L’hydromel, une fermentation pas si simple
Boisson ancestrale mais quelque peu oublié de nos sociétés, l’hydromel fait partie des denrées fermentées présentes dans notre alimentation aux côtés du pain, de la bière, du vin ou de la choucroute.
Boisson ancestrale mais quelque peu oublié de nos sociétés, l’hydromel fait partie des denrées fermentées présentes dans notre alimentation aux côtés du pain, de la bière, du vin ou de la choucroute.
Si certainesboissons peuvent se réaliser avec des ferments naturels comme le pain au levain, l’hydromel nécessite un suivi précis de la fermentation pour l’obtention d’un produit savoureux et de qualité ! L’hydromel souffre parfois d’une mauvaise réputation car beaucoup de gens pensent ne pas l’aimer alors que goûter un bon hydromel, c’est l’adopter !
Il existe de nombreuses recettes d’hydromel selon ce que l’on souhaite obtenir : hydromel sec, doux, liquoreux, ou bien en fonction du degré d’alcool…
Jean-Joseph Arnault, apiculteur cantalou, aujourd’hui à la retraite nous a livré tous ses secrets et nous le remercions. Il utilise environ 200 kg de miel pour une cuvée de 500 l et choisit un miel toutes fleurs ; le plus important selon lui est d’utiliser un miel bien fruité. « Le petit plus, c’est d’ajouter du miel de tilleul en fin de fermentation, à peu près 10 % du volume total. » Il est conseillé d’utiliser de l’eau de source, car le chlore freinerait le développement des levures.
1. Le pied de cuve comme levain
Pour que la fermentation démarre rapidement et que ce soit les ferments désirés qui prennent le dessus sur les autres, il faut préparer un pied de cuve, semblable à un levain. Jean-Joseph réalise son pied de cuve à une concentration de 150 g de miel par litre d’eau selon un volume correspondant à 10 % de la cuve.
2. Démarrer la fermentation, avant tout !
Les ferments endogènes au miel ne permettent pas de produire un hydromel succulent (ils produiront, la plupart du temps, un hydromel acide). L’étape clé de la préparation de l’hydromel est la fermentation, mais pour qu’elle se déroule bien plusieurs étapes préalables doivent être réalisées.
Les levures qui vont ensemencer le pied de cuve sont généralement les mêmes qui permettent la fermentation du vin. Certaines sont dites « killer » : elles inhibent le développement des levures endogènes. Il faut compter 40 g de levure déshydratée pour 100 l de moût d’hydromel (pour faire 500 l d’hydromel, il faut donc 40 x 5 g de levure). Pour les réhydrater : réalisez un mélange eau/miel, à une concentration de 50 g de miel par litre d’eau, maintenu entre 38 et 40 °C, puis ajoutez-les au pied de cuve. Le miel n’a pas tous les nutriments nécessaires au bon développement des levures, il faut ajouter les sels nutritifs : 0,25 g/l de phosphate diammonique et 0,25 g/l de bitartrate de potassium. Aussi, le mou n’est pas assez acide pour les levures : acidifiez avec 0,8 g/l d’acide tartrique. Le moût est sulfité pour le stériliser avant l’ajout des ferments.
Les levures ont besoin d’oxygène pour démarrer le processus de transformation du sucre en alcool. Jean-Joseph réalise une oxygénation importante du pied de cuve, puis du moût final avec une pompe à aquarium. Un programmateur peut être utilisé pour oxygéner le moût par alternance.
3. La préparation du moût
Le moût doit être réalisé avec de l’eau et du miel de qualité. Les quantités de miel à diluer dans l’eau varient selon le type d’hydromel souhaité. En théorie, pour 1° d’alcool, il faut 2,42 kg de miel par 100 l de moût. En pratique, Jean-Joseph constate qu’il faut un peu plus de miel par degré d’alcool souhaité. Par exemple pour son hydromel moelleux, il utilise 40 kg de miel/100 l (pour un hydromel à 17°). Certains mettent en place un débourbage pour se débarrasser du pollen, déchets de cire et autres particules présentes dans le miel qui peuvent être à l’origine du développement d’un goût désagréable dans l’hydromel. Il faut ajouter de la bentonite à un dosage de 100 g pour 100 l et soutirer. Une fois que le moût a été homogénéisé, nourri, stérilisé, voire débourbé et ensemencé avec le pied de cuve, le suivi de la fermentation est une autre étape clé de la préparation d’un bon hydromel.
4. Le suivi de fermentation
Il peut arriver que les premiers jours de fermentation, la température monte à 26, voire 27 °C, car la fermentation produit de la chaleur. Il est important, et nécessaire, qu’elle retombe et se maintienne autour des 24 °C tout au long de la fermentation. La période idéale pour réaliser l’hydromel sans avoir à chauffer ni refroidir est en septembre.
Pendant la fermentation, il est indispensable de faire des mesures au mellimustimètre tous les jours, afin de vérifier la régularité de la fermentation. Le mellimustimètre nous informe de la quantité de miel présente dans le mou. Pour ne pas altérer les arômes, la fermentation doit être régulière et lente. Une fois que la densité relevée ne baisse plus, souvent au bout d’un petit mois, on arrive à la fin de la fermentation. On peut alors ajouter du miel avant ou au moment du mutage (action qui stoppe la fermentation, souvent un sulfitage), en fonction de la densité souhaitée. Ce miel ne sera pas fermenté, il conférera un goût sucré en bouche.
5. Le soutirage et le collage
En fin de fermentation, des dépôts se forment au fond : les lies. Il ne faut pas les mélanger à l’hydromel. Un soutirage dans une autre cuve est nécessaire. L’hydromel peut ensuite être vieilli en fût de chêne pour qu’il s’enrichisse en tanins. On trouve aussi des tanins de chêne à ajouter en fin de fermentation.
Une fois la fermentation stoppée (la saturation en CO2 peut être une alternative au sulfitage), les levures sédimentent au fond de la cuve, un soutirage est de nouveau nécessaire. Un collage (sédimentation des impuretés) avec de la bentonite peut aussi être réalisé, suivi aussi d’un soutirage. Il est possible de filtrer l’hydromel avant la mise en bouteille pour obtenir un hydromel translucide comme celui de Jean-Joseph.
Comme toute fermentation, la maîtrise de tous les paramètres pour obtenir un produit constant est importante.
Bon nombre de formations existent pour maîtriser la fabrication d’hydromel de qualité, n’hésitez pas à vous former… et surtout à vous lancer. Bonne dégustation !
Le saviez-vous ?
Historiquement, l’hydromel était réalisé en septembre, car cette date correspondait aussi à la période de récolte des fruits qui permettaient de réaliser le pied de cuve. Les Bretons utilisaient des pommes et ont appelé leur breuvage le chouchen, mais on peut aussi utiliser des raisins. Ces fruits permettaient d’apporter les nutriments, l’acidification et les levures nécessaires à une bonne fermentation. Aujourd’hui, l’appellation hydromel est réglementée : seuls de l’eau, du miel et des ferments le constituent.
Préalable pour bien comprendre les étapes clés
Les levures réhydratées ensemencent le pied de cuve (ou levain), et le pied de cuve sert à ensemencer le moût de l’hydromel qui deviendra hydromel. On appelle moût d’hydromel le mélange qui deviendra en fin de fermentation l’hydromel final.