Aller au contenu principal

Agriculture : quels sont les enjeux d’une adhésion de l’Ukraine à l’UE ? Les réponses de l’Iddri

L’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) vient de publier un rapport intitulé « Le secteur agricole ukrainien : présentation et enjeux à l’aune d’un éventuel élargissement de l’Union européenne ».  Plusieurs pistes de réflexion sont proposées.

enjeux adhésion Ukraine rapport Iddri
L’Ukraine, qui souhaite adhérer à l’UE, va devoir reconstruire son secteur agricole, fortement endommagé par les dégâts causés par la Russie depuis le déclenchement de la guerre en février 2022. (Photo d’archives)
© Nicole Ouvrard

Le rapport de l'Iddri qui présente dans un premier lieu le secteur agricole ukrainien, rappelle que ce dernier est central dans l’économie du pays : il représente 10 % du PIB, près de 15 % de l’emploi et 40 % des exportations. Il fait d’ailleurs remarquer que le développement rural en Ukraine est intimement lié à celui de l’agriculture, qui reste la principale source de revenus pour les habitants des zones rurales, où vit un tiers de la population.

 

 

 

Des micro-fermes de semi-subsistance aux…

Quant à la taille des fermes, le rapport explique que les statistiques officielles ukrainiennes distinguent les exploitations agricoles enregistrées comme entreprises commerciales et les micro-fermes de semi-subsistance, organisées autour du ménage et ne faisant pas l’objet d’un enregistrement. Selon lui, il y a, en Ukraine, entre 4 et 5 millions de micro-fermes qui réalisent 32,1 % de la production du pays. Elles cultivent près d’un cinquième des terres et font, pour la plupart, moins d’un hectare

 

… agro-holdings de plusieurs milliers d’hectares

Les entreprises commerciales agricoles assurent pour leur part 67,9 % de la production, soit une augmentation de plus de six points depuis 2015. Dans cette dernière catégorie, il y a les exploitations familiales comprises entre 50 et 100 hectares et les agro-holdings qui peuvent regrouper plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’hectares. Les dix plus grosses holdings contrôlent 2,6 millions d’hectares, soit 8 % des terres arables ukrainiennes.

 

Déclin des exploitations familiales

Selon l’Iddri, on note depuis 2014 une revalorisation de l’agriculture de semi-subsistance et un déclin des exploitations familiales au profit des agro-holdings. L’institut fait remarquer que  les personnes de nationalité ukrainienne peuvent acheter jusqu’à 100 hectares de terres et, depuis le 1er janvier 2024, les sociétés ayant un siège social en Ukraine (sans possibilité d’entrée au capital pour les investisseurs étrangers) sont également en mesure d’acheter jusqu’à 10 000 hectares de terres agricoles.

 

 

Les Pays-Bas, premier importateur européen de produits ukrainiens

En 2021, l’UE importe principalement des oléagineux d’Ukraine (54 % en valeur) et des céréales (25 %) souligne la rapport qui note que les Pays-Bas sont le principal importateur de produits ukrainiens en Europe devant l’Espagne et l’Italie qui totalisent à eux trois la moitié des importations ukrainiennes à destination du Vieux continent.

Lire aussi : Afflux de céréales d’Ukraine : les agriculteurs des pays de l’Est manifestent leur colère

 

Les négociations entre l’Ukraine et la Commission européenne ont débuté les 25 juin dernier

« L’évolution des mesures et justifications adoptées par la Commission depuis l’invasion russe en Ukraine témoigne du paradoxe dans lequel se trouve l’agriculture européenne : elle est d’une part dépendante des importations de céréales et d’oléagineux en provenance d’Ukraine pour nourrir son cheptel ; d’autre part, les exploitations européennes sont structurellement moins compétitives sur certaines denrées agricoles et redoutent la concurrence ukrainienne » affirme le rapport qui rappelle que le 28 février 2022, soit quatre jours après l’attaque russe contre le territoire ukrainien, Kiev déposait formellement son dépôt de candidature pour intégrer l’Union européenne. Les négociations  entre la Commission européenne et l’Ukraine ont formellement débuté le 25 juin 2024, lors de la première conférence intergouvernementale sur l’adhésion de l’Ukraine.

Lire aussi : « Du seul point de vue agricole, une entrée de l’Ukraine dans l’UE serait une catastrophe », selon Arnaud Rousseau

 

En cas d’adhésion, l’Ukraine pourrait percevoir entre 10 et 12 milliards d’euros d’aides de la Pac

L’Iddri a étudié l’impact que pourrait entrainer l’adhésion de l’Ukraine sur la Pac. Il estime qu’en cas d’adhésion à cadre constant, le pays pourrait recevoir entre 10 et 12 milliards d’euros d’aides de la Pac chaque année. Cela ferait de l’Ukraine le premier bénéficiaire de cette politique, devant la France qui reçoit actuellement 9,5 milliards d’euros par an. Une autre problématique majeure est le risque de concurrence accrue pour certaines filières. Pour faire face à ces enjeux, le rapport propose notamment de « repenser le système d'allocation des aides directes de la Pac » ou « d'allouer une enveloppe Pac à l'Ukraine décorrélée de sa surface agricole ».

 

 

De nécessaires importantes réformes pour assimiler l’acquis communautaire

Du côté ukrainien, l’étude note que, si l’adhésion représenterait « une opportunité certaine pour une partie des exploitations » notamment grâce à l’accès au marché de l’UE et aux aides de la Pac, cela impliquerait aussi d’importantes réformes pour assimiler l’acquis communautaire

Dans le rapport publié en novembre 2023 par la Commission sur la politique d’élargissement de l’UE, il est indiqué que l’Ukraine est à un « stade précoce » de préparation pour le chapitre « Agriculture et développement rural » note le rapport qui rappelle que le pays est à un stade plus avancé (« modérément préparé ») en ce qui concerne les politiques sanitaires, phytosanitaires et vétérinaires. Quant aux questions environnementales, la Commission estime que l’Ukraine a « un certain niveau de préparation ».

Lire aussi : Ukraine : les dégâts et pertes du secteur agricole chiffrés à 80 milliards de dollars par la Banque mondiale

 

L’impérieuse nécessité de reconstruire le secteur agricole

En tout état de cause, l’enjeu central de l’adhésion ukrainienne est la reconstruction du secteur agricole. La guerre menée par la Russie a détruit et endommagé une partie des terres agricoles ukrainiennes, des structures et du matériel nécessaires à la production. On estime que 56 milliards de dollars, sur dix ans, seront nécessaires pour remettre l’agriculture sur pied (rachat de machines agricoles, de silos de stockage, de semences et de toutes les infrastructures nécessaires à la production, transformation et distribution de produits agricoles, ainsi que divers investissements destinés à moderniser l’agriculture ukrainienne). Le rapport souligne aussi que d’importants moyens devront également être consacrés au déminage des terres ukrainiennes (plus de 11 millions d’hectares de terres agricoles sont concernés) et à la reconstruction d’infrastructures d’irrigation dans le sud du pays, particulièrement touché par les sécheresses.

Lire aussi : Ukraine : la FAO et le PAM s’unissent pour déminer les terres agricoles

Les plus lus

Homme et sa jeune fille dans un champ
Près d’un agriculteur sur cinq envisage de cesser son activité dans les douze mois à venir

La FNSEA vient de publier son baromètre d’opinion trimestriel réalisé avec le concours de l’Ifop auprès des agriculteurs…

  Loup avançant dans l’herbe
Combien y’a-t-il de loups en France ? L’estimation de l’OFB contestée par les éleveurs

La dernière estimation du nombre de loups en France calculée par l’Office français de la biodiversité est jugée comme une…

Machine entretenant une haie en bordure de parcelle agricole
Haies : vers un crédit d’impôt de 4500 euros par exploitation agricole

Les sénateurs viennent d’adopter dans le cadre de la PLF 2025 un nouvel article instaurant un crédit d’impôt pour inciter les…

      Jean-Marc Jancovici fondateur du Think tank le Shift project intervenant lors des Controverses de l’agriculture organisées par le groupe Réussir en février 2024.
Jean-Marc Jancovici : quel scénario pour l’agriculture à 2050 préconise le Shift project ?

Le Think tank fondé par Jean-Marc Jancovici présente un premier rapport sur l’agriculture avec des scénarios pour décarboner…

Signature de la fin des négociations entre l'UE et le Mercosur le 6 décembre à Montevideo en Uruguay par Ursula von der Leyen et les représentats du Mercosur.
Accord Mercosur : les réponses aux questions des agriculteurs après l’annonce d’Ursula von der Leyen ?

Après l’annonce de la finalisation de l’accord Mercosur, de nombreuses questions se posent pour le secteur agricole. L’accord…

Agents de l'OFB dans un champ sous un arbre
OFB : les contrôles dans les exploitations agricoles précisés par une circulaire

Les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique viennent de donner des instructions aux préfets et au directeur…

Publicité