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La silphie, une culture mellifère d’avenir ?

Le potentiel mellifère de la silphie a été revendiqué par plusieurs distributeurs de semences mais peu d’études existent à ce sujet. Zoom sur cette plante encore peu exploitée par les agriculteurs en France.

Une culture aux débouchés agricoles nombreux

Délaissée au profit du maïs et en raison d’autres difficultés culturales, elle est très peu cultivée et étudiée jusque dans les années 2000. Pourtant, des études récentes ont montré de nombreux avantages agronomiques et écologiques en plus d’une grande diversité de débouchés tels que la méthanisation, le fourrage, les huiles, les granulés grâce à ses propriétés médicinales. Aujourd’hui, c’est en Allemagne que la culture de la silphie est la plus développée avec environ 8 500 hectares en 2020. En France elle occupait près de 750 hectares en 2020 et il y en aurait 3 000 en 2021.

Elle préserve les sols

Une fois implanté, aucun travail du sol n’est nécessaire. La qualité du sol est augmentée. En tant que culture vivace, la silphie limite l’érosion.

Elle n’utilise peu ou pas d’intrants

En comparaison du maïs, les besoins de la silphie en fertilisation azotée sont moins importants, même si elle reste indispensable pour obtenir de hauts rendements. Grâce à sa couvrance optimale du sol et sa résistance aux maladies et ravageurs, l’application de produits phytosanitaires n’est pas ou peu nécessaire.

Elle engendre une production de biomasse précoce

Le développement de la silphie commence tôt au printemps ce qui permet une production de biomasse importante avant la période estivale. Ses besoins en eau durant cette période devraient donc être moins importants que les cultures annuelles d’été comme le maïs.

Elle favorise la biodiversité

En préservant la qualité du sol, la pédofaune (faune du sol) est favorisée. La silphie est une plante qui est promue comme ayant un haut potentiel mellifère favorisant les pollinisateurs en particulier les abeilles domestiques. Les feuilles en forme de cônes peuvent servir d’abreuvoir après un épisode de pluie. Plante non invasive : peu de risque d’invasion sauf en milieu humide. Ressource fourragère : ressource alimentaire complémentaire lors des sécheresses estivales pour le bétail.

Coût d’implantation élevé et conditions de récolte exigeantes

Pour l’implantation, il faut compter entre 1600-1800 euros par hectare.

La première récolte n’est possible qu’à partir de l’année suivant celle de l’implantation. La fauche des fleurs précoces est nécessaire pour optimiser les rendements limitant ainsi la ressource mellifère disponible pour les pollinisateurs. Qualité fourragère moyenne : il est conseillé de l’utiliser en affouragement en vert car la silphie ne serait pas adaptée à l’ensilage. Production de biométhane : inférieure à celle du maïs. Difficultés culturales lors de l’implantation. Besoins en eau similaires au maïs : contrairement aux idées reçues la silphie a de grands besoins en eau pour se développer dans les bonnes conditions.

Un potentiel mellifère en fonction des pratiques agricoles

Selon une étude allemande, il a été démontré que la quantité de pollen et de nectar par inflorescence diminuait avec l’augmentation de la ramification des tiges. Par contre, la production de pollen et de nectar totale est plus importante en août en raison du nombre élevé d’inflorescences par plante à cette période.

La production de nectar, et donc de miel, est optimale lorsque la culture est récoltée après floraison et lorsqu’elle est en place au minimum pendant cinq ans.

Le potentiel mellifère diminue lorsque deux récoltes sont réalisées et lorsque la silphie est récoltée à la mi-floraison.

Sans irrigation, le potentiel mellifère diminue. Par exemple, un suivi en Allemagne en 2014 a estimé un potentiel mellifère de 58 kilos par hectare en parcelle irriguée contre 20 kilos par hectare en non irriguée.

Suivant la fertilisation, le développement de la plante est variable pouvant potentiellement impacter la quantité de nectar disponible.

Les caractéristiques du miel de silphie

Le miel est de couleur brun rougeâtre, sa cristallisation est lente et peut donc être liquide ou crémeux et la teneur en eau se situe entre 18 et 20 %. Il est vendu en moyenne à 18 euros le kilo. Le nectar est composé de 48 % de fructose et de 40 % de glucose. Le pollen et le nectar de silphie ont un taux élevé de certains acides aminés, en particulier l’histidine, ce qui est bénéfique pour les pollinisateurs. A contrario, la quantité totale d’acides aminés est relativement faible comparé à d’autres plantes mellifères.

Carte d’identité de la silphie

Nom commun : Silphie perfoliée

Nom latin : Silphium perfoliatum L.

Type de plante : Herbacée vivace

Famille : Astéracées

Origine : Amérique du Nord

Durée de vie : 10 à 15 ans

Hauteur : 2 à 3 m

Floraison : Les fleurs apparaissent 2 ans après le semis. La floraison est étalée entre fin juin et fin septembre et dure 2 mois en moyenne.

Rendements : 13,3 tonnes de matière sèche par hectare (tMS/ha) mais allant de 5 à 25 tMS/ha avec 1 à 2 récoltes par an

Quelques résultats de suivis apicoles issus des ADA en 2022

En Grand Est, lors d’une première année de floraison et pendant une période de sécheresse importante en 2022, la silphie n’a pas montré de potentiel mellifère très conséquent. Très peu de rentrées de pollen et de nectar ont été observés parmi les six parcelles suivies, ce qui a limité les analyses, le nectar n’a pas suffisamment pu être identifié comme étant de la Silphie pour pouvoir être analysé en laboratoire. Les conditions météorologiques de l’année 2022 en Grand Est ne permettent donc pas d’obtenir de données scientifiques de qualité.

A contrario, en Bourgogne-Franche-Comté, la silphie s’est bien développée pour une première année de floraison en pleine sécheresse ce qui a permis d’observer une prise de poids de 5 kilos sur le rucher suivi. Il n’a pas été possible de récolter ce miel pour l’analyser. Cette miellée a permis d’émettre l’hypothèse suivante : « l’augmentation de poids des colonies a été permise grâce à la présence de silphie dans l’environnement près des ruches ».

En résumé, il peut déjà être constaté que la silphie ne répond pas à tous les besoins des pollinisateurs mais offre une ressource complémentaire idéale lors de période de disette estivale. Elle pourrait permettre à l’apiculteur d’éviter de nourrir ses colonies pendant cette période critique.

Les résultats obtenus semblent cependant, très éloignés des promesses de « fort potentiel mellifère » estimées par la littérature et les distributeurs de semences. Il est donc nécessaire de continuer à collecter des données sur cette culture. L’ADA GE et l’ADA BFC réitèrent leurs suivis en 2023 avec un protocole plus complet pour tenter de répondre à ces questions et un projet national en partenariat avec les chambres d’agricultures est en cours de montage afin d’étudier tous les critères de la plante : mellifère, méthanisation et fourrage.

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