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Biocontrôle : la recette gagnante de Didier Vazel, vigneron ligérien

Responsable des vignes du domaine de Brizé, en Anjou-Saumur, Didier Vazel associe des produits de biocontrôle aux traitements standards, ce qui lui permet de réduire parfois de moitié les IFT hors biocontrôle. Voici son exemple de programme.

« L’important pour moi est d’utiliser le moins de produits possible et d’avoir le meilleur raisin possible », souligne Didier Vazel.
« L’important pour moi est d’utiliser le moins de produits possible et d’avoir le meilleur raisin possible », souligne Didier Vazel.
© D. Vazel

Le domaine de Brizé, à Martigné-Briand, dans le Maine-et-Loire, compte 40 hectares en AOC anjou et saumur. Il est certifié Terra Vitis depuis vingt ans. « Nous avons toujours cherché à maîtriser nos IFT, assure Didier Vazel, responsable des vignes du domaine. Depuis très longtemps, nous utilisons des biostimulants de type crème d’algues pour mettre la vigne dans de bonnes conditions et limiter les maladies. Et nous nous sommes rendu compte qu’ils ont aussi un effet éliciteur. Nous utilisons Optidose depuis plusieurs années, ce qui a encore permis de réduire nos IFT à 11-12. Et aujourd’hui, nous associons très souvent un produit de biocontrôle aux traitements standards, en réduisant la dose de la bouillie classique. » Certains produits qu’il utilisait auparavant comme biostimulants ayant été homologués comme biocontrôles, Didier Vazel les intègre désormais dans ses programmes de protection.

En 2021, année pourtant compliquée, six passages lui ont permis de protéger son vignoble, avec au final un IFT de synthèse de 6,5 et un IFT biocontrôle de 5. Pour cela, il a utilisé notamment des fongicides ayant un effet direct sur le mildiou et un effet indirect de stimulation des défenses naturelles (SDN). Après un premier passage, début mai, d’une association cuivre/zoxamide (tiers de dose) complétée d’un soufre, il a par exemple enchaîné à la fin du mois avec du LBG 01F34 (phosphonate de potassium) contre le mildiou, doublé d’un pack spiroxamine (dosée à 75 %) + soufre (3 l/ha) contre l’oïdium. « La propriété élicitrice du LBG permet de tirer sur les cadences », estime le vigneron. Il a donc attendu le 18 juin pour repasser, avec un Zorvec Zelavin (oxathiapiproline) et un Luna Sensation (fluopyram/trifloxystrobine) tous deux pleine dose, renforcés par du soufre et du LBG 01-F34. Didier Vazel a également appliqué de l’huile essentielle d’orange douce (Essen’ciel), au pouvoir asséchant, début juillet, en complément d’un Greman (tétraconazole) et d’un Prevasion (fosétyl-Al/fluopicolide), à doses pleines doses. Par ailleurs il a introduit, lors de son dernier traitement en août, Taegro, à base de Bacillus amyloliquefaciens, qui colonise les organes traités et empêche l’oïdium ainsi que le botrytis de s’installer.

À 30 % ou 50 % de la dose homologuée

« En général j’essaie d’apporter le produit traditionnel à 70 % de la dose homologuée et le biocontrôle à 30 % de la dose homologuée ou 50 % pour amplifier l’effet », commente Didier Vazel. L’emploi des produits de biocontrôle ne pose aucune difficulté. « Les premiers produits sur le marché avaient des protocoles parfois un peu compliqués, admet le viticulteur. Mais depuis deux à trois ans, tout ce qui fait le sérieux des produits phytosanitaires a été intégré au biocontrôle en termes de conditionnement, préparation, stockage. » Depuis quatre ans, Didier Vazel apporte aussi des trichogrammes (Tricholine) deux fois par an contre les vers de la grappe, en complément des trichogrammes sauvages qu’il favorise par l’enherbement de l’interrang.

« Avant cela, j’ai utilisé la confusion sexuelle, précise-t-il. Mais je n’aimais pas la gestion des diffuseurs plastiques. Avec Tricholine, il n’y a que les cartonnettes à gérer. C’est aussi moins coûteux que la confusion. Et la protection est plus longue qu’avec un insecticide, car les trichogrammes sont présents pendant trois semaines et on peut en rapporter facilement. C’est notamment plus efficace si les vols sont étalés ou décalés. Et cela permet de protéger facilement de petites parcelles. Depuis quatre ans, j’en emploie sur mes parcelles destinées au crémant, avec de très bons résultats. » L’apport des trichogrammes implique par contre d’anticiper le vol. « Je surveille la courbe dès que je commence à piéger. Si je vois qu’elle augmente, je passe commande des Tricholine que je reçois dans la semaine. »

Un peu plus de réflexion en amont

Au final, Didier Vazel est satisfait des produits de biocontrôle. « Leur efficacité est inférieure à celle des produits classiques et ils augmentent le prix de la protection, admet-il. Mais apportés en complément, ils permettent de réduire les doses des produits de synthèse. » En diminuant ces apports conventionnels d’environ 30 %, il écrase ainsi le surcoût du biocontrôle. Malgré cela, sa protection lui coûte environ 15 à 20 % plus cher. C’est le prix à payer pour utiliser moins de produits chimiques. « Je ne répercute pas directement ce coût sur le client, mais cela rend mes certifications Terra Vitis et HVE plus aisées, estime le vigneron. Et en interne les salariés apprécient, ils sont sensibles à la démarche. » Un moyen de fidéliser le personnel et de sécuriser sa main-d’œuvre ? Par ailleurs, l’utilisation du biocontrôle ne prend pas plus de temps de réalisation, mais nécessite un peu plus de réflexion en amont. « Et avec le biocontrôle, il n’y a pas de risque de résistance, souligne-t-il. Je l’utilise d’ailleurs seul certaines années, pour faire un vide sanitaire et garder les produits de synthèse au cas où j’aie un gros problème. »

En 2021, année pourtant compliquée, l’IFT conventionnel de Didier Vazel est de 6,5

Valoriser le biocontrôle par les certifications

Lors des huitièmes Rencontres annuelles du biocontrôle, organisées par IBMA France, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a exprimé l’ambition que « la France devienne le leader mondial du biocontrôle » et a détaillé les mesures de soutien au biocontrôle qui seront déployées dans le cadre du Plan France 2030. Selon une enquête menée fin 2020 auprès de 350 agriculteurs, toutes les filières utilisent le biocontrôle, en bio comme en conventionnel ; la plus avancée étant la viticulture. S’il a un coût, le biocontrôle peut permettre de mieux valoriser les productions. « La communication sur la réponse aux attentes sociétales est essentielle, a souligné Céline Barthet, présidente d’IBMA France. Les vignerons en vente directe communiquent par exemple sur la confusion sexuelle et les clients sont intéressés. Mais la notion de biocontrôle peut être compliquée à expliquer. Sa valorisation doit passer par des certifications que le consommateur connaît, comme les labels, la HVE, le bio. »

Le biocontrôle peut aussi être incontournable pour répondre à certains cahiers des charges. Et il facilite l’acceptabilité sociétale. Dans le Limousin, des arboriculteurs ont apaisé les tensions avec les riverains en publiant la liste des produits biocontrôle et autres qu’ils utilisent, et en créant une application pour prévenir les voisins qu’ils vont traiter, avec les délais d’entrée en verger. Enfin, le biocontrôle est créateur d’innovation, avec la nécessité toutefois de beaucoup de capital. « L’aval a un rôle clé à jouer, estime Thibault Malausa, de l’Inrae. On ne peut pas dire aux agriculteurs de tout changer, de prendre des risques, sans valeur ajoutée. Si l’aval développe des stratégies basées sur la durabilité, cela créera de la valeur ajoutée et motivera les agriculteurs, les investisseurs et toute la filière. »

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