Miel de tilleul de Picardie : l’heure de la reconnaissance
Sauf imprévu, la récolte 2024 de miel de tilleul de Picardie bénéficiera d’une indication géographique protégée (IGP). Retour sur un projet initié par l’ADA Hauts-de-France.
Lancée il y a près de vingt ans, la promotion du miel de tilleul de Picardie devrait bientôt bénéficier d’une indication géographique protégée (IGP), qui distinguera ce miel monofloral sauvage typique. De couleur claire, aux saveurs fraîches et mentholées, ce miel est obtenu grâce à la forte présence du tilleul à petites feuilles (tilia cordata) dans les forêts de l’Aisne, la Somme et l’Oise, l’ancienne Picardie, d’où son nom.
Désormais reconnu par les restaurateurs et consommateurs avertis, régulièrement distingué au Concours général agricole, il a convaincu la plupart des conditionneurs français. « Des négoces y ont trouvé un intérêt. Les prix du vrac du tilleul de Picardie ont augmenté, aux alentours de 7,5 euros hors taxes par kilo aujourd’hui. Cela a permis de rendre nos exploitations plus solides, notamment grâce aux belles années de production », souligne Patrick Vandecasteele, un des pionniers dans le Nord de la démarche tilleul avec Dominique Charpentier (Oise), Didier Dubois (Pas-de-Calais), Michel Waroude (Somme) ou Philippe Patault (Yvelines). Transhumant dans l’Oise et l’Aisne, le nordiste se félicite que cette miellée permette des rendements importants : « 40 kilos par ruche ne sont pas rares ».
Pas étonnant qu’on vienne de loin transhumer dans les environs de Senlis ou Laon. Outre les apiculteurs des Hauts-de-France, la miellée attire des apiculteurs des régions Centre, Normandie, Île-de-France, Bretagne…
Si elles ne disposent pas du nombre exact de producteurs de miel de tilleul de Picardie, les associations ADA Hauts-de-France et Miels des Hauts-de-France évaluent à 100 tonnes le potentiel annuel moyen de production pour une quarantaine d’apiculteurs.
Deux associations pour une seule démarche ? L’une et l’autre sont étroitement liées. La promotion du miel de tilleul de Picardie constitue l’un des premiers chantiers de l’ADA depuis sa naissance en 2000. La demande de reconnaissance en IGP est désormais portée par son association-sœur, Miels des Hauts-de-France, appelée à devenir l’organisme de défense et de gestion (ODG) de l’IGP.
Quand plusieurs apiculteurs du nord de la France ont créé l’APPNP, devenue ADA Hauts-de-France, les professionnels étaient peu nombreux dans la région, les aléas des prix du vrac fragilisaient les trésoreries, et les jeunes installés privilégiaient le sud de la Loire. « L’apiculture du nord de la France n’était pas reconnue. Avec le tilleul de Picardie, nous avons pu attirer d’autres apiculteurs », se souvient Patrick Vandecasteele.
L’idée a rapidement bénéficié de l’appui de la chambre d’agriculture de Picardie et de sa marque Saveurs de Picardie, devenue Terroirs Hauts-de-France, et du Cari, organisation belge de service aux apiculteurs : caractérisation organoleptique, formation à l’analyse sensorielle, création d’une marque régionale et d’un cahier des charges spécifique (contrôle des ruchers, analyses des miels, dégustation à l’aveugle).
Le projet a cependant connu une période de flottement : turn-over des salariés, lourdeur des échanges avec l’Inao… Pour les bénévoles qui animent l’ADA, la charge était grande. « On était prêt à tout arrêter », se souvient Philippe Béquet, président de Miels des Hauts-de-France. Mais quand Guillaume Lecat, alors président de l’ADA, s’est vu proposer en 2017 l’aide du Groupement régional pour la qualité alimentaire (Qualimentaire), il a relancé la dynamique.
Étude de faisabilité technico-économique, comparaison des cahiers des charges et statuts d’autres ODG (Cévennes, Landes, Alsace…), l’appui de la Qualimentaire a été précieux. « Deux chargés de mission ont pris en main l’élaboration du cahier des charges et fait l’intermédiaire avec l’Inao. Grâce à eux, le projet a pris de l’ampleur », se félicite Philippe Béquet.
Les grandes lignes du cahier des charges, adoptées par l’ADA en 2020, ont été finalisées et envoyées à l’Inao début 2023. À la manœuvre, un sous-groupe de six adhérents de l’ADA Hauts-de-France s’attelle aux différents chantiers : organisation, plan de contrôle, budget, communication… Ce noyau compose aujourd’hui le bureau de l’association Miels des Hauts-de-France. Sa création, annoncée lors de l’assemblée générale de l’ADA Hauts-de-France en janvier 2023, a été saluée à l’unanimité.
Sauf imprévu, un comité national de l’Inao statuera sur la demande en octobre 2023, avant des allers-retours entre la Commission européenne et la France. Avant l’obtention formelle du signe de qualité, sans doute en 2025, les apiculteurs demanderont la Protection nationale transitoire pour labelliser la récolte 2024.
Une quinzaine d’apiculteurs de la région est actuellement engagée la démarche ADA Hauts-de-France/Terroirs Hauts-de-France. Une petite vingtaine, essentiellement des Hauts-de-France, a déjà adhéré à l’association Miels des Hauts-de-France. Une fois l’IGP obtenue, l’association table sur une trentaine de producteurs, auxquels s’ajouteront les autres opérateurs de la filière.
À SAVOIR
Contact : Association Miels des Hauts-de-France, tilleuldepicardie@gmail.com
Le tilleul et l’ADA Hauts-de-France, une histoire commune
La promotion du miel de tilleul de Picardie concourt au développement de toute la filière apicole régionale et à l’essor de l’ADA Hauts-de-France, dont les adhérents, une quarantaine de professionnels et porteurs de projet, n’ont jamais été aussi nombreux.
« La démarche collective a permis à l’asso de décrocher des financements pour un salarié, des formations, améliorant le niveau technique des adhérents de l’ADA (varroa, élevage…), tant en production de miel qu’en gelée royale », observe Patrick Vandecasteele. François-Jean Priester en est l’illustration. Installé début 2023 dans le Nord, ce trentenaire ne transhume pas encore sur tilleul, mais adhère déjà à la démarche : « Pour donner du poids à une filière qui se développe, il faut prendre part au collectif ».
Cahier des charges : les points-clés
Composition et analyse organoleptique
Le Miel de tilleul de Picardie présente un spectre composé de différents pollens. La présence de pollens de châtaignier, tilleul, ronce, marqueurs de l’aire géographique de l’IGP, est recherchée. Le tilleul lui-même produit peu de pollen. D’où l’importance de l’analyse organoleptique pour déterminer la qualité du miel : teinte claire, odeur végétale, notes fraîches et mentholées, saveur rafraîchissante, persistance.
Aire géographique
Plus de 1 500 communes couvrant l’essentiel de l’Oise, le Laonnois et Soissonnais (Aisne), le cœur de la Somme autour de l’axe Abbeville-Amiens-Montdidier.