisant par force des installations plus ou moins adéquates et potentiellement très dangereuses quand les animaux sont en situation de stress.

Et les dispositifs de réglage en largeur des couloirs ?

N. J. - Je trouve ça génial. Cela a permis de remplacer le système de double couloir. Beaucoup de constructeurs s’y sont mis. La largeur passe de 40 à 85 cm et permet de passer des vaches puis un lot de broutards avec la certitude qu’ils ne vont pas se retourner. Cela a d’abord été disponible sur les seuls couloirs mobiles. J’ai été peseur pendant deux ans. À chaque fois que l’on avait un broutard qui se retournait dans un couloir pour adultes, il fallait le remettre dans la bonne direction et celà peut être très dangereux.

M. D. - C’est très bien mais je préfère ceux où il est possible de régler la largeur grâce à un vérin hydraulique et non manuel. Cela permet de faire rentrer les animaux puis de les serrer par la suite en permettant ainsi un remplissage optimum du couloir.

Aller voir ce qui se fait à l’étranger

Internet et les nombreuses vidéos en ligne sur Youtube permettent d’aller voir comment sont organisées les installations dans les autres pays producteurs et de se donner des idées. « Dans ces pays, mais aussi dans certains élevages français, le couloir de contention n’est plus utilisé à proprement parler pour contenir les animaux mais parfois simplement pour les amener jusqu’à la cage de contention et c’est dans cette dernière que sont réalisées la quasi-totalité des interventions, explique Marc Dudrut. En Amérique du Nord ou en Océanie, ils utilisent en bout de couloir des cages de contention très haut de gamme avec lesquelles il est possible d’intervenir sur l’animal dans des conditions optimums de sécurité. Les constructeurs français s’en inspirent. » Autre particularité de ces pays, les couloirs de contention sont nettement plus longs et adaptés en cela à la dimension des lots.

La bonne longueur d’un couloir

« Pour les couloirs de contention, je suggère le plus souvent 6 mètres de long. Les couloirs de plus de 10 mètres sont valables dans les centres d’allotement qui brassent beaucoup d’animaux mais ne sont pas vraiment justifiés en élevage. Ils nécessitent de fréquents allers-retours sur le marchepied pour faire avancer les lots », souligne Nicolas Jeauneau. Pour Marc Dudrut, ces grandes longueurs ne sont effectivement pas très opportunes mais peuvent s’envisager si le couloir a une forme en U ou en fer à cheval avec un arrondi qui les incitera à avancer dans la mesure où ils ne verront pas l’extrémité avec au final une installation ramassée côté longueur mais qui permettra de contenir davantage de bovins que le classique couloir de 6 à 7 mètres.

Rédaction Réussir

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