Agriculture : quels sont les enjeux d’une adhésion de l’Ukraine à l’UE ? Les réponses de l’Iddri
L’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) vient de publier un rapport intitulé « Le secteur agricole ukrainien : présentation et enjeux à l’aune d’un éventuel élargissement de l’Union européenne ». Plusieurs pistes de réflexion sont proposées.
L’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) vient de publier un rapport intitulé « Le secteur agricole ukrainien : présentation et enjeux à l’aune d’un éventuel élargissement de l’Union européenne ». Plusieurs pistes de réflexion sont proposées.
Le rapport de l'Iddri qui présente dans un premier lieu le secteur agricole ukrainien, rappelle que ce dernier est central dans l’économie du pays : il représente 10 % du PIB, près de 15 % de l’emploi et 40 % des exportations. Il fait d’ailleurs remarquer que le développement rural en Ukraine est intimement lié à celui de l’agriculture, qui reste la principale source de revenus pour les habitants des zones rurales, où vit un tiers de la population.
Des micro-fermes de semi-subsistance aux…
Quant à la taille des fermes, le rapport explique que les statistiques officielles ukrainiennes distinguent les exploitations agricoles enregistrées comme entreprises commerciales et les micro-fermes de semi-subsistance, organisées autour du ménage et ne faisant pas l’objet d’un enregistrement. Selon lui, il y a, en Ukraine, entre 4 et 5 millions de micro-fermes qui réalisent 32,1 % de la production du pays. Elles cultivent près d’un cinquième des terres et font, pour la plupart, moins d’un hectare.
… agro-holdings de plusieurs milliers d’hectares
Les entreprises commerciales agricoles assurent pour leur part 67,9 % de la production, soit une augmentation de plus de six points depuis 2015. Dans cette dernière catégorie, il y a les exploitations familiales comprises entre 50 et 100 hectares et les agro-holdings qui peuvent regrouper plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’hectares. Les dix plus grosses holdings contrôlent 2,6 millions d’hectares, soit 8 % des terres arables ukrainiennes.
Déclin des exploitations familiales
Selon l’Iddri, on note depuis 2014 une revalorisation de l’agriculture de semi-subsistance et un déclin des exploitations familiales au profit des agro-holdings. L’institut fait remarquer que les personnes de nationalité ukrainienne peuvent acheter jusqu’à 100 hectares de terres et, depuis le 1er janvier 2024, les sociétés ayant un siège social en Ukraine (sans possibilité d’entrée au capital pour les investisseurs étrangers) sont également en mesure d’acheter jusqu’à 10 000 hectares de terres agricoles.
Les Pays-Bas, premier importateur européen de produits ukrainiens
En 2021, l’UE importe principalement des oléagineux d’Ukraine (54 % en valeur) et des céréales (25 %) souligne la rapport qui note que les Pays-Bas sont le principal importateur de produits ukrainiens en Europe devant l’Espagne et l’Italie qui totalisent à eux trois la moitié des importations ukrainiennes à destination du Vieux continent.
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Les négociations entre l’Ukraine et la Commission européenne ont débuté les 25 juin dernier
« L’évolution des mesures et justifications adoptées par la Commission depuis l’invasion russe en Ukraine témoigne du paradoxe dans lequel se trouve l’agriculture européenne : elle est d’une part dépendante des importations de céréales et d’oléagineux en provenance d’Ukraine pour nourrir son cheptel ; d’autre part, les exploitations européennes sont structurellement moins compétitives sur certaines denrées agricoles et redoutent la concurrence ukrainienne » affirme le rapport qui rappelle que le 28 février 2022, soit quatre jours après l’attaque russe contre le territoire ukrainien, Kiev déposait formellement son dépôt de candidature pour intégrer l’Union européenne. Les négociations entre la Commission européenne et l’Ukraine ont formellement débuté le 25 juin 2024, lors de la première conférence intergouvernementale sur l’adhésion de l’Ukraine.
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En cas d’adhésion, l’Ukraine pourrait percevoir entre 10 et 12 milliards d’euros d’aides de la Pac
L’Iddri a étudié l’impact que pourrait entrainer l’adhésion de l’Ukraine sur la Pac. Il estime qu’en cas d’adhésion à cadre constant, le pays pourrait recevoir entre 10 et 12 milliards d’euros d’aides de la Pac chaque année. Cela ferait de l’Ukraine le premier bénéficiaire de cette politique, devant la France qui reçoit actuellement 9,5 milliards d’euros par an. Une autre problématique majeure est le risque de concurrence accrue pour certaines filières. Pour faire face à ces enjeux, le rapport propose notamment de « repenser le système d'allocation des aides directes de la Pac » ou « d'allouer une enveloppe Pac à l'Ukraine décorrélée de sa surface agricole ».
De nécessaires importantes réformes pour assimiler l’acquis communautaire
Du côté ukrainien, l’étude note que, si l’adhésion représenterait « une opportunité certaine pour une partie des exploitations » notamment grâce à l’accès au marché de l’UE et aux aides de la Pac, cela impliquerait aussi d’importantes réformes pour assimiler l’acquis communautaire.
Dans le rapport publié en novembre 2023 par la Commission sur la politique d’élargissement de l’UE, il est indiqué que l’Ukraine est à un « stade précoce » de préparation pour le chapitre « Agriculture et développement rural » note le rapport qui rappelle que le pays est à un stade plus avancé (« modérément préparé ») en ce qui concerne les politiques sanitaires, phytosanitaires et vétérinaires. Quant aux questions environnementales, la Commission estime que l’Ukraine a « un certain niveau de préparation ».
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L’impérieuse nécessité de reconstruire le secteur agricole
En tout état de cause, l’enjeu central de l’adhésion ukrainienne est la reconstruction du secteur agricole. La guerre menée par la Russie a détruit et endommagé une partie des terres agricoles ukrainiennes, des structures et du matériel nécessaires à la production. On estime que 56 milliards de dollars, sur dix ans, seront nécessaires pour remettre l’agriculture sur pied (rachat de machines agricoles, de silos de stockage, de semences et de toutes les infrastructures nécessaires à la production, transformation et distribution de produits agricoles, ainsi que divers investissements destinés à moderniser l’agriculture ukrainienne). Le rapport souligne aussi que d’importants moyens devront également être consacrés au déminage des terres ukrainiennes (plus de 11 millions d’hectares de terres agricoles sont concernés) et à la reconstruction d’infrastructures d’irrigation dans le sud du pays, particulièrement touché par les sécheresses.
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