Bovins : le bien-être animal, ça coûte cher, mais est-ce que cela rapporte ?
Dans un contexte où l’Europe se prépare à revoir sa législation autour du bien-être animal (1), les coopératives agricoles préfèrent prendre les devants et montrer qu’en la matière, elles agissent concrètement. Au Sommet de l’Élevage, La Coopération Agricole a organisé une conférence sur le thème « Investir dans le bien-être animal, coûts versus bénéfices ».
Dans un contexte où l’Europe se prépare à revoir sa législation autour du bien-être animal (1), les coopératives agricoles préfèrent prendre les devants et montrer qu’en la matière, elles agissent concrètement. Au Sommet de l’Élevage, La Coopération Agricole a organisé une conférence sur le thème « Investir dans le bien-être animal, coûts versus bénéfices ».
Le bien-être animal, on sait en général à peu près combien cela coûte. Et c’est souvent cher. Mais savoir ce que cela rapporte, c’est plus difficile. Pourtant, c’est l’exercice auquel s’est livrée La Coopération Agricole en organisant une conférence sur ce thème, le 2 octobre dernier, dans le cadre du Sommet de l’Élevage.
Les éleveurs investissent déjà beaucoup
Premier intervenant de la conférence : Tanguy Morel, chef de projet au sein de l’Institut de l’élevage (Idele). Spécialiste de la conception et des aménagements de bâtiments, il observe, dans les projets actuels des éleveurs, une préoccupation croissante pour le bien-être animal, en phase avec les attentes sociétales, et qui prend aussi en compte le changement climatique. Aujourd’hui, dans les nouveaux bâtiments ou ceux rénovés, les animaux ont généralement davantage de place qu’avant pour se coucher, manger, boire et faire de l’exercice, et ils sont mieux protégés contre les risques de fortes chaleurs.
Ses constatations et évaluations sont plutôt relatives aux bovins laitiers, mais beaucoup d’entre elles sont transposables aux bovins viande : « Pour un investissement dans une aire paillée, passer de 7 à 8 m² en surface de couchage par animal, c’est 120 € de plus par place. En place à l’auge, passer de 65 à 75 cm pour réduire les concurrences, c’est 200 € de plus. On observe aussi de plus en plus de constructions d’aires d’exercice (2) ; selon les cas, cela peut coûter jusqu’à 1000 € de plus par place ».
Pour faire face aux risques de pics de chaleurs en été, là aussi, le coût grimpe vite : « Un débord de toit de 2,5 m, c’est 130 € de plus par place, des ouvertures modulables comme des filets, c’est 60 € de plus, sachant qu’il faudra les remplacer au bout de dix à quinze ans ; isoler la toiture, pour couper le pont thermique, c’est 400 € de plus ». Tanguy Morel insiste aussi sur l’importance de la place aux abreuvoirs en été.
Il existe heureusement d’autres investissements moins onéreux pour lutter contre la chaleur estivale dans le cas de bâtiments existants, comme la peinture blanche des translucides, ou la plantation d’arbres ou d’arbustes autour du bâtiment (pour faire de l’ombre sans couper le courant d’air).
Moins de stress, moins de pertes
Mais quels sont les bénéfices de ces aménagements pour le bien-être ? En production laitière, on peut en avoir une idée : « On sait qu’un stress thermique engendre 1,42 € de perte directe par vache et par jour », décrit le spécialiste. L’agrandissement des surfaces mises à disposition des animaux engendre moins de problèmes sanitaires (une mammite chez une vache laitière, c’est 250 €), moins de compétitions et donc moins de domination des plus faibles. Enfin, côté conditions de travail de l’éleveur, avoir des animaux moins stressés facilite généralement les tâches qui nécessitent leur manipulation.
La limitation du stress des animaux, pour réduire les pertes et faciliter le travail des opérateurs, c’est aussi l’objectif du centre d’allotement de rassemblement de bovins de la coopérative Feder, à Venarey-Les-Laumes en Côte-d’Or. Jean-Paul Clerget, responsable matériel d’élevage, a présenté les investissements qui y ont été réalisés.
« On a travaillé le quai de déchargement/chargement, on l’a rallongé, réduit la pente, car les bovins n’aiment pas les pentes. On a travaillé nos sols aussi : les bovins viande sont très stressés par le béton. On a fait des crans, mis de la sciure. Avoir des bétons qui ne glissent plus, c’est important aussi pour les humains », partage-t-il.
Les investissements ont cherché à mettre hors de la vue des bovins tout ce qui pouvait freiner leur circulation : les regards pleins d’eau, les grilles, les lumières… Les parois ont été rendues pleines, « on aurait aimé éviter le galvanisé, en raison du bruit et de son aspect brillant, mais cela nous a été imposé pour des raisons sanitaires ».
Les bagarres, ce sont des kilos en moins
Les parcs d’attente ont été multipliés, présentant différentes tailles selon les lots, et munis de systèmes de verrouillage automatique. Autant que possible, les bovins restent avec leurs congénères d’élevage : « Les bagarres, ce sont des kilos en moins ! ».
Une attention particulière a été portée sur l’eau, « les abreuvoirs sont propres et leurs débits régulièrement vérifiés », et à la nourriture, qui est la plus appétente possible. « Notre comptable nous dit que cela coûte cher, mais un bovin qui ne mange pas en centre d’allotement, c’est 20 à 30 € en perte de poids. Les animaux doivent partir le ventre plein chez les engraisseurs ».
La contention presque « idéale » avec Bov’Adapt
La contention a été un point central de la rénovation : au côté de l’Idele, la coopérative a été l’une des chevilles ouvrières de mise au point de la cage de contention Bov’Adapt, qui assure une immobilisation sécurisée et sans stress des bovins. Cette innovation a reçu un Sommet d’Or.
L’investissement total matériel de cette rénovation s’élève à 1 million d’euros. « C’est lourd, mais on n’en fait pas tous les ans », assure Jean-Paul Clerget. Ce que cela rapporte ? Des kilos de viande en plus assurément. Mais ce n’est pas l’essentiel : car si le bien-être animal a été le point de départ de cette rénovation, celui des humains n’a jamais été mis au second plan.
Les personnels et les intervenants ont tous été consultés en amont et ont été parties prenantes du projet. « Les nouvelles générations de salariés sont plus sensibles et plus formées au bien-être animal. Aujourd’hui, ils travaillent avec moins de stress et plus de sécurité ». Dans un contexte où l’on a besoin d’attirer et de garder ses salariés dans le secteur de l’élevage, assurer le confort et la sécurité du travail des personnes, ça n’a sans doute pas de prix.
Un diagnostic interprofessionnel pour se repérer
Une grille interprofessionnelle sur l’évaluation du bien-être en centre de rassemblement a été construite par les fédérations de transport et de mise en marché au sein d’Interbev en 2020. Ce diagnostic, présenté sous forme de grille, suit le parcours du bovin dans le centre, et propose à chaque point de s’autoévaluer et, le cas échéant, de repérer les points critiques. Elle vise à être un outil pédagogique permettant à tous les intervenants de faire des points réguliers.