Garantir la qualité de cire sur l'exploitation
Pour s'assurer de la qualité de cet intrant technique, certaines exploitations ont mis en place de nouvelles pratiques pour organiser la traçabilité, contrôler les niveaux de contamination et développer l’autonomie vis-à-vis de l’approvisionnement en cire.
Cyrille est apiculteur dans l’Indre et possède un cheptel de 650 colonies. Pendant les années qui ont suivi son installation, il ne produit pas suffisamment de cire pour un gaufrage en lot personnel. Dépendant d’un approvisionnement extérieur, il a dû intégrer de nouvelles pratiques dans la gestion de la cire pour préserver la santé de son cheptel. Une traçabilité minutieuse couplée à une gestion différenciée de sa cire lui ont permis de réduire la pression toxicologique liée à de la cire de mauvaise qualité.
De 2010 à 2017, il échange en partie ses opercules contre de la cire du commerce et achète le complément nécessaire au développement de son cheptel. Il introduit ainsi dans ses colonies près de 900 kilogrammes de cire de plusieurs lots contenant différents adultérants et résidus de pesticides. L’impact sur le développement de ses colonies est lourd et compromet fortement les objectifs de production de l’exploitation.
Tracer sa cire pour réagir rapidement
« À partir de 2018, une fois le problème identifié, j’ai commencé à retirer les cadres de corps contaminés - jusqu’à trois ou quatre cadres par ruche. En parallèle, j’ai mis en place un système d’identification des nouveaux cadres introduits afin de pouvoir différencier plus facilement les cadres à retirer ou à positionner en rive. Une date est poinçonnée sur le côté du cadre et un trait de peinture est posé sur la tête préférentiellement de la couleur de marquage des reines de l’année. Après cinq ans, il reste encore quelques cadres non marqués avec de la cire d’origine inconnue dans mes ruches ! », reconnaît l'apiculteur.
Ce travail fastidieux mais nécessaire est consigné méthodiquement dans le registre d’élevage : numéro de facture, date d’achat, numéro de lot, fournisseur… À ce jour, la cire utilisée sur l’exploitation provient de ses opercules et l’apiculteur conserve un échantillon de cire brute avant qu’elle ne soit envoyée chez son cirier pour gaufrage à façon.
« Je suis désormais autonome en cire. Je conserve néanmoins des automatismes. Je prends soin de marquer mes cadres l’hiver pour pouvoir intervenir rapidement sur les colonies si j’identifie un problème », précise Cyrille.
Ce dernier porte également une attention particulière à la gestion de la cire lors de son recyclage. Les cadres de corps sont automatiquement écartés du circuit apicole, seules les opercules sont utilisées pour la confection de nouvelles gaufres.
« Suite à l’introduction de gaufres de mauvaise qualité, il faut des années pour rétablir un environnement sain dans les ruches. Je renouvelle deux cadres de corps par an environ, et les anciens sont détruits par le feu, affirme Cyrille. Aujourd’hui, avec le recul, l’introduction d’une cire d’origine inconnue doit s’accompagner obligatoirement d’une traçabilité efficace. »
L’autocontrôle pour suivre la qualité de sa cire
Édouard Clavel mène un cheptel de 500 ruches en région Auvergne-Rhône-Alpes. Il produit entre 200 et 300 kilogrammes de cire d’opercules de hausses par an. Depuis 2016, il réalise des analyses régulièrement pour contrôler la qualité de ses cires avant et après gaufrage à façon.
Dans son système d’exploitation, l’apiculteur a toujours veillé à utiliser sa propre cire. Dès son installation en 2013, il regroupe sa cire avec un autre apiculteur pour avoir un lot suffisant à faire gaufrer. Puis progressivement, il devient autosuffisant.
En 2016, il observe des comportements anormaux dans ses colonies sur un lot de cire gaufrée. Les couvains sont irréguliers et préférentiellement pondus en couvain de mâles.
« Alerté par le réseau, plusieurs témoignages apiculteurs ont fait écho à mes observations. Nous avions fait gaufrer nos cires chez le même prestataire ; c’est alors que j’ai décidé de faire analyser ma cire avant et après gaufrage. J’ai donc envoyer des échantillons pour la recherche de résidus de pesticides et d’éventuelles traces d’adultération, explique Édouard Clavel. Aujourd’hui, les analyses me permettent de m’assurer de la qualité des cires introduites dans mes colonies et d’avoir confiance dans la prestation de mon cirier. »
Contrôler la qualité régulièrement est également un bon moyen d’identifier des points d’amélioration dans la gestion de sa cire. Pour conserver cette exigence, Édouard renouvelle dans chaque colonie trois à quatre cadres de corps par an. Une partie est valorisée sous forme d’essaims réservés à la vente et l’autre partie sort du circuit apicole. Il ne transforme que la cire d’opercules de hausses pour renouveler ses cadres.
« L’autocontrôle est également très intéressant pour les informations qu’il renvoie sur ses propres pratiques et l’environnement qui nous entoure. Sur la base des résultats, j’ai pu me rendre compte que la qualité de mes cires était conforme à celle attendue en agriculture biologique. Ainsi, j’ai pu conserver ma cire d’opercules pendant la période de conversion sans avoir à me fournir à l’extérieur », se réjouit l'apiculteur aujourd'hui en production biologique.
Le cadre à jambage pour davantage d'autonomie
Face aux incertitudes liées à la qualité des cires, de plus en plus d’apiculteurs ont recours aux cadres à jambage.
Le cadre à jambage consiste à positionner une traverse en diagonale d’un cadre de corps. Celle-ci devra avoir une section plus faible que les montants du cadre et devra être positionnée pour sa partie haute de sorte à laisser un espace d’environ deux centimètres en dessous de la tête de cadre. Une amorce de cire d’environ un demi-centimètre de large est souvent fixée sous la tête de cadre, mais elle n’est pas indispensable pour que les abeilles bâtissent de nouveaux rayons. Il est recommandé d’introduire ces cadres deux par deux de part et d’autre du couvain. Ainsi les abeilles auront moins tendance à bâtir des rayons dans les cadres avec des cellules à mâles.