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Betteraves traitées aux néonicotinoïdes : ce que vous devez respecter pour les utiliser

Avec les restrictions de l’arrêté néonicotinoïdes (NNI) du 5 février sur les successions culturales, des producteurs ont choisi de recourir à des semences de betteraves sans NNI, avec des proportions très variables selon les régions.

Dans les zones très touchées par la jaunisse en 2020, le recours aux NNI devrait être massif. © G. Omnès
Dans les zones très touchées par la jaunisse en 2020, le recours aux NNI devrait être massif.
© G. Omnès

Des semences de betteraves sans néonicotinoïdes (NNI) : des agriculteurs ont choisi cette option alors que ces insecticides efficaces (Cruiser SB et Gaucho 600 FS) contre les pucerons vecteurs de jaunisse sont autorisés par dérogation (arrêté du 5 février). Mais des contraintes pèsent sur les successions culturales pour le maïs, le colza ou le lin qui ont poussé des betteraviers à se passer de ces solutions.

« En Alsace, où les betteraves représentent entre 5 500 et 6 000 hectares, plus de la moitié des betteraves devaient être semées sans cette protection insecticide », précisait Ghislain Malatesta, responsable du département expérimentation et expertise régionale à l’Institut technique de la betterave (ITB), fin février. La raison : garder la possibilité d’implanter du maïs l’année suivante. 

Directeur agricole chez Cristal Union, Bruno Labilloy confirme les chiffres : « 70 à 80 % des betteraves sont suivies par du maïs. L’interdiction de cultiver cette culture dans l’année qui suit des betteraves traitées aux NNI constitue une contrainte majeure », explique-t-il.

En Normandie et dans les Hauts-de-France, d’autres cultures pèsent sur le choix des betteraviers : le lin textile n’est autorisé qu’en année N + 3 et la pomme de terre en N + 2 après betteraves traitées aux NNI. De ce fait, Ghislain Malatesta prévoyait 30 % de betteraves sans NNI dans ces régions. Alexandre Métais, responsable régional de l’ITB, nuance : « dans l’Eure, avec des infestations fortes et des rendements catastrophiques en 2020, les producteurs devraient opter pour des semences traitées à 90-95 %. En Seine-Maritime, 30 % des planteurs se passeront de NNI en 2021, en raison d’une pression pucerons faible en 2020 et bien contrôlée avec les traitements aériens ».

Dans les autres régions, les semences traitées aux NNI devraient représenter plus de 90 % des semis. Les zones au sud et est de Paris (Loiret, Champagne-Ardenne…) étaient connues comme étant peu touchées par les pucerons… sauf en 2020 où elles ont été fortement atteintes. Au final, les semences avec NNI devraient concerner 85 % des betteraves semées en France, selon Ghislain Malatesta.

En l’absence de traitement NNI, « deux solutions montrent une bonne efficacité contre les pucerons, Movento (spirotétramat) et Teppeki (flonicamide), rappelle Cédric Royer, ITB. Nous avons déposé une demande de dérogation de 120 jours comme en 2020 pour l’utilisation de l’insecticide Movento. Le produit Teppeki reste utilisable à partir du stade « 2 feuilles » pour une seule application par campagne. » L’ITB déconseille l’utilisation de Karaté K (Okapi). La majorité des pucerons verts vecteurs de jaunisse sont résistants aux pyréthrinoïdes et carbamates, et ces produits ne sont pas sélectifs des auxiliaires.

Le seuil d’intervention pour ces insecticides aériens est d’un puceron vert aptère présent sur une betterave sur dix. Le suivi de ces insectes discrets n’est pas évident. L’ITB propose l’outil Alerte pucerons, une carte interactive de la pression des pucerons vecteurs des virus de la jaunisse actualisée à la semaine. « L’an dernier, les premières infestations nécessitant des traitements ont eu lieu dans le Loiret autour du 25 avril », rappelle Cédric Royer.

Fin mars à début avril constitue la période où il est possible d’établir le niveau de risque pucerons sur les semis de betteraves. Le gel intense de février aura-t-il eu un impact sur des populations qui restaient élevées en début d’hiver ? Les livraisons de semences retardées d’une quinzaine de jours dans certaines régions auront peut-être un mérite : rendre les betteraves moins vulnérables à ces insectes grâce à des levées plus tardives et plus rapides sur des sols bien réchauffés.

Des couverts mellifères pour 4 000 hectares

« Nous avons comme objectif une implantation de 4 000 hectares de couverts mellifères, affirme Ghislain Malatesta, ITB. Les semences de ces mélanges (sainfoin, bourrache, sarrasin, trèfles…) vont être fournies par les entreprises sucrières. Ils assureront une floraison sur une période longue pour alimenter les insectes pollinisateurs. » Cela fait partie des engagements de l’interprofession de la betterave prévus sur trois ans dans un « plan de prévention » présenté au ministère de l’Agriculture. « Chez Cristal Union, nous avons un objectif de 1 600 hectares d’implantation sur trois ans, explique Bruno Labilloy, directeur agricole de la coopérative. Nous financerons les semences de bandes fleuries d’espèces mellifères via l'opération Bee Happy pour 1 200 hectares, et 400 hectares de bandes de luzernes seront non fauchés en premières coupe pour les laisser fleurir et nourrir les abeilles. »

Avis d’agriculteur - Jean-Luc Sauvage, chef de cultures dans le secteur de Péronne, Somme

« Des betteraves sans néonicotinoïdes avant maïs et colza »

« Une partie des semences de betteraves ont été choisies avec des néonicotinoïdes et une autre partie sans, en tenant compte de la succession culturale. Les 170 hectares de l’exploitation sont consacrés en partie à des expérimentations. De ce fait, les rotations culturales sont fixées sur plusieurs années, et je garde donc des cultures comme le colza ou le maïs. Sur les quatre parcelles cultivées en betteraves, une recevra du maïs en 2022 et une autre du colza après un blé en 2023. Les betteraves de ces parcelles ne seront donc pas protégées par des néonicotinoïdes mais par des insecticides aériens. En dépit de soucis de ravageurs récurrents à l’automne, je garde le colza en sa qualité de tête de rotation. L’an dernier, les betteraves ont été fortement touchées par la jaunisse. Elles ont produit 80 t/ha sur des bonnes terres alors que le rendement olympique est de 117 t/ha. Contre les pucerons, j’ai dû appliquer trois insecticides : Teppeki à 130 g/ha (21 euros) le 18 mai, Movento à 0,22 l/ha (9 euros) le 29 mai et Karaté K le 8 juin. »

170 hectares dont 60 de blé tendre, 17 de betterave sucrière, colza, orge de printemps, maïs.

Des mesures pour moins pénaliser le maïs et le colza

L’arrêté paru le 5 février introduit des mesures d’atténuation et de compensation pour permettre une culture de maïs en N + 1 ou de colza en N + 2, sous réserve de validation par l’Anses. Il serait possible de cultiver du maïs en N + 1 après des betteraves traitées aux NNI à deux conditions : la mise en place d’une bordure d’au moins huit mètres de betteraves non traitées aux NNI sur le pourtour du champ, et la culture deux années de suite d’un couvert mellifère sur une surface équivalente à 2 % de celle de la betterave traitée.

Concernant le colza, la mesure proposée pour permettre sa culture à N + 2 (au lieu de N + 3) est de consacrer au minimum 10 % de son colza à un mélange comportant au moins 50 % d’une variété précoce à floraison de type ES Alicia sur des parcelles non cultivées en betteraves traitées aux NNI depuis au moins trois ans.

Des demandes pour le lin et la pomme de terre ?

Le lin et la pomme de terre ne bénéficient pas de mesures compensatrices. « Nous souhaiterions un aménagement pour ces deux espèces pour passer le lin en N + 2 après betteraves traitées aux NNI et la pomme de terre en N + 1, explique Bruno Labilloy, Cristal Union. Le lin comporte une restriction N + 3 alors que la période de floraison est courte et qu’il n’y a pas de problématique particulière pour les abeilles sur cette culture. »

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