Valeurs fertilisantes
Analyser et toujours calculer avant d'épandre
Réaliser un prélèvement de fumier représentatif reste difficile,
à l’inverse du lisier. Pourtant, utiliser au mieux les engrais
de ferme nécessite de bien en connaître la composition.
«Pour la plupart des systèmes allaitants, les engrais de ferme sont à même de couvrir tous les besoins en phosphore et en potassium de la SAU. L’autonomie est facilement atteignable pour des exploitations où l’herbe occupe une part importante de la surface avec des chargements inférieurs à 2 UGB/ha », explique Sylvie Hacala de l’Institut de l’élevage. Le phosphore et le potassium sont souvent en quantité suffisante ; seul l’azote est systématiquement déficitaire. « Les systèmes d’élevage « fuient » en azote. On a toujours des pertes, notamment par volatilisation. Pour faire fonctionner le système prairie, il faut donc pratiquement toujours y faire entrer de l’azote sous forme minéral », continue-telle. Confirmation est donnée par Stéphane Violleau, de la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme : « Bien répartis sur l’ensemble de l’exploitation, les effluents d’élevage peuvent permettre de couvrir les deux tiers des besoins en azote, et 80 à 90 % des besoins en phosphore et potassium. »
Si les engrais de ferme n’ont pas à prouver leur efficacité, les quantités d’azote, phosphore et potassium sont très variables d’un élevage à l’autre. « La diversité des bâtiments, la quantité de paille, la densité des animaux, la durée et le mode de stockage, l’alimentation… vont jouer sur la valeur fertilisante des engrais de ferme. On sait par exemple qu’une alimentation à base d’ensilage d’herbe va engendrer un fumier riche en paille car la litière se salira plus vite. Mais il n’est pas possible pour l’instant de prédire qu’à tel aliment ou telle durée de stockage correspondent telle valeur fertilisante », précise Grégoire Dufour, de la chambre d’agriculture de Vendée.
Deux effets pour le prix d'un
« Pour calculer les plans de fertilisation au niveau du département, nous travaillons avec des logiciels et des mesures nationales (références Corpen). Nous nous basons sur les analyses de sol de l’exploitation, effectuée tous les cinq ans en moyenne, le type de culture précédente, son rendement… Seuls quelques éleveurs font des analyses de fumier, après mises aux normes ou ceux en contrat d’agriculture durable (CAD). Dans ce cas, ce sont les valeurs de l’exploitant que nous intégrons dans le logiciel. Mais faire un prélèvement de fumier représentatif n’est pas évident », continue-t-il. Selon Jean Grall, de la chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, « la quantité d’azote des fumiers est variable entre exploitations et paraît souvent éloigné de la valeur Corpen. En réalité, après une étude comprenant 80 prélèvements, nous avons constaté qu’il fallait travailler avec la matière sèche et non le produit frais. La dilution du fumier va effectivement jouer sur la quantité d’azote disponible à la tonne. Au final, les valeurs trouvées sont proches de celle du Corpen. » Résultats confirmés par l’analyse du groupe compost Massif central, aussi bien pour l’azote que le phosphore ou le potassium, après analyse de 81 prélèvements sur onze sites et trois années de suivi. Cette étude conclut sur l’intérêt d’individualiser la dose pour chaque prairie en fonction de sa conduite et de ses besoins, ce qui reste difficile avec la conduite des chantiers d’épandage. La solution est donc de retenir une dose conseillée pour toutes les prairies, puis de jouer sur la périodicité pour tenir compte de leur utilisation. Ainsi, pour une parcelle de prairie en fauche précoce à deux coupes ou plus, il faut épandre chaque année 15 à 20 t/ha de fumier (10 à 15 t/ha de compost ou 20 à 25 m3/ha de lisier). Pour une prairie à une coupe (foin), il faut épandre un an sur deux et un an sur trois pour des pâtures. Pour les lisiers, la variabilité est telle et le nombre de références si faible que l’analyse en laboratoire est indispensable. Par chance, faire un prélèvement homogène est plus facile.
De toute façon, « fumier ou lisier, l’un n’est pas meilleur que l’autre.Tout dépend de son utilisation. Mettre un lisier sur une prairie au printemps avec une touche de pluviométrie en arrière-plan, pour nettoyer le fourrage, peut se révéler très intéressant. C’est vraiment un système à la carte », reprend Grégoire Dufour. « Si les engrais chimiques ont une rapidité d’action inégalable, les engrais de ferme, fumier et compost notamment, ont un effet bénéfique sur l’équilibre des sols. Ils améliorent nettement son fonctionnement grâce à la matière organique présente, tout en ramenant un plus large panel de valeur fertilisante. »
Christophe Gominard, ingénieur fourrage à la chambre d'agriculture du Puy-de-Dôme
"Epandre de façon raisonnée"
« Avec les engrais de ferme, l’effet dose et l’effet fréquence sont à prendre impérativement en compte. L’objectif est de limiter la dose pour couvrir à la fois les besoins en fumure de la prairie et le maximum de surface par an. L’intérêt est donc de cibler au plus juste son épandange, si possible à la parcelle. Utiliser un logiciel comme PlanFum ou Mes p@rcelles est alors intéressant car ce sont de puissants outils de gestion. Non seulement, ils apportent des recommandations sur les doses à apporter en fonction du type de sol, du rendement de la culture, des restitutions de pâturage, du taux de légumineuses… mais aident au respect des dernières réglementations. Sinon peser de temps en temps son épandeur à plein pour avoir une idée de la quantité d’engrais de ferme réellement épandue à l’hectare reste indispensable pour le valoriser et le répartir au mieux. Les analyses de laboratoire sont aussi très utiles car peu coûteuses (50 à 60 euros), même si prélever un échantillon représentatif de son fumier reste délicat. »