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Gaël Blard agriculteur bio : « Être présent sur les réseaux sociaux aide à se dépatouiller »

Gaël Blard est agriculteur bio dans la Drôme. Ses cultures et ses brebis remplissent bien ses journées de travail. Pourtant depuis quelques années, ce passionné de matériel consacre un peu de son temps aux réseaux sociaux. YouTubeur, Instagrameur…, plus rien ne lui fait peur. Il maîtrise la communication et ses abonnés se comptent en centaines de milliers. Analyse d’une success story agricole.

Ses parents n’étaient pas agriculteurs mais, petit, il habitait à la campagne et a été très tôt attiré par les études agricoles. Installé sur une ferme de 21 ha en 2012, à la suite d’un départ à la retraite, il a converti l’exploitation en bio. Aujourd’hui, il produit des légumes et herbes aromatiques de plein champ : ail, tomates, persil, basilic, coriandre. Il cultive également des céréales, de la luzerne et une partie des terres est consacrée aux prairies. Il élève en effet une soixantaine de brebis. Autant dire que Gaël Blard est pleinement occupé par ses activités agricoles. Pourtant, l’agriculteur trouve le temps de communiquer sur les réseaux sociaux. Il aime le matériel agricole, il aime partager ses expériences, expliquer comment ça marche, montrer son métier au quotidien. Et ça plait. Aux gens du métier et aux autres. Entretien avec un pro de l’agriculture devenu également en quelques années pro de la vidéo agricole et de la communication.

Pourquoi êtes-vous sur les réseaux sociaux ?

Gaël Blard – « Quand je me suis installé en 2012, j’ai cherché beaucoup d’informations techniques pour la culture des tomates, de l’ail… Au départ, j’ai commencé à être actif sur les réseaux sociaux pour communiquer mes expériences avec les autres agriculteurs. Mais en réalisant des sondages en ligne une fois par an, je me suis rendu compte qu’une partie de mes abonnés n’étaient pas du milieu agricole. Il y a environ 30 % de grand-public parmi les gens qui me suivent. »

Sur quels réseaux sociaux êtes-vous présent ?

G. B. – « Sur YouTube principalement. A la base, c’est là que je me suis fait connaître. Aujourd’hui, j’ai 3 chaînes. « Gaël Blard agriculteur bio » fait 630 000 abonnés. La seconde, « Gaël Blard, ma vie de paysan », a environ 33 000 abonnés. La troisième chaîne est consacrée à la vente de matériel agricole. L’idée est de filmer les matériels à vendre. Les personnes envoient des vidéos et je mets en ligne. Il y a beaucoup de demandes et je n’ai pas le temps de m’en occuper. Ce sont des jeunes qui m’aident à développer cette activité. Sur Facebook, j’ai environ 15 000 abonnés. Sur Instagram, environ 30 000 abonnés, même si mon compte vient d’être supprimé pour avoir été malencontreusement considéré comme faux compte. Je suis présent aussi sur Twitter mais pas actif. Ca ne me correspond pas. Sur Snapchat, j’ai à peu près 20 000 abonnés et près de 35 000 sur TikTok. »

« Il y a environ 30 % de grand-public parmi les gens qui me suivent. »

Quel est le post dont vous êtes le plus fier ?

G. B. – « Je suis fier de tous mes post mais je dirais que c’est celui que j’ai fait l’année dernière au mois de septembre. Il restait des tomates qui n’avaient pas été récoltées mais qui ne pouvaient plus être prises par l’industriel. Je ne pouvais plus les vendre alors j’ai posté un message pour proposer aux gens de venir les récolter. Et il y a 2000 personnes qui sont venues. J’ai donné 30 tonnes de tomates grâce aux réseaux sociaux. »

Quelle a été votre meilleure audience ?

 

 

 

G. B. – « C’est une vidéo sur YouTube où je pars sur la route avec le tracteur pour livrer les oignons à un grossiste. Elle a fait 750 000 vues. Globalement, sur YouTube, la chaîne principale et la chaîne secondaire dépassent le million de vues. Sur TikTok, j’ai des vidéos qui dépassent les 3 millions de vues. Mais sur TikTok, on ne touche pas du tout les mêmes personnes. C’est un public plus jeune qui vient pour voir des outils au travail. Ca plaît aux gens qui n’ont pas l’habitude de voir ça mais il n’y a pas d’explications et on ne va rien leur apprendre. »

 

 

 

Y a-t-il un bad buzz que vous n’avez pas aimé ?

 

 

 

G. B. – « Ce n’est pas vraiment un bad buzz mais c’est lié aux réseaux sociaux. Il y a un mois ou deux, j’ai reçu une lettre anonyme disant que le bio, ce n’est pas du tout ce que je fais. Au début, ça m’a touché. Et puis j’ai réussi à le prendre au second degré. Du coup, j’ai fait une vidéo dans laquelle je réagis à cette lettre anonyme. Elle a fait plus de 100 000 vues. »

 

 

 

 

 

 

Y a-t-il un post que vous regrettez ?

 

 

 

G. B. – « Non. Je montre mon travail au quotidien mais je fais très attention à ce que je poste. J’essaie de bien expliquer ce que je fais, quand je montre le pulvé, j’explique que ce sont des oligo-éléments, que c’est comparable à l’homéopathie pour les humains. Je fais les choses intelligemment. Je ne tends pas le bâton pour me faire battre. S’il y a des pratiques qui paraissent moins éthiques, par exemple quand on me demande si un désherbage thermique c’est mieux qu’un glyphosate, j’explique. Une autre fois, j’ai expliqué pourquoi je livrais le ray-grass pour la méthanisation. Les choses s’expliquent, même si dans le milieu agricole, il est quelquefois difficile de changer les habitudes. »

 

 

 

Un post qui vous a amusé ?

 

 

 

G. B. – « Amusé, je ne sais pas. Mais une fois, j’ai fait un post un peu original. J’ai filmé les brebis dans la coriandre. Je les utilise pour nettoyer la culture. Elles pâturent en laissant de côté la coriandre.  C’est l’odeur très forte de la plante qui les repousse. Si on ne rate pas le stade et qu’on intervient juste avant la floraison, en une semaine, c’est propre. »

 

 

Le post qui vous a marqué ?

 

 

 

G. B. – « J’ai fait un forage pour pouvoir irriguer mes cultures et un compteur électrique a été installé. J’ai eu un souci avec le fournisseur d’électricité. L’installateur n’avait pas fait la programmation. Le compteur sautait. En plus, la consommation était basée sur l’estimation d’un précédent compteur qui ne correspondait pas au forage. Le fournisseur me réclamait 6000 euros. La somme devait être bloquée mais elle m’a été prélevée. J’ai fait un post pour dire que je n’étais pas content. Il y a eu rapidement 120 000 vues. Ca a eu un effet "boule de neige" et tout est rapidement rentré dans l’ordre. »

 

 

 

Le post qui vous a énervé ?

 

 

 

G. B. – « Ce qui m’énerve, c’est le matériel agricole qui ne fonctionne pas. Il y a trois ans, c’est arrivé avec un GPS. J’ai posté une vidéo et ça a fait bouger les choses rapidement. Plus récemment, il y a un peu plus d’un an, j’ai acheté une récolteuse à tomates à un constructeur italien. Sous prétexte de Covid, ils ne se sont pas déplacés pour faire les réglages. La machine refusait des tomates car il y avait des cailloux. J’ai appelé à plusieurs reprises et j’ai fini par poster une vidéo. Je m’en sers en dernier recours mais c’est là qu’on se rend compte de sa petite puissance avec les réseaux sociaux. J’ai fait le post le dimanche et le lundi matin, ils étaient là. Si j’étais Mr Toutlemonde, ça ne se serait pas passé comme ça. Être présent sur les réseaux sociaux aide à se dépatouiller. »

 

 

 

Votre modèle sur les réseaux sociaux, un exemple à suivre ?

 

 

 

G. B. – « On est tous en contact, on est même copains, on fait des projets ensemble, on essaie de s’accorder. Mais chacun fait quelque chose de différent. On ne se copie pas. »

 

 

 

« Au début, c’est compliqué de s’exposer face caméra. »

 

 

 

Quel a été votre déclic pour vous lancer ?

 

 

 

G. B. – « J’ai commencé les vidéos en 2014. Au début, je faisais des vidéos toute simples. Je filmais un outil au travail. Et puis, en 2018, j’ai fait une première vidéo, en me filmant avec mon téléphone. Je tirais l’enrouleur pour arroser les tomates en donnant des explications. C’était la première vidéo où on me voyait. De 500 abonnés, j’ai franchi le cap des 1000 et ça a continué. Je pouvais avoir 200 nouveaux abonnés par jour. J’ai compris que s’identifier à quelqu’un, ça change tout. »

 

 

 

Combien de temps passez-vous sur les réseaux sociaux ?

 

 

 

G. B. – « Ca prend vite un peu de temps. Heureusement, il y a plein de choses que je fais avec mon téléphone en travaillant, à partir de la cabine du tracteur. Avec les tracteurs équipés de GPS, c’est possible. Ensuite, il faut un peu de temps pour les montages. Globalement, je passe au moins une heure par jour sur les réseaux sociaux. »

 

 

 

Quels conseils donneriez-vous à un agriculteur qui veut se lancer sur les réseaux sociaux ?

 

 

 

G. B. – « Il faut oublier les appréhensions et y aller. Au début, c’est compliqué de s’exposer face caméra. Quand j’ai commencé, j’avais même un peu honte, mais il ne faut pas. Souvent, les personnes qui ont envie de démarrer sont freinées par la peur des réactions de l’entourage, les voisins, la famille. Moi, j’ai eu des bons retours. Quand on a envie de communiquer, il faut se lancer. Il n’y a pas besoin de gros matériel. Avec un téléphone, on fait déjà de la vidéo. On peut s’équiper à moindre coût. Ensuite, les revenus des vidéos sur YouTube participent à payer un peu de matériel. Même si ce n’est pas un revenu et qu’il ne faut pas faire ça pour ça. »

 

 

 

Sur YouTube et Facebook : Gaël Blard agriculteur bio.

 

 

 

Sur Instagram et Snapchat : Gaël Blard GBAB

 

 

 

Lire aussi notre dossier : Ils expliquent leur métier sur les réseaux sociaux

 

 

 

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