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Autriche : la pomme, reine de Styrie

Au sud-est de l’Autriche, la Styrie est la principale région de production de pomme entre tradition et innovation, exportation et tourisme, où le Most, un vin de pomme, revient à la mode.

Au cœur de l’Europe centrale, se trouve le royaume de la pomme. La Styrie, région du sud-est de l’Autriche, produit 78 % des pommes du pays. Très prisée des Autrichiens, qui en consomment 22 kg par an, la pomme est devenue l’un des symboles de la région et un atout touristique. Avec plus de 20 % de la production en bio, elle est à l’avant-garde du développement de l’agroécologie.

De forts écarts annuels

« Cette année, la récolte est moindre en quantité, en raison du gel tardif, mais de très bonne qualité. Les fruits présentent un bon équilibre entre douceur et acidité, très agréable au goût, et sont de belle taille », vante Herbert Muster, directeur du département Fruits de la Chambre d’agriculture de Styrie. La région a produit 121 000 tonnes de pommes de table. « D’une année sur l’autre, les variations sont considérables », précise-t-il. A côté des vergers, subsiste une agriculture traditionnelle extensive, dont l’importance économique est marginale. 65 % de la surface des vergers de Styrie est consacrée à la pomme. Plus de 2000 variétés sont cultivées en Autriche. Cependant, pour répondre à la demande du consommateur, les producteurs privilégient les variétés internationalement connues. En Styrie, Gala (27 % de la production), très demandée, a récemment dépassé sur le fil Golden Delicious. Les autres variétés les plus répandues sont Braeburn, Evelina et Jonagold, Idared et Topaz. Le « fruit historique » de la région est la variété Kronprinz Rudolf (prince héritier Rudolf) mais cède du terrain.

La pomme de tradition et atout touristique

La production styrienne de pommes couvre d’abord la demande nationale. Les bonnes années, une partie est exportée, essentiellement vers l’Allemagne et d’autres pays de l’Union Européenne, mais les mauvaises récoltes de 2016 et 2017 ont fait perdre des parts de marché à l’exportation et découragé beaucoup de producteurs. On compte en Styrie 1 120 exploitations de 0,25 ha et 1 930 pour toute l’Autriche. En dix ans, un tiers a disparu. « Beaucoup d’exploitants ne trouvent pas de successeurs. Nous estimons que dans 15 ans, 60 % des exploitations auront cessé leurs activités », regrette Herbert Muster. La taille moyenne des surfaces agricoles dédiées aux pommes (4,8 hectares) et celle des vergers (1,5 ha) augmentent, car ce sont souvent les plus gros exploitants qui se maintiennent en agriculture. Cette année comme les précédentes, des travailleurs saisonniers sont venus d’Europe de l’Est, principalement de Roumanie, pour les travaux de récolte. Ils ont été exemptés des restrictions à la circulation liées au coronavirus.

La région bénéficie de conditions propices, avec des précipitations et un ensoleillement suffisants, un climat plutôt doux, alors que le reste du pays est plus continental. La vigne, la courge et de nombreux autres fruits y sont aussi cultivés. Si la présence de vergers est attestée depuis des siècles, la pomme n’a commencé à jouer un rôle économique qu’à la fin du XIXe. La Styrie commercialise alors ses fruits dans le vaste royaume austro-hongrois. Depuis trente-cinq ans, la « Route de la pomme » fait partie de l’offre touristique de l’est de la Styrie. Elle attire des estivants venus profiter des collines vallonnées et des eaux thermales de cette terre de volcans. Créé à l’initiative d’une quarantaine de producteurs, l’itinéraire serpente entre les vergers pour mener à Puch, le « village de la pomme », où l’on se doit de la déguster dans tous ses états, du fruit au Strudel traditionnel (sorte de tarte tatin recouverte de pâte feuilletée).

La montée en gamme du cidre autrichien

Jusqu’à il y a une vingtaine d’années, le most, un vin de pomme proche du cidre français, était « une boisson de paysans, la boisson locale du pauvre », rappelle Georg Thünauer, expert en transformation des fruits à la Chambre d’agriculture. Produit dans les régions de Styrie et de Basse-Autriche, il s’obtient par fermentation naturelle des pommes pressées. Sa teneur en alcool varie entre 6 et 7 degrés. La percée de ce breuvage est le fait d’une nouvelle génération de producteurs. « Il y a eu à la fois une affirmation économique des régions et, de la part des producteurs, la prise de conscience qu’il vaut mieux transformer soi-même, plutôt que de livrer le matériau brut. » Un most de qualité se vend entre 3 et 5 euros la bouteille, et certains crus jusqu’à 10 euros. « C’est encore un prix inférieur au produit de la Basse-Autriche, qui mixte aussi de la poire et sait peut-être mieux se vendre », concède Thünauer.

« Aujourd’hui, les bons producteurs se sont spécialisés. Une cinquantaine d’entre eux, dont c’est l’activité unique, produit une boisson de très bonne qualité », précise-t-il. Leurs vergers sont souvent plus petits que ceux des producteurs de pommes de table. La vente directe, sur l’exploitation ou la consommation dans un Buschenschank familial (taverne où ils servent leur production) reste un canal majeur de la commercialisation. Le Most de Styrie peine encore à s’imposer sur les étals des négociants spécialisés et de la plus grande distribution. D’autant que la concurrence des vins blancs de la région et celle des producteurs de la Basse-Autriche voisine sont rudes. Si les Autrichiens y ont pris goût, la faveur pour cette boisson n’a toujours pas dépassé les frontières. Quelques initiatives pour se faire connaître sur la foire allemande du vin de pomme ont fait long feu. Pour les soutenir, la Chambre régionale d’agriculture a ouvert une formation de « sommelier du Most ».

A lire aussi : En Allemagne, la culture de fraises se fait moins en plein champ

Les Styriens champions de la pomme bio

 

 
Plus de 20 % des pommes vendues sont cultivées en bio sous un label national AMA-Bio Siegel plus strict que la réglementation européenne. © LKSteiermark
Plus de 20 % des pommes vendues sont cultivées en bio. La conversion des producteurs répond à la demande du consommateur national. Elle concerne toutes les variétés, Topaz et Gala en tête. Seules les Golden Delicious, trop vulnérables à la tavelure, marquent le pas. Une pomme bio se vend près de deux fois le prix d’une non-bio, mais les pertes en entrepôt sont plus élevées. Les producteurs anticipent les attaques du carpocapse en diffusant des phéromones de confusion sexuelle, et utilisent en appoint un insecticide biologique à base du virus de la granulose. Le label national AMA-Bio Siegel est plus strict que la réglementation européenne et prend en compte la production jusqu’à la recherche de résidus de produits phytosanitaires, le stockage et l’emballage.

 

En chiffres

Production de pommes 2020 en Styrie : 121 000 t (Autriche : 153 000 t)

Variétés : Gala (27 %), Golden Delicious (25 %), Braeburn, Evelina et Jonagold (7 % chacune), Idared et Topaz (5 %)

Consommation nationale : 166 000 t

1 120 producteurs de pommes de table (1 930 pour toute l'Autriche)

Superficies moyennes : SAU : 4,8 ha, vergers : 1,5 ha

Le Most devient un must

 

 
Hanna Mausser, reine du Most et son grand-père, pionnier de la valorisation de ce vin de pomme aujourd'hui redécouvert notamment par les jeunes consommateurs. © L.Monnot
Le Most coule dans les veines de sa nouvelle « Reine », Hanna Mausser, adoubée en septembre par la Chambre d’agriculture de Styrie. Sa famille s’est spécialisée dans la transformation des fruits depuis quatre générations. Son grand-père a été un des pionniers de la valorisation du vin de pomme dans les années 1980 ; son père défend la marque « Most de Styrie » avec un collectif de producteurs. Forte du titre attribué pour deux ans, l’ambassadrice, fraîchement émoulue d’un lycée agricole spécialisé, défend l’avenir du Most, qui est aussi le sien. « Les anciens ont boudé le most, qu’ils estimaient soit trop peu sophistiqué, soit trop faible en alcool. Les jeunes au contraire l’apprécient. »

 

Pour lui donner ses lettres de noblesse, les producteurs respectent certains impératifs catégoriques : une seule sorte de pommes, pressées dès le lendemain de la cueillette, une fermentation naturelle et un jus filtré avant sa mise en cuve réfrigérée. Le résultat est un élixir limpide, allant du blanc au rosé, au goût frais. 80 % du chiffre d’affaires de la famille Mausser est réalisé par la consommation sur place et le reste en vente directe. Un des défis de la Reine du Most, une fois les restrictions sanitaires levées, sera de convaincre la gastronomie, qui rechigne jusqu’à présent à payer le juste prix. « Bientôt le Most figurera à la carte des vins », veut-elle croire.

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