Analyser l’épizootie H5N8 pour mieux se préparer
La chaire de biosécurité de Toulouse décortique l’épidémie de H5N8 de 2016-2017 pour élaborer des méthodes qui permettront de mieux combattre les foyers à venir et d’éviter une troisième épizootie.
La chaire de biosécurité de Toulouse décortique l’épidémie de H5N8 de 2016-2017 pour élaborer des méthodes qui permettront de mieux combattre les foyers à venir et d’éviter une troisième épizootie.
Outre l’étude des pratiques de biosécurité individuelle, la chaire de biosécurité aviaire de Toulouse se penche sur la compréhension de la propagation des virus influenza. Elle a étudié l’épizootie H5N8 de 2016-2017 à l’échelle régionale. Présentée au Space(1), sa démarche rétrospective vise à identifier et hiérarchiser les facteurs de risques (oiseaux d’élevage, avifaune, personnel…) et à reconstituer des chaînes de transmission dans une dynamique spatiale et temporelle. « Cette approche permet de refaire le film de l’épizootie et de construire des scénarios d’abattage (voire de vaccination) dans un contexte donné de propagation du virus », explique Jean-Luc Guérin, responsable à la chaire. Il a été confirmé qu’il existe des groupes de foyers (les « clusters ») épidémiologiquement reliés. L’analyse a montré que la vitesse de progression du front d’infection d’Est en Ouest était subitement passée de 3 à 10 km par semaine, avec une moyenne à 5,5 km par semaine. Plusieurs paramètres ont interféré, comme la densité des élevages et l’évolution des mesures sanitaires des pouvoirs publics (mouvements liés à des abattages intensifs). Une simulation de Météo France a permis d’écarter l’hypothèse de l’influence du vent dans la flambée des foyers du début de février 2017. Les masses d’air évoluaient d’Ouest en Est et les foyers d'Est en Ouest. « Les mouvements d’aérosols chargés de virus ne peuvent pas majoritairement expliquer l’évolution des foyers sur de grandes distances. En revanche, leur rôle a été démontré localement sur quelques dizaines ou centaines de mètres, notamment par l’Anses. »
Focaliser les moyens sur les zones les plus à risques
Il est prévu d’établir des cartes de risques en fonction des densités en palmipèdes, des transports d’oiseaux, du réseau hydrographique (risque avifaune sauvage) et d’autres critères. De nombreuses variables explicatives ont été explorées. Beaucoup plus que la proximité d’oiseaux aquatiques, la sortie des canards gavés est un important facteur explicatif des foyers, peut-être en lien avec l’introduction de cages vides déjà contaminées. « Cela permettra d’identifier les zones à risque plus élevé où il faut agir en priorité par la surveillance et peut-être préventivement en réduisant les mises en place de volailles », note le responsable à la chaire. Pour affiner le rôle des mouvements dans l’apparition des foyers et la propagation des virus, la chaire travaille aussi sur les réseaux de flux géographiques de canards, à partir de données sur les points de départ et d’arrivée. Il ressort que certains voies de circculation sont plus denses et pourraient donc représenter un risque plus élevé. « Si un foyer se déclenchait dans tel ou tel secteur, cette approche cartographique permettrait de préciser où aller prioritairement faire une surveillance active. Elle peut également être un outil précieux d'aide à la décision pour les responsables professionnels », souligne Jean-Luc Guérin.
(1) Intervention dans le cadre de la matinée d’actualités pathologiques organisée par l’association mondiale vétérinaire d’aviculture et le journal Filières avicoles. Auteurs : Jean-Luc Guérin, Claire Guinat, Jean-Pierre Vaillancourt et Mathilde Paul.