Bio N’Days
Bio : vers un essoufflement des ventes ?
La distribution de produits bio est en forte mutation. Après la crise sanitaire, les ventes en GMS ralentissent tandis que celles en magasins spécialisés s’affirment. RHD et e-commerce sont à l’aube d’un fort développement. Carrefour témoigne de son engagement pour développer le bio sur tous ses circuits de distribution.
La distribution de produits bio est en forte mutation. Après la crise sanitaire, les ventes en GMS ralentissent tandis que celles en magasins spécialisés s’affirment. RHD et e-commerce sont à l’aube d’un fort développement. Carrefour témoigne de son engagement pour développer le bio sur tous ses circuits de distribution.
Est-on arrivé à l’âge de raison du bio en GSA ? C’est la question posée légitimement par Nadège Peteuil (consultante senior pour IRI), lors d’une conférence sur les ventes de bio sur les différents circuits de distribution en 2020 et 2021 à Bio N’Days le 9 juin à Valence (Drôme). Lire aussi : La 6e édition des Bio N’Days a mis en débat les défis du bio
« On ne peut pas nier un certain essoufflement de la croissance », souligne-t-elle. Certes, la croissance du secteur en 2020 n’a pas démérité comparé à 2019 : +16,5 % de chiffre d’affaires, tous circuits de distribution confondus (+16,9% en 2019). Les consommateurs continuent à plébisciter le bio. (lire aussi article 2).
Bonne performance en GSA avec la crise mais un ralentissement qui se confirme
Côté généraliste, pour les produits de grande consommation en GSA (grandes surfaces alimentaires), le rayon bio a dépassé 6 Md€ de chiffre d’affaires, un chiffre qui a doublé en quatre ans, et une croissance annuelle toujours à deux chiffres, +13,4 % soit 730 M€ générés en plus en 2020.
En 2020, le bio a encore sur-contribué fortement à la croissance des PGC en GSA (9 % de contribution pour 5 % des ventes) mais…. 2020 marque une folle croissance du conventionnel, et même si le bio progresse encore deux fois plus vite, les trajectoires s’inversent à court terme : le bio a bondi de +13,4 % en 2020 mais a baissé de -1,4 % début 2021 (P1-P4) là où le conventionnel a progressé de +6,6 % en 2020 et a continué à 1,1 % début 2021.
« En année de crise, le bio est resté très dynamique mais la croissance a ralenti là où le conventionnel à exploser avec plus de 7 % de croissance. Le bio n’est plus contributeur de croissance », analyse Nadège Peteuil qui insiste sur l’importance de relativiser les chiffres, la comparaison se faisant avec une année hors-normes. Dans tous les cas, l’essoufflement du bio semblait déjà s’installer avant la crise. « La crise a masqué ce ralentissement car les consommateurs ont fait des achats de panique, donc sur des produits d’épicerie et acheté plus de MDD, deux catégories où le bio surperforme. »
Un essoufflement imputable à quatre facteurs : offre, rayon frais, concurrence des autres circuits de distribution, typologie des marques
Pour Nadège Peteuil, le ralentissement de la performance du bio en GSA (toujours uniquement pour les PGC) s’explique par quatre facteurs.
Primo : l’offre. Pendant longtemps l’offre a historiquement tiré le bio, surexposé en rayon. Sauf qu’aujourd’hui, la performance des produits bio est moindre. « Aujourd’hui, un produit bio a un indice de performance de 70 par rapport à son équivalent en conventionnel. Autrement dit, certains produits bio ne payent pas leur place en rayon. »
Deuxio : le rayon frais, en particulier la crèmerie, qui état un rayon de poids, tire la performance du bio vers le bas (à peine 1 % de croissance). A noter : les fruits et légumes ne sont pas comptabilisés par IRI dans ces chiffres rayon frais. Le rayon hygiène-beauté-entretien lui est très dynamique.
Tertio : la concurrence des autres circuits (lire ci-dessous). La croissance des GSS bio (grandes surfaces spécialisées bio) est passée de +12,4 à +21 % en deux ans, au dépend de la bio en GSA qui elle a chuté de +20,1 % en 2019 à + 13,4 %. En parallèle, il faut aussi noter le succès des circuits courts, et le papillonnement des consommateurs d’un circuit à l’autre. Au sein de la GSA, les différents circuits ne sont pas non plus à la même enseigne : sur le début 2021, le e-commerce explose (+31 %), là où l’hyper est à la peine (-0,6 %) et le proxi (+ 2,7 %), le super (+4,2 %) et le discount (+10,8 %) voient leur croissance décélérer.
Quarto : la typologie des marques. Le tassement est davantage marqué sur les MDD et les marques nationales du conventionnel. « Les produits des pures players -exclusivement bio- résistent et restent dynamiques, +8 % (contre +5,5 % tous PGC ; +3,5 % pour les MDD ; + 6,3 % pour les marques nationales). De même, les PME tirent davantage leur épingle du jeu alors que les grands groupes étaient auparavant les plus gros contributeurs de croissance. »
Bio en GSA : Quelles perspectives de croissance ? Quels leviers à activer ?
Selon les dernières hypothèses d’IRI, 2021 devrait se caractériser par un repli des ventes des PGC de -1,3%, dont une légère croissance de +1 % pour les PGC bio. Dans ce contexte, quel serait le positionnement gagnant pour ces produits bio ? « Le consommateur est avant tout à la recherche de produits de qualité : origine, composition, marque du produit. Le tout au bon prix, qui reste le premier frein à l’achat de bio en GSA. Il faut donc de la pédagogie des marques pour expliquer les qualités et les valeurs de ses produits, et justifier le surcoût. »
Lire aussi : Être bio seul ne suffit plus
Ventes en GSS : de nouveaux consommateurs recrutés
Constat inverse pour les GSS (grandes surfaces spécialisées) : les ventes en magasins bio spécialisés ont bondi d’environ 15 % en 2020, à 4,5 Md€ de chiffre d’affaires (contre 3,7 Md€ en 2018 et une croissance de +5,5 % entre 2018 et 2019)), selon Biotopia Insights.
Depuis le premier confinement, 22 % des consommateurs ont augmenté leurs achats bio, surtout via les magasins spécialisés. Le panier moyen est passé de 30 € avant la crise à 42 €, la fréquentation se stabilise à 27 fois par an. Les acheteurs en magasin bio font aussi moins d’achats complémentaires en GSA, surtout sur la crèmerie (fromages) et sur l’épicerie salée, qui sont déjà de gros rayons dans le bio. Les fruits et légumes restent une catégorie leader : 24 % de parts de marché en valeur de l’univers alimentaires (seulement 13 % en GMS).
GSS : la proximité, valeur sûre pendant les confinements
« Pourquoi les magasins bio ont progressé face à la GSA pendant la crise ? Parce que ce sont avant tout des magasins de proximité, analyse Loïc Danel (directeur général de Biotopia Insights). Ils sont proches de leurs acheteurs, ils n’ont jamais fermé pendant les confinements, il n’y a pas eu de ruptures d’approvisionnement. La proximité des magasins bio, géographique mais aussi relationnel, est donc stratégique Enfin, la clientèle des magasins bio est aisée et cette clientèle qui ne pouvait pas dépenser en restaurants, bars, sorties… s’est reportée sur des achats alimentaires de qualité. »
GSS : engagement et services pour conserver ces nouveaux consommateurs
Mais aujourd’hui, comment les magasins bio peuvent-ils conserver cette clientèle nouvellement gagnée ? Pour Loïc Danel, cela passe par l’engagement, la proximité et des services adaptés. « On va en magasin bio pour la qualité (pour deux tiers des consommateurs) et le choix produits : sains, nutritionnels… (pour 53 % des consommateurs). Mais le prix du panier total est la raison pour laquelle on n’y fait pas toutes ses courses (60 %). La demande de promotion est donc assez forte, notamment sur les fruits et légumes et le vrac, rayons à forte fréquentation et pourtant là où les écarts de prix entre GSA et GSS sont les plus importants. Autres services les plus demandés : une carte de fidélité valable par enseigne plutôt que par magasin, présence d’experts : naturopathe, nutritionniste, et d’un rayon à la coupe en charcuterie, traiteur.., puis la possibilité de commande par internet, de livraison. »
La GSS se lance dans les MDD
Enfin, Loïc Danel note que la MDD en magasin bio pourrait être stratégique. Outre sa forte croissance de manière générale, elle est un enjeu de communication, une manière de montrer ce qu’on fait, le travail de filière, les valeurs de l’entreprise. Autrement dit c’est une signature. La Vie Claire en a d’ailleurs fait sa stratégie et d’autres suivent désormais. « C’est aussi un enjeu pour capter de nouveaux clients : les MDD, ça rassure car c’est typique de la GMS. »
La distribution bio : un monde en forte mutation, avec l’émergence de la RHD et du e-commerce
Didier Perréol (président du Synabio et Vice-président Léa Biodiversité) l’a bien résumé : la distribution bio a beaucoup évolué ces dernières années : « En France, nous avons la spécificité d’avoir plusieurs circuits de distribution. Les magasins spécialisés, qui sont de taille de plus en plus importante avec des rayons très développé et un assortiment assez large et une concentration progressive ces dernières années avec de nombreux rachats. La grande distribution s’est développée, en multipliant par 10 le nombre références en quelques années, permettant d’accroître l’accessibilité au bio. »
Autre acteur et non des moindres : la restauration collective qui pousse aussi à démocratiser. La restauration commerciale s’y met aussi, tirée par les vins bio, et la mise en place d’un système de certification à trois niveaux. Enfin, le e-commerce, « moyen d’amener du service », a explosé avec cette année Covid.
« Il faut s’adapter à la demande des consommateurs, être souple : tous les circuits existent, nous ne sommes pas en opposition », prône Didier Pérréol.
Lire aussi : Carrefour détaille sa stratégie et ses ambitions bio pour ses différents circuits de distribution