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Au Mexique, la filière viande bovine poursuit sa lancée

Au Mexique, les volumes de viande bovine disponibles pour l’exportation progressent depuis 2016, et la filière se montre compétitive sur le critère prix pour servir le marché international. Les ventes s’orientent principalement vers l’Amérique du Nord et le Japon.

Au Mexique, la filière viande bovine poursuit sa lancée
© CSRRDRGZ - stock.adobe.com

« Année après année, les exportations de viande bovine du Mexique ne cessent de se développer », a présenté Baptiste Buczinski, économiste à l’Institut de l’élevage lors d’une conférence organisée par MSD Santé animale dans le cadre du Sommet de l’élevage 2023

L’économie du pays a été très impactée par la Covid-19 et reste un peu atone, en rattrapant tout juste maintenant sa situation d’avant crise. Mais la filière viande bovine investit pour conquérir de nouveaux marchés. « La viande bovine est désormais le cinquième poste d’exportation du pays en valeur derrière la bière, l’avocat, la tomate et la téquila. »

Graphique : L’activité d’exportation de bovins maigres marque le pas, au profit de celle de viande bovineExportations de viande bovine et de bovins vivants du Mexique

Le Mexique, qui produit de la viande bovine d’abord pour sa consommation domestique, est excédentaire depuis 2016. Le cheptel bovin a connu une croissance continue de 15 % au cours des dix dernières années. Il est arrivé à la neuvième place au niveau mondial avec, en 2021, environ 35 millions de têtes de bovins à 87 % destinés à la production de viande. Le Mexique est aussi devenu le leader mondial dans l’exportation de bovins vifs, comptant 1,3 million de têtes expédiées chaque année. Pour la viande, le pays exporte des pièces nobles d’aloyau et importe des morceaux à cuisson lente comme la poitrine, le jarret et le flanchet.

Politique de soutien à l’abattage

La politique agricole mexicaine a évolué au cours des dernières décennies. Avant les années 1990 le pays était très protectionniste et produisait essentiellement pour sa consommation domestique, avec l’application de droits de douane importants et des prix garantis pour les éleveurs. S’en est suivie une phase d’ouverture basée sur des accords d’échanges multilatéraux à l’OMC [Organisation mondiale du commerce] jusqu’à la fin des années 2010, pendant laquelle le pays s’est tourné vers l’export mondial. 

Depuis 2018, la politique agricole est marquée par un certain retour à des soutiens directs à l’élevage et aux exploitations de petite taille, ceci à un niveau relativement faible par rapport à celui de la PAC [politique agricole commune]. 

« Le soutien a été plus fort aux structures de milieu de filière (abatteurs agréés pour l’exportation, entreprises d’engraissement, abattage et transformation…), ce qui a créé un mouvement d’intégration et fait du Mexique un poids lourd de la production de viande bovine », analyse Baptiste Buczinski. « Historiquement, le pays était un producteur de vif, mais au travers de ces soutiens, il est devenu un grand producteur et aussi un exportateur de viande bovine. »

Des coûts de production du broutard très compétitifs

Les systèmes d’élevage sont très variés, mais fonctionnent majoritairement en monte naturelle. Les vêlages se répartissent sur toute l’année. Un tiers des exploitations bovines produisent du lait et de la viande. La main-d’œuvre est plutôt familiale. Dans le nord du pays, en zone aride, les systèmes sont très extensifs et produisent essentiellement des broutards à destination d’autres régions du Mexique, notamment du Chihuahua, ou des États-Unis, où ils sont finis avec du grain. 

Le système VacaNorte y est basé sur le croisement de races britanniques avec des zébus. Le feed-lot mexicain caractéristique rassemble autour de 500 animaux et comprend deux ou trois rotations par an, pour une production d’environ 1 500 bovins à l’année. Les veaux sont sevrés entre 170 et 180 kg. S’ils sont repoussés, une prise de poids de 80 à 120 kg vif est visée. La finition dure 90 à 150 jours pour arriver à un poids vif à l’abattage compris entre 450 et 480 kg. 

Dans le sud du pays, en zone tropicale, les systèmes sont plus traditionnels. L’engraissement est pratiqué au pâturage jusqu’à vingt-quatre mois et les produits finaux sont davantage orientés vers le marché intérieur mexicain.

bovins dans le Yucatan au Mexique

Une réglementation bien-être animal quasi inexistante

Les coûts de production des broutards mexicains varient selon la pratique ou non de la repousse et le type de conduite, mais globalement ils sont deux fois plus faibles que ceux des broutards français. Par rapport aux productions européennes de viande bovine, Baptiste Buczinski liste de nombreuses distorsions de concurrence. « Un recours systématique aux activateurs de croissance, hormones ou antibiotiques, est pratiqué comme dans le reste de l’Amérique du Nord. » L’utilisation de farine de ruminant en alimentation est permise par la loi et utilisée de façon limitée, de même que celle de litière de volaille. La gestion sanitaire est jugée satisfaisante par la DG Santé de la Commission européenne et le Mexique développe une traçabilité pour les bovins quittant leur atelier de naissage depuis 2017, qui se rapproche des standards exigés par l’Union européenne (environ un tiers des animaux seraient bouclés). En revanche, de grosses lacunes réglementaires persistent sur le bien-être animal, la gestion des effluents d’élevage, et les résidus phytosanitaires dans l’aliment du bétail. « D’autres distorsions sont difficiles à faire valoir, comme le coût de la main-d’œuvre en abattoir qui est six ou sept fois inférieur à celui de la France, et la possibilité pour le gouvernement de dévaluer sa monnaie pour rendre les exportations encore plus compétitives. »

Le Mexique est le 9e exportateur mondial de viande bovine

 

Des exportations structurées par les accords de libre-échange

Baptiste Buczinski, du département Économie de l’Institut de l’Élevage

« Le Mexique est très intégré dans ses exportations de viande bovine avec les États-Unis et le Canada, qui arrivent respectivement en première et troisième positions de ses partenaires. L’accord historique de libre-échange Alena avec ces pays a laissé place, sous la présidence Trump, à un nouvel accord. Celui-ci est moins favorable pour le Mexique, mais il lui permet toujours des échanges très importants de bovins maigres et gras avec les États-Unis.

Le Japon est le deuxième partenaire du Mexique pour l’exportation de viande bovine, et l’accord de libre-échange en place depuis maintenant une quinzaine d’années avec ce pays a eu aussi des effets sur ces flux. Le Mexique est engagé avec des visées d’exportation de produits agricoles dans de nombreux autres accords de libre-échange. Pour l’instant, il n’accède pas au marché chinois.

En ce qui concerne l’Union européenne, un accord de libre-échange est en place depuis déjà une vingtaine d’années. Jusqu’à récemment, il n’incluait pas la viande bovine. Mais depuis 2020, cet accord est « modernisé » et prévoit l’ouverture du marché européen à des volumes de viande bovine. L’accord porte sur des quotas annuels de 10 000 téc de viande bovine et 10 000 téc d’onglets et de hampes, à droits de douane réduits à 7,5 %, qui seraient ouverts progressivement sur cinq ans. Ce second volume, en particulier d’onglets et de hampes en frais, pourrait arriver sur le marché communautaire à un tarif compétitif.

Après une signature en 2020, le processus de ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mexique n’est pas encore lancé. Il faudrait que tous les États membres de l’Union le valident pour que le traité s’applique. Cependant, la Commission européenne pourrait aussi modifier le mécanisme de ratification comme cela avait été fait avec le Chili.

Quelques pays européens sont déjà clients du Mexique : l’Espagne, les Pays-Bas et l’Allemagne. En 2021, l’Union européenne a importé quelques centaines de tonnes de viande mexicaine. »

SuKarne, le poids lourd mexicain de l’abattage et de l’export

viande bovine mexicaine SuKarne

SuKarne représente de loin l’entreprise numéro un de la filière viande bovine mexicaine. Elle abat 1,7 million de bovins par an, soit environ 5 000 par jour. C’est cinq fois plus que les groupes numéro deux et trois du pays.

SuKarne intègre ses propres feed-lots pour garantir une partie de ses approvisionnements. Ses six sites lui fournissent au total près de 800 000 têtes par an. Le feed-lot Lucero, dans la région du Durango, est le plus grand avec environ 300 000 bovins engraissés par an.

SuKarne représente 70 à 75 % des parts de marché dans les exportations mexicaines de viande bovine, d’après une estimation de l’Institut de l’élevage.

Chiffres clés

La filière viande bovine mexicaine en 2022

2,18 millions de téc de viande bovine produites

1,95 million de téc de viande bovine consommées

143 000 téc de viande bovine importées

376 000 téc de viande bovine exportées

Source : Institut de l’élevage

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