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L’Omaa : un système de surveillance pour déclarer et recenser les troubles de santé des abeilles mellifères

Le dispositif est désormais déployé dans huit régions : en Bretagne et Pays de la Loire depuis 2017, en Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2019, en Bourgogne-Franche-Comté, Hauts-de-France, Île-de-France, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur depuis 2023.

L’observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère (Omaa) est un système de surveillance innovant dont les objectifs sont de répondre aux troubles de santé constatés et déclarés par les apiculteurs, de faire l’inventaire et l’analyse de la dynamique spatio-temporelle des mortalités et des affaiblissements des colonies d’abeilles domestiques, d’identifier les cas groupés et de lancer des alertes.

Dans ces régions, les apiculteurs et toute autre personne constatant un événement de santé dans un rucher sont invités à contacter rapidement par téléphone un guichet unique régional de l’Omaa. Un interlocuteur, disponible sept jours sur sept et formé en apiculture et en pathologie apicole, prend en charge les appels, réalise une première expertise, enregistre les déclarations et oriente les cas vers les dispositifs de surveillance adaptés. Une visite sur le rucher peut ainsi être mise en œuvre via le dispositif de surveillance des maladies réglementées, le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës d’abeilles adultes (MMAAA) avec suspicion d’intoxication ou le dispositif de surveillance des « autres troubles ».

La mise en œuvre des deux premiers dispositifs relève de la responsabilité de l’État qui mobilise ses agents et/ou missionne des vétérinaires pour réaliser le diagnostic différentiel dans les ruchers et pour conduire des enquêtes épidémiologiques et environnementales. Les visites du dispositif des « autres troubles » sont réalisées par les fédération régionale des groupements techniques vétérinaires (FRGTV) qui s’appuient sur un réseau de vétérinaires investigateurs et de techniciens sanitaires apicole (TSA). Les investigations et les analyses de laboratoire (si éligibles) sont gratuites pour les apiculteurs qui déclarent à l’Omaa (sans limite pour les deux premiers dispositifs de surveillance et jusqu’à trois visites par an pour les apiculteurs de plus de 200 ruches pour le dispositif de surveillance des « autres troubles »).

Les informations récoltées via les déclarations et les visites permettent d’alimenter l’Omaa pour une valorisation collective des données (voir figure 2). Même si des spécificités organisationnelles régionales existent, l’observatoire est structurant et permet de compléter, consolider ou créer des liens entre les différents acteurs impliqués en apiculture (fédération régionale des groupements de défense sanitaire/groupements de défense sanitaire [FRGDS/GDS], associations sanitaires apicoles départementales, organisations apicoles, associations de développement de l’apiculture [ADA], direction départementale en charge de la protection des populations [DDecPP], service régional de l’alimentation [SRAL], vétérinaires, technicien sanitaire apicole [TSA]…).

Bilan des déclarations de troubles de santé à l’Omaa

Depuis 2017, plus de 3 800 déclarations téléphoniques à l’Omaa ont été enregistrées (voir figure 3, données consolidées au 30 novembre 2023). Parmi celles-ci, 81,3 % (n = 3098) ont été orientées vers le dispositif de surveillance des « autres troubles », 10,5 % (n = 399) vers le dispositif de surveillance des maladies réglementées (principalement liées à des déclarations de suspicion de loque américaine et aux enquêtes épidémiologiques associées) et 8,2 % (n = 313) vers le dispositif de surveillance des MMAAA avec suspicion d’intoxication. Dans le cadre du dispositif de surveillance des « autres troubles », plus de 1 000 visites sur les ruchers ont été mises en œuvre à la suite des déclarations (34,4 % des déclarations, n = 1066).

L’analyse détaillée par le groupe de suivi Omaa de la plateforme d’épidémiosurveillance en santé animale de 2 504 déclarations de troubles constatés entre 2017 et 2021 en Bretagne, Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes a mis en évidence les éléments suivants :

Plus de 80 % des déclarations ont été réalisées directement par les apiculteurs. D’autres ont été effectuées par des vétérinaires, des TSA ou des agents d’une DDecPP et correspondaient par exemple à des troubles constatés lors de visites réalisées dans le cadre des programmes sanitaires d’élevage (PSE) ou de visites de police sanitaire effectuées dans les zones réglementées. Concernant les déclarations orientées vers le dispositif de surveillance des maladies réglementées, pour 149 déclarations en Bretagne et en Pays de la Loire : 88,6 % correspondaient à une suspicion de loque américaine, 6,7 % à une suspicion de nosémose à nosema apis, 4,7 % à une suspicion d’aethina tumida. L’ensemble des déclarations a été pris en charge et des visites sur les ruchers ont été réalisées. Toutes les suspicions d’aethina tumida ont été infirmées.

Parmi les troubles orientés vers le dispositif de surveillance des MMAAA, plus de 70 % ont été constatés entre avril et juin inclus (voir figure 4), période de plus forte utilisation de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif est mis en œuvre par les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), qui ont pu engager pour certaines déclarations des enquêtes environnementales autour des ruchers et sur les zones de butinage des colonies. Chaque année, des intoxications d’origine environnementale sont caractérisées et parfois associées à des utilisations non conformes de produits phytopharmaceutiques.

Des actions de communication, des suites administratives et/ou judiciaires sont régulièrement engagées en fonction des résultats et conclusions des investigations réalisées. Concernant les déclarations orientées vers le dispositif de surveillance des « autres troubles » en Bretagne et en Pays de la Loire, les problèmes les plus fréquemment identifiés par les répartiteurs à la fin de l’échange téléphonique étaient la mortalité (62,8 % des déclarations) avec des abeilles mortes à l’intérieur ou à l’extérieur de la ruche ainsi que des ruches vides, des anomalies de couvain (19,3 % des déclarations) et des anomalies de développement de la colonie (19,3 % des déclarations).

Identification de phénomènes anormaux (cas groupés) dans le cadre de l’Omaa

Dans les trois premières régions à avoir déployé l’observatoire (Bretagne, Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes), les visites de ruchers ont conduit à l’identification de cas groupés de famine, d’infestations à varroa, de viroses, de loque européenne ou encore d’intoxications. À l’échelle régionale, la détection de ces phénomènes a permis de lancer des alertes immédiates auprès des apiculteurs visant à augmenter leur vigilance et faciliter la prévention. Des restitutions orales organisées chaque année par les régions pilotes ont également permis d’assurer un retour d’informations auprès des organisations et apiculteurs de ces territoires.

L’OMAA est un système à disposition de tous les apiculteurs, qu’ils aient une activité de loisir ou qu’ils soient professionnels. Tous sont ainsi invités à déclarer systématiquement à l’OMAA les troubles observés sur leurs ruchers pour apporter des réponses individuelles sur ce qui impacte leurs colonies, mais aussi pour participer à une meilleure compréhension de l’origine des troubles de santé de l’abeille mellifère.

Côté pratique

Déclarer des troubles de santé au guichet unique de l’Omaa de votre région

Auvergne-Rhône-Alpes : 04 13 33 08 08

Bourgogne-Franche-Comté : 03 62 02 28 20

Bretagne : 02 44 84 68 84

Hauts-de-France : 03 62 02 08 02

Île-de-France : 01 86 86 00 25

Occitanie : 05 31 60 91 91

Pays de la Loire : 02 41 69 80 69

Provence-Alpes-Côte d’Azur : 04 83 43 33 49

Côté biblio

Adeline Alexandre, Brigitte Barthelet, Samuel Boucher, Sophie Carles, Axel Decourtye, Émilie Delmar, Céline Dupuy, Florentine Giraud, Marion Guinemer, Marion Laurent, Agnès Ménage, Muriel Orlowski, Maryline Pioz, Cédric Sourdeau, Vincent Vanharen, Alain Viry, Sébastien Wendling. 2022. Analyse des déclarations de troubles de santé à l’observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère (2017-2021).

Maud Belliard, Mannaïg De Kersauson, Émilie Delmar, Céline Dupuy, Caroline Lantuejoul, Marion Laurent, Agnès Ménage, Maryline Pioz, Cédric Sourdeau, Gérald Tondreau-Therville, Sébastien Wendling. 2023. Bilan des déclarations de troubles de santé à l’Observatoire des Mortalités et des Affaiblissements de l’Abeille mellifère (2017-2021) et perspectives 2023.

Côté web

Rendez-vous sur la plateforme ESA en flashant ce code :

Exemple de cas groupés d’intoxication dans les Pays de la Loire

Des cas groupés d’intoxication ont été mis en évidence en 2022 dans les Pays de la Loire : trois déclarations ont été enregistrées à l’Omaa dans un rayon de 20 km avec des mortalités d’abeilles adultes au pied et au fond de ruches. Deux déclarations enregistrées rapidement ont été orientées vers le dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës, une déclarée tardivement a été orientée vers le dispositif de surveillance des « autres troubles ». Les trois ruchers ont pu être visités. La mortalité concernait les abeilles adultes mais aussi le couvain. On notait une obstruction de certaines entrées de ruche par les cadavres, illustrant l’aspect aigu et massif de la mortalité. Les analyses réalisées ont mis en évidence les trois mêmes pyrèthres dans les abeilles prélevées, à l’état de traces pour le cas déclaré tardivement et à des taux confirmant l’intoxication pour les deux autres cas. Les pyrèthres sont des insecticides qui entrent dans la composition de différentes catégories de produits, autorisés pour divers usages et pour ce qui relève de la protection des végétaux dans les jardins, en biocontrôle ou en agriculture biologique.

Un des enjeux majeurs de l’observatoire est ainsi, collectivement, à partir des constats de terrain réalisés par les apiculteurs et à l’échelle des territoires, de mieux comprendre l’influence des différentes menaces et facteurs de stress, dont toxicologiques, qui impactent l’état de santé des colonies, qu’ils puissent agir seuls, en compétition ou en synergie.

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