S’associer pour faire face aux difficultés
Tout récemment installés, Romain et Joannes, apiculteurs professionnels en bio en Ardèche ont choisi de s’associer. Après des débuts difficiles, ce binôme a appris à travailler, décider et se projeter ensemble, pour améliorer leurs conditions d’exploitation. Retour sur cette association salvatrice !
Des parcours proches
Après une courte carrière de rééducateur sportif, Romain Loiselet achète en 2016 une dizaine d’essaims, ce qui l’amène à s’installer en 2019. Joannes Boulon est lui ingénieur agronome de formation, après des emplois dans le secteur agricole, il se lance en 2016 dans un parcours d’installation qui aboutit en 2018.
Des débuts difficiles
Tous deux font ce constat : entre varroa, les pesticides, et les aléas climatiques, faire de l’apiculture son métier n’est aujourd’hui pas chose aisée, qui plus est en démarrant en bio. Les débuts sont particulièrement difficiles, car seule l’expérience sur les ruches aide à bien réagir et être plus serein face à des situations inédites. Une installation signifie aussi de trouver des emplacements, avec les premières années, une connaissance relative des ressources qu’ils offrent et des calendriers de floraison. Il faut également s’équiper, si possible progressivement pour éviter de gros endettements, donc cela signifie passer du temps à se renseigner sur ce qui est le plus adapté, et surtout passer quelques années avec un matériel prêté, sous-dimensionné ou peu adéquat.
Une fusion en route dès 2020
Après des échanges essentiellement autour des aspects techniques sur la saison 2019, Joannes et Romain décident de mettre leurs ruches en commun. Leurs cheptels sont de tailles similaires, ce qui simplifie les choses. Ils partagent le miel et les charges. Chacun a toujours son circuit de commercialisation, ses étiquettes. Mais cela n’est pas sans difficultés… En mutualisant leur outil de production, Joannes et Romain ont finalement créé une société de fait, non déclarée donc illégale. Pour la certification bio, il a même fallu camoufler ce rapprochement, ce qu’ils déplorent compte tenu des intérêts techniques que leur collaboration avait. Ainsi, après cette seconde saison d’entraide émerge l’idée d’une association : le Gaec naît en février 2021, au prix de lourdes démarches administratives. Le Rucher des Pastoureaux hiverne environ 500 colonies fin 2022 en Ardèche, certifiées AB, et produit principalement du miel, du pollen frais et quelques produits transformés. Le miel est vendu en pots, majoritairement en demi-gros par l’intermédiaire de magasins.
Travailler à deux, avec souplesse
Romain et Joannes réalisent ensemble la plupart des opérations sur les colonies. La transhumance à deux, dans le même véhicule, apporte selon eux un véritable confort de travail, et un gain de temps : en rentrant plus tôt, ils préservent leur vie de famille. Les trajets sont des moments privilégiés pour échanger. Joannes et Romain se surprennent à débriefer régulièrement de tout, à solliciter l’avis de l’autre en permanence, parfois même pour une colonie. Ces échanges les confortent et leur permettent de porter un regard commun.
Les tâches sont réparties en fonction des affinités et commodités de chacun, avec beaucoup de souplesse. Romain, habitant à côté de la miellerie, s’occupe de l’extraction, la mise en pot, l’étiquetage et la communication, tandis que Joannes, qui vit à proximité du rucher d’élevage, s’occupe davantage des opérations d’élevage et de la comptabilité de l’exploitation. Les livraisons de miel sont réalisées par l’un et l’autre en fonction de leurs anciens circuits respectifs, pour maintenir les liens construits avec leurs clients.
Afin d’assurer l’équilibre, Romain et Joannes ont fait le choix de comptabiliser leur temps de travail depuis le début. Après avoir fait un décompte horaire, ils se sont aujourd’hui tournés vers des décomptes à la demi-journée, un peu moins précis, mais plus simples et moins contraignants à suivre.
Décider à deux
Avant de se lancer dans l’aventure de l’association, il est important d’avoir conscience des enjeux relationnels et d’investir du temps et de l’énergie pour apprendre à se connaître, à s’écouter, à communiquer, à s’excuser, à se confronter. Pour Romain et Joannes, la réussite de leur Gaec est basée sur la qualité de la relation qu’ils ont construite et dont ils prennent grand soin.
Toutes leurs décisions sont guidées par la volonté de préserver avant tout leur entente. Bienveillance, lâcher-prise, respect mutuel, empathie sont autant de valeurs qu’ils entretiennent pour des espaces de paroles sereins. Ils ont par exemple pris conscience de fonctionnements différents : tandis que Joannes fonctionne beaucoup à l’intuition, au ressenti, Romain a besoin de plus réfléchir, objectiver, analyser et prévoir avant de décider. Il a donc fallu apprendre à composer avec cela au quotidien.
Ils ont instauré un temps hebdomadaire lors duquel ils partagent leur état d’esprit du moment, et planifient le travail des jours à venir en intégrant les contraintes personnelles de chacun. Avec le temps, la prise de décision est devenue plus facile. Lorsqu’un choix est acté, il est porté par les deux associés. Toute remise en question de la décision se fera à deux !
Marie Ventelon, ADA Aura
« Il est plus confortable d’être à deux, que seul, dans ce contexte économique sous tension ! »
Romain et Joannes apiculteurs professionnels associés
« Toutes nos réflexions liées à la gestion d’exploitation sont menées à deux : et c’est une chance ! À deux, on relativise plus facilement, on partage la charge mentale, on stresse moins et en plus on a une motivation accrue, née d’une volonté de se démener l’un pour l’autre. Après des années très denses, nous souhaitons aujourd’hui arriver à un rythme de croisière plus confortable. L’association va nous permettre de mieux concilier notre activité et notre vie de famille. »
Vous aussi, l’association, ça vous tente ?
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