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Abreuvement des bovins : un réseau gravitaire collectif pour les pâtures

En Lozère, les éleveurs de la commune de Belvezet bénéficient pour leurs prairies d’un réseau collectif d’eau de source qui fonctionne par gravité depuis près de cinquante ans. Un modèle d’économie durable qui mériterait d’être dupliqué.

La commune de Belvezet, profitant du remembrement de 1977, et tirant leçon de la sécheresse de 1976, a agencé un réseau d’eau pour abreuver tous les animaux sans empiéter sur celui de l’eau potable l’été. Captée sur le Mont Lozère à 1 300 m d’altitude, l’eau est stockée dans un réservoir de 45 m3 et 25 kilomètres de tuyaux la répartissent par gravité dans cent vingt parcelles équipées d’abreuvoirs dont la cuve intègre un flotteur antigaspillage. Les canalisations sont dotées de vannes de sectionnement ou de vidange, et de réducteurs de pression pour une distribution millimétrée.

Les animaux profitent de juin à octobre d’une eau saine, toujours fraîche et de qualité. Sur le débit de 40 m3 par jour, 20 m3 sont prélevés en moyenne. Aucune ponction n’est réalisée sur le réseau domestique contrairement à la saison hivernale, où 800 UGB en bâtiment, dont deux tiers de vaches allaitantes et un tiers de laitières, y sont raccordés, justifiant un doublement de la consommation d’eau potable.

Les animaux profitent de juin à octobre d’une eau saine, toujours fraîche et de qualité.

Pas de ponction en été sur le réseau domestique

Située aux confins de la Margeride et des Cévennes, entre 1 200 et 1 400 m, la région se caractérise par des épisodes très pluvieux au printemps et à l’automne. Par contre, elle subit une sécheresse intense en été. Gérer l’abreuvement des bovins à cette période de l’année est la mission de l’ASL (Association syndicale libre) des trois bassins-versants (Rhône, Garonne et Loire) présidée par l’éleveur lozérien Olivier Boulat.

« Si une fuite est détectée, un SMS est envoyé aux éleveurs pour qu’ils vérifient leurs abreuvoirs. Des examens plus poussés peuvent être réalisés grâce à un drone », explique Pascal Meric, salarié du groupement d’employeurs que l’ASL mobilise une vingtaine d’heures par an. « Une fois le problème localisé, j’interviens pour réparer ou je fais appel à une entreprise dans le cas de travaux plus conséquents. »

« Chaque utilisateur verse annuellement 20 euros par exploitation et 20 euros par abreuvoir. Avec cet apport, l’ensemble des frais de réparation et de prestation salariale est couvert », précise Olivier Boulat. Deux évolutions sont prévues à partir de 2025 : « le remplacement des vieux bacs de 200 litres, trop petits par rapport à la taille des troupeaux, par des bacs de 1 000 litres et une mise en conformité réglementaire. La révision du règlement intérieur et le passage au statut ASA (Association syndicale autorisée) sont nécessaires pour structurer les projets à venir et disposer d’un suivi administratif et comptable plus adapté. »

Trois nouveaux projets pilotes en cours

Les acteurs locaux (commune Mont-Lozère-et-Goulet, chambre d’agriculture, Safer, Copage, syndicat mixte d’aménagement du Mont Lozère) ont élaboré en partenariat trois nouveaux projets d’abreuvement collectif après études d’impact poussées.

tableau aménagement eau abreuvement bovins Lozère

Le premier impact, d’ordre économique, concerne le temps d’astreinte et le coût du transport des tonnes à eaux. Une enquête menée sur vingt-sept exploitations amène un chiffrage précis. Transposé à un troupeau allaitant naisseur de quatre-vingts vaches, le gain de temps est évalué à 500 heures et la baisse de charges s’estime à 2 700 euros sur la saison estivale, entre un système avec ou sans réseau collectif.

Le second impact est lié à une baisse de la tension sur le réseau d’eau potable sur lequel s’approvisionnent 70 % des éleveurs de la zone.

Le troisième est de portée écologique : amélioration du bien-être animal, restauration de berges de cours d’eau, maintien de zones humides propices à la biodiversité. La sécurité n’est pas en reste : réduire la noria des citernes permet d’éviter les accidents en secteur très touristique (marcheurs, VTT…) et, de plus, d’en baisser le bilan carbone. Enfin, la création de réserves DFCI (Défense des forêts contre l’incendie) pour les pompiers est à mettre au crédit du projet.

Un accompagnement par les collectivités à adapter

Au titre de l’accompagnement de travaux collectifs, l’objectif est fixé à 80 % de subventions publiques. L’agence de l’eau Adour Garonne n’abonde qu’à 20 %, car ce projet est en limite du seuil d’impact sur la distribution en eau potable pour prétendre à plus. Forts de ce premier apport, des dossiers complémentaires ont été déposés auprès de cofinanceurs (département, région, État). Ils ont tous plébiscité ce projet d’avenir, mais les lignes budgétaires ne sont pas adaptées, à mi-chemin entre gestion de l’eau et activité agricole. Sur la régie stricte de l’eau, les investissements pèsent lourd, notamment le coût des canalisations qui représente 70 %. L’entrée environnementale est donc aujourd’hui davantage travaillée par une mise en avant des économies collatérales, de l’impact écologique et sécuritaire pour accéder aux 60 % manquants d’aides.

Cet exemple lozérien est une illustration encourageante pour les zones montagneuses où de tels dispositifs, individuels ou collectifs, sont envisageables. Aussi, Olivier Boulat, aussi secrétaire général adjoint de la Fédération nationale bovine, milite au niveau national pour que des lignes de crédits spécifiques à ces initiatives soient incluses dans les contrats état région pour booster leur mise en place. Les tensions sur le réseau d’eau potable s’observent partout en France, surtout l’été. Le partage de l’eau entre alimentation humaine et animale est un enjeu clé.

 

 

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