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Méventes de miel : où en est-on après la mobilisation ?

Un apiculteur, un responsable de la coopérative Provence Miel et une étude de l’Itsap nous apportent quelques éléments de réponse sur la situation actuelle des ventes et les effets de la médiatisation.

L’année 2024 a débuté par une mobilisation importante : vous avez été nombreux à rejoindre les manifestations et barrages organisés par les syndicats agricoles, puis à organiser vos propres rassemblements, parfois très relayés médiatiquement comme celui qui s’est tenu à Lyon (Rhône) le 5 février.

Alexandre Chauvet, apiculteur dans le Puy-de-Dôme, vend son miel exclusivement à des GMS [grandes et moyennes surfaces]. Il reconnaît qu’actuellement, le miel d’Auvergne a le vent en poupe dans les rayons, et la récente médiatisation y est peut-être pour quelque chose. Après une année 2023 qui avait vu les ventes baisser, le printemps a été favorable, avec une augmentation de l’ordre de 5 % par rapport à l’année précédente, mais Alexandre doute que cela dure. Il n’utilise pas son nom sur l’étiquette, mais une marque qu’il avait fondée avec des collègues et qu’il est maintenant seul à utiliser, « les 4 apis ». « Cela me pénalise certainement ; les consommateurs cherchent le nom de l’apiculteur pour être rassurés, c’est d’ailleurs ce que mettent en avant les groupements ! » déclare l’apiculteur.

Les GMS livrées par Alexandre n’ont, de leur côté, pas réagi à la mobilisation. Alexandre explique combien les différences sont frappantes entre les enseignes, et souligne que la qualité de la relation dépend beaucoup du chef de rayon. L’apiculteur prend d’ailleurs soin de le rencontrer à chaque livraison, donc une fois par mois.

« Il est crucial de renforcer le dialogue et la collaboration avec la grande distribution et les négociants »

Patrick Molle, apiculteur à Pertuis dans le Vaucluse, est responsable du suivi des ventes pour la coopérative Provence Miel, qui réunit une soixantaine d’apiculteurs et commercialise leur miel en GMS.

Quelles conséquences la mobilisation des apiculteurs en janvier a-t-elle eues sur la commercialisation pour votre groupement ?

Patrick Molle - La mobilisation des apiculteurs en janvier n’a pas eu d’impact direct sur notre commercialisation. Nous n’avons observé ni effet positif ni changement significatif. Les manifestations ont quand même eu un impact négatif sur l’image du miel, notamment pour les miels vendus en grande distribution. Les actions médiatiques contre les miels étrangers vendus en grandes surfaces ont également entaché l’image du miel français. Ces actions ont ouvert un début de dialogue au sein de l’interprofession avec les acteurs de la grande distribution. Cela a permis aux GMS d’envisager des actions pour améliorer la qualité des produits proposés. Cet automne, des initiatives pour améliorer l’image du miel français sont prévues.

Quelle est la tendance des ventes en volume entre 2023 et 2024 ?

P. M. - Nous avons constaté une baisse des volumes de vente entre 2023 et 2024, notamment avec l’arrêt complet des ventes de miel bio. Les produits sous signe de qualité ont également été affectés. Cette année, avec les difficultés de production, la tendance continuera probablement à évoluer. Les stocks devraient diminuer, ce qui pourrait entraîner une hausse des prix.

Votre groupement a-t-il augmenté ses prix ? La grande distribution a-t-elle modifié ses marges ?

P. M. - Nous ne pouvons pas nous permettre d’augmenter les prix. Il n’y a pas de négociation avec les conditionneurs en raison de la course aux prix les plus bas. Concernant la campagne 2023, les prix ont fortement baissé, mais cela ne s’est pas reflété au niveau du consommateur final. Les conditionneurs ont du mal à négocier les prix en raison du manque d’indices de coûts de production et du système censé nous protéger. Les GMS, conscientes de la baisse des prix, imposent des baisses significatives.

Les produits dans les linéaires sont-ils plus visibles ? Les grandes surfaces mettent-elles davantage en avant les miels français ou locaux ?

P. M. - Selon certains acteurs, il y a une diminution des produits dans les linéaires, surtout des produits de qualité. La grande distribution tire les prix vers le bas, ce qui pénalise les miels français au profit des miels d’origines diverses, souvent mal indiquées. Nous espérons que la médiatisation récente conduira à des étiquetages plus clairs et à une meilleure reconnaissance de nos miels. Il est possible que l’automne prochain, nos produits soient davantage mis en avant grâce à une campagne de communication établie avec la grande distribution.

Constatez-vous de meilleures relations avec les interlocuteurs des grandes surfaces ?

P. M. - La discussion s’est ouverte à la suite des mobilisations, menant à des projets de communication pour l’automne prochain, notamment au sein d’Interapi. Cependant, les apiculteurs sont mal représentés à l’interprofession, cela limite l’impact des initiatives.

Y a-t-il des différences notables d’attitude entre les enseignes ?

P. M. - Intermarché a pris des initiatives, comme retirer les miels chinois de leurs rayons, et d’autres enseignes envisagent de suivre le mouvement. Cependant, les conditionneurs sont encore focalisés sur la vente de miels bon marché. Il est crucial de renforcer le dialogue et la collaboration avec la grande distribution et les négociants, pour améliorer la situation de manière constructive, plutôt que par la confrontation. J’invite tous les acteurs de la filière à s’investir dans Interapi pour négocier et trouver des solutions bénéfiques pour tous. Nous avons un lieu pour négocier, profitons-en.

Une offre globale de miel qui reste en hausse en France

L’Itsap a publié fin juin 2024 une analyse du marché du miel.

Les ventes de miel en recul

La consommation française de miel n’est pas connue : elle se situe sans doute entre 45 000 tonnes et 50 000 tonnes. Selon Nielsen, « le miel est à la peine en 2023 » et les achats des ménages en GMS ont baissé de 4,5 % en volume. Ce recul constitue la quatrième année de baisse consécutive des ventes de miel en GMS.

Une bonne production de miel en France et moins de miels importés

L’offre est quant à elle mieux documentée : la production de miel français a connu une nouvelle hausse en 2023 (+ 2 200 t). Les importations ont baissé de 4 200 t, mais compte tenu des stocks des apiculteurs et de la baisse des volumes exportés, l’offre globale de miel sur le marché français reste en hausse.

De plus, les prix des miels importés sont pour les principales origines en nette baisse, accentuant la perte de compétitivité absolue (c’est-à-dire la compétitivité prix) des miels français et européens, et leurs difficultés à trouver leur place dans un marché totalement saturé.

L’Itsap conclut ainsi : « On peut en déduire que le surplus accumulé chez les opérateurs, apiculteurs et conditionneurs confondus, se situerait entre 12 000 et 30 000 tonnes et que la crise de 2023 n’est pas conjoncturelle. » La fourchette de 12 000 tonnes à 30 000 tonnes vient des incertitudes sur le tonnage réellement consommé en France, en 2023 et les années précédentes.

Rédaction Réussir

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