Le nouvel arrêté pour la protection des pollinisateurs pendant la floraison en milieu agricole
Le nouvel arrêté du 20 novembre 2021 vise à limiter au maximum l’exposition des butineuses aux traitements phytosanitaires, en modifiant les dispositions de leur mise sur le marché et d’utilisation des produits phytopharmaceutiques pendant la période de floraison des cultures attractives et sur les zones de butinage.
Force est de constater que les abeilles et autres pollinisateurs sont exposés à une grande diversité de substances chimiques utilisées sur les parcelles agricoles. Ces cocktails peuvent provoquer des effets délétères sur la santé des abeilles qui sont difficiles voire impossible à prévoir.
Les évolutions de la réglementation en faveur des abeilles
L’ensemble des produits phytopharmaceutiques (insecticides, acaricides, fongicides, herbicides et adjuvants) sont concernés, qu’ils soient utilisés en agriculture conventionnelle ou biologique, alors que le précédent arrêté du 28 novembre 2003 ciblait seulement les insecticides et acaricides. Pour une demande d’usage d’un produit sur des plantes en fleurs attractives, l’évaluation du risque réalisée par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sera renforcée par des tests officiels complémentaires pour s’assurer de l’absence d’effets inacceptables vis-à-vis des abeilles.
L’étiquetage du produit portera alors une mention autorisant le traitement pendant la floraison afin de restreindre les conditions d’utilisation. Il est à noter que l’étiquetage « mention abeilles » issue de l’arrêté de 2003, et autorisant l’application de certains insecticides et acaricides en floraison mais en dehors de la présence d’abeilles et/ou de production d’exsudats, cohabitera transitoirement avec les nouvelles règles d’étiquetage jusqu’à la réévaluation des produits.
Par ailleurs, pour les produits autorisés pendant la floraison, le nouvel arrêté définit une plage horaire de traitement de 5 heures en fin de journée. Les produits doivent être appliqués dans les deux heures avant et dans les trois heures après le coucher du soleil. Des dérogations à cette contrainte horaire sont possibles dans le cas de la lutte obligatoire contre les organismes nuisibles réglementés, de bioagresseur exclusivement diurne, ou d’incompatibilité de lutte contre des maladies fongiques dans la plage horaire définie dans l’arrêté.
En revanche, ce qui ne change pas par rapport à l’arrêté de 2003, c’est l’obligation de rendre non attractif, par fauchage ou broyage, le couvert végétal fleuri présent sous une culture pérenne avant tout traitement insecticide ou acaricide.
Quel impact pour les apiculteurs ?
Cet arrêté affiche la volonté de réduire l’exposition des butineuses et de maintenir leur bonne santé avec l’interdiction d’utilisation de produits à risque pendant la floraison. Ainsi l’évaluation du risque sera renforcée et l’obligation de traitement en fin de journée pendant la plage horaire définie devrait permettre de protéger les abeilles. L’arrêté a repris ainsi les recommandations de l’Anses en considérant la luminosité, et non un seuil de température, comme seul critère pertinent pour garantir l’absence d’activité des abeilles dans les zones de butinage.
Déroger à cette règle en cas d’impasse technique n’est pas simple car cela implique de justifier devant un contrôleur les raisons pour lesquelles la contrainte horaire ne pouvait pas être respectée. Il existe donc un risque juridique pour l’utilisateur. Il est par contre trop hasardeux d’avancer que la qualité de leur alimentation sera mieux protégée à travers une diminution de la contamination des nectars et des pollens collectés.
L’arrêté abeilles, c’est l’affaire de tous !
Une nouveauté de l’arrêté réside dans le public concerné par son application. Si ce texte s’adresse sans surprise aux fabricants de produits phytopharmaceutiques et aux utilisateurs, il est plus surprenant de voir mentionner aussi les bénéficiaires du service de pollinisation, c’est-à-dire l’ensemble des concitoyens. L’application de cet arrêté est donc l’affaire de tous et s’inscrit dans l’esprit de la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages sous le contrôle de l’Office français de la biodiversité (OFB). Les apiculteurs peuvent également participer à la surveillance en déclarant tout événement de santé constaté sur leurs ruchers auprès de l’Observatoire des mortalités et des affaiblissements de l’abeille mellifère (OMAA).
Quelques définitions
Zone de butinage
La zone de butinage désigne tout espace agricole ou non présentant un intérêt manifeste pour les abeilles ou d’autres insectes pollinisateurs du fait de la présence de fleurs ou d’exsudats. Ainsi, la zone de butinage recouvre à la fois la parcelle (les bandes fleuries, les interrangs, les couverts d’intercultures…), mais aussi les bords de champs, les tournières… Au sens de l’arrêté, cette zone est définie comme pouvant faire l’objet de traitement (ex : herbicide).
Cultures attractives
Une culture est considérée comme attractive si elle n’est pas mentionnée dans la liste des cultures non attractives annexée au texte réglementaire. Cette liste est évolutive et pourra faire l’objet de modifications. À ce jour, elle contient les cultures suivantes : les céréales à pailles, les autres cultures céréalières (hors sarrasin et maïs), les graminées fourragères (dont moha et ray-grass hors maïs), houblon, lentille, pois, pomme de terre, soja et vigne.
Côté biblio
Texte officiel : legifrance.gouv.fr
Guide « Mortalités massives aiguës et affaiblissements de colonies : comment réagir ?» : adafrance.org
«Les zones de butinage vers un sanctuaire pour les pollinisateurs » : itsap.asso.fr/articles