Les zones de production de la lavande évoluent
Portées par le changement climatique, de nouvelles régions bleuissent leurs paysages agricoles en misant sur la production d’huile essentielle de lavande, offrant de nouvelles possibilités de miellées pour les apiculteurs. Mais cela a contribué aussi à une surproduction d’huile essentielle et à déséquilibrer un marché jusque-là porteur.
Culture emblématique de la Provence, la lavande est caractérisée par une floraison de plusieurs semaines en été et un fort potentiel nectarifère.
La production de lavande et de lavandin
En France, plusieurs variétés de lavande et de lavandin sont cultivées. La lavande fine (Lavandula angustifolia) est déclinée en plusieurs variétés comme la Maillette ou la Rapido. Le lavandin, lui, est un hybride stérile (qui ne produit pas de pollen) issu à l’origine d’un croisement naturel entre la lavande fine d’altitude et la lavande aspic de plaine. Les principales variétés de lavandin cultivées en France sont les variétés Grosso, Sumian, Super et Abrial. En 2022, près de 4 200 hectares de lavande fine et 2 800 hectares de lavandin sont conduits en bio, représentant 21 % de la surface totale des lavandes cultivées en France.
Les zones historiques de production de lavande et lavandin se situent majoritairement en Provence : le plateau de Valensole et les contreforts de la montagne de Lure dans les Alpes-de-Haute-Provence, la plaine d’Apt et le plateau d’Albion dans le Vaucluse, les Baronnies et l’ensemble de la Drôme provençale représentaient 90 % de la surface lavandicole française en 2022. Ces dernières années, de nouveaux bassins de production apparaissent dans le paysage français, notamment en région Centre-Val de Loire.
Comprendre l'évolution des surfaces
L’évolution des surfaces cultivées de lavande et lavandin est étroitement liée au marché français des huiles essentielles. En 2019, le prix de l’huile essentielle de lavandin atteint son maximum et dépasse les 30 €/kg. Suivant cette embellie des prix, on observe une délocalisation et une expansion rapide des surfaces cultivées, passant de 21 000 hectares en 2015 à 33 000 hectares en 2021 (+57 %). Cette augmentation des surfaces en France mais aussi à l’étranger, entraîne alors un déséquilibre du marché des huiles essentielles et une chute des prix sous la barre des 20 €/kg payés aux producteurs à partir de 2021. Comme pour le miel en vrac, le marché est atone et les stocks dans les exploitations sont importants.
L’apparition de nouvelles zones de production essentiellement en région Sud-Paca (plaines, vallées de la Durance et du Rhône) ainsi qu’en région Centre-Val de Loire ne suffisent pas à contrebalancer les arrachages dans les bassins historiques de production. En effet, les lavandiculteurs provençaux ont supprimé près de 1700 hectares de lavandes entre 2022 et 2023 sur les plateaux historiques de Valensole et d’Albion. En cause : la baisse drastique des prix de vente de l’essence causée par la surproduction, les attaques successives de ravageurs (cécidomyie, noctuelle), et la sécheresse récurrente.
Malgré tout, la France abrite près de 30 600 hectares de lavande et lavandin, et reste le leader mondial des huiles essentielles de lavandin en 2023.
Et le miel de lavande dans tout ça ?
L’évolution des surfaces cultivées et des bassins de production est suivie de près par la filière apicole. La miellée de lavande représente une production historique et majeure dans le Sud-Est : entre 40 et 60 % du miel produit en région Sud-Paca est du miel de lavande. À noter que, en accord avec la législation, le miel issu du nectar du lavandin est aussi vendu sous l’appellation « miel de lavande ».
Du côté des structures apicoles régionales, l’Adapic (région Centre-Val de Loire) et l’Adapi (région Sud-Paca) assurent le lien entre les filières lavandicole et apicole. Dans le Sud-Est, l’Adapi anime un observatoire de la miellée de lavande depuis 2009, permettant le suivi d'environ 300 colonies chaque année sur les bassins historiques de production de lavande et lavandin. Ces quinze ans d’observatoire retracent l’évolution de la production de miel de lavande en Provence en fonction de l’état initial des colonies. La dernière synthèse de l’observatoire est à retrouver en libre accès sur le site de l’Adapi.
De plus, les enquêtes sur la production de miel au niveau national et régional permettent de comparer les rendements en miel de lavande dans les différents bassins de production. Ces enquêtes concernent des effectifs très différents mais donnent une image de la tendance dans les deux régions.
Ces deux dernières saisons, la production de miel de lavande en région Paca s’est trouvée mise à mal par la conjugaison de facteurs climatiques et culturaux. La sécheresse ainsi que les attaques de ravageurs sur les plants de lavande et lavandin n’ont pas permis aux colonies provençales d’atteindre de bons rendements. Et plus globalement, les récoltes moyennes en Paca n’ont jamais été aussi élevées que celles mesurées en région Centre, où les conditions pédoclimatiques et l’absence de ravageurs ont permis de belles floraisons. Il faut toutefois souligner qu’il existe une grande hétérogénéité de rendements dans le Sud-Est et que de belles récoltes ont pu être observées dans la Vallée du Rhône en 2022 et 2023.
Commercialisation
Les nouveaux volumes de miel de lavande produits dans les régions non historiques laissent entrevoir une déstabilisation à venir du marché préexistant. Pour le moment, le miel de lavande produit en région Centre connait des difficultés équivalentes aux autres miels sur le marché de gros, même s’il tend à se faire une place chez les conditionneurs, compte tenu d’un prix attractif. Pour les exploitations produisant du miel de lavande en Paca, les labels qui protègent l’origine géographique de leur produit (IGP Miel de Provence et Label rouge Miel de Lavande) apparaissent comme des stratégies cruciales pour se démarquer.
Perspectives
À l’automne 2023 en Paca, et dans la continuité de 2022, de nouveaux arrachages importants sur les secteurs historiques ont été notés. Dans les autres zones de production, il faudra attendre les données de l’année prochaine pour indiquer la tendance.
Enfin, la filière lavandicole estime que le marché du lavandin ne connaîtra pas de sortie de crise d’ici quatre ans. Les producteurs entament la saison 2024 avec presque un an et demi de stock d’huile essentielle non vendue. De son côté, le marché de la lavande fine semble connaître de meilleurs jours, notamment grâce à la baisse de la production française et à la qualité supérieure de l’huile essentielle de lavande produite en France (source : CIHEF). Les lavandiculteurs peuvent notamment s’appuyer sur l’AOP Huile essentielle de lavande Haute-Provence, même si elle ne regroupait que 10 % des volumes de lavande fine produits en 2022 (sources : CPPARM, FranceAgriMer).
