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Lait
Yannick Fialip : "on est contraints à une dynamique... et c'est bien pour l'avenir de notre métier"

Yannick Fialip producteur de lait et président de la section laitière de la FDSEA et de la FRSEA, dresse un portrait de la production laitière départementale et de son avenir.

En tant que producteur laitier, comment voyez-vous aujourd’hui l’avenir de cette production pour des zones comme les nôtres ?
Yannick Fialip : Je me suis installé en 1992 à une époque où l’on disait qu’on n’avait plus besoin des zones difficiles pour faire du lait.Aujourd’hui, ce message est dépassé.On a besoin de tous les producteurs et nos zones de montagne ont plus que jamais leur carte à jouer.Parce que la population mondiale augmente et avec elle la demande en produits alimentaires, parce que les prix attractifs des céréales ont incité beaucoup d’agriculteurs à se tourner vers les grandes cultures, nous, producteurs laitiers de Haute-Loire, et plus largement des zones difficiles, avons un bel avenir devant nous.Nous sommes en effet, l’un des derniers départements producteurs de lait au sud de la France, ce qui est une véritable chance au vu du bassin de chalandise du sud et sud-est.Un exemple, la population de l’Hérault augmente de 100 habitants par jour. Ces éléments ont de quoi me rassurer en tant que producteur de lait.

Pour autant, quels sont les freins qu’il faudra lever pour prendre cette place qui semble s’offrir ?
Y.F.: On peut produire plus, mais pour cela nous avons encore des progrès à réaliser.Nos marges techniques et financières se sont réduites notamment en raison de l’augmentation des charges d’exploitation.Il faut donc refaire de la technique, analyser nos résultats d’exploitation, les comparer avec nos voisins, trouver des alternatives pour produire moins cher, pour être plus autonomes. Avec l’aides des différents organismes comme la Chambre d’Agriculture, CERFRANCE Haute-Loire, les boîtes d’agro-fournitures, les spécialistes de la génétiques… nous pouvons encore optimiser nos marges en jouant sur tous les critères qui entrent dans la composition de notre revenu.
Nous devons revenir aux fondamentaux de notre métier.Et, attention, il n’y a pas qu’un seul modèle de développement.Nous devons travailler sur tous les éléments : les volumes de production, la valorisation de nos produits, la diversification de nos productions… et ce en tenant compte des capacités de l’exploitations, de la main d’oeuvre, des évolutions externes à l’entreprise…
Évoluer, s’adapter… c’est ce que chacun de nous doit faire pour rester producteur de lait en Haute-Loire. Mais çà, on sait le faire, on l’a déjà fait.On a démontré à maintes reprises le pouvoir d’adaptation des agriculteurs de Haute-Loire, et le syndicalisme a joué un rôle important dans ces évolutions tant auprès des agriculteurs que des filières.

Comment sur votre exploitation appliquez-vous ce raisonnement ?
Y.F.: Nous sommes en Gaec à 3 associés avec mon épouse et ma mère.Aujourd’hui, nous nous sommes un peu plus spécialisés en bovins lait mais nous avons gardé une activité de diversification avec des ovins pour ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier.Au fil des ans, pour sécuriser notre revenu ou trouver d’autres entrées, nous avons appuyer le financement d’un bâtiment avec la pose de panneaux photovoltaïques, investi dans l’irrigation (NDLR :l’exploitation est située à Espalem dans le Brivadois) pour sécuriser l’alimentation de base du troupeau, et maintenant nous nous engageons dans la dénomination «Montagne»…
L’idée, à travers ces évolutions, a toujours été de garder des marges de manoeuvres sur plusieurs systèmes.Mais cela est gourmand en main d’oeuvre, et déjà, nous nous interrogeons sur les prochaines adaptations pour pallier ce déficit de main d’oeuvre et la suite à tenir au départ en retraite de ma mère.Aujourd’hui, la fragilité de l’exploitation repose sur les ressources humaines…

 

Vous parlez justement de la marque «Montagne».
Quel intérêt y a-t-il à entrer dans cette démarche ?
Y.F.: Cette démarche est nouvelle mais essentielle pour le lait. Avec cette initiative, on n’est plus de simples producteurs de minerai… On s’investit dans la filière et on se préoccupe du devenir du lait qui sort de nos fermes.Nous n’avons plus les systèmes de régulation de marchés qui permettaient d’avoir des prix stables.Nous n’aurons plus les quotas pour des volumes stables.La libéralisation sur le marché du lait nous oblige à nous investir davantage.
Et avec la mise en route d’une marque «Montagne», nous proposons un schéma novateur qui nous laisse 4 ou 5 ans pour nous organiser.Nous sortons de 20 ans de quotas qui nous ont «anesthésiés».Nous démarrons de zéro mais nous prenons en mains le devenir de notre lait.Il faudra du temps…

Autre nouveauté dans le monde agricole et en particulier en lait.C’est au niveau des relations qui lient les producteurs à leurs entreprises de collecte ?
Y.F.: Le paquet lait européen nous a obligés à une nouvelle organisation, pour négocier prix et volumes.Les industriels n’ont pas tous les mêmes stratégies.Aussi il appartient à chaque producteur de s’organiser avec sa propre entreprise, privée ou coopérative. Là aussi les producteurs ont réagi, accompagnés par le syndicalisme, pour avoir des négociations partagées et ne pas subir les directives de leur entreprise.
Et pour ne pas devoir négocier seul, pour avoir une réelle force de persuasion et un poids, les producteurs doivent s’unir au sein d’OP (Organisation de producteurs), ce qui se fait déjà dans beaucoup de pays. Avec cette nouvelle organisation, le producteur reprend toute sa place de livreur facturant la vente de son lait.Il ne va plus simplement attendre les négociations nationales.
Au sein des coopératives, aujourd’hui, le producteur n’est plus suffisamment associé aux décisions ; il faut qu’il reprenne une place en amont.L’administrateur qui a par ailleurs toute légitimité, ne peut plus jouer ce rôle-là. C’est une réflexion qui commence à faire son chemin.

 

Où en est-on aujourd’hui avec les entreprises qui collectent en Haute-Loire ?
Y.F. : On peut dire aujourd’hui que les négociations ont bien avancé chez Bongrain.Elles sont un peu plus difficiles avec les Ets Gérentes, mais on y arrivera.Quant à Lactalis, les producteurs concernés ont rejoint les OP extérieures au département. Pour les coopératives, Sodiaal et Terra Lacta, les réflexions sont en cours.

La fin des quotas approche.Que peut-on dire en matière de volumes de production ?
Y.F.: La Haute-Loire a souvent été bridée.Mais depuis 2 ou 3 ans, sur le bassin laitier Massif-Central, on est le département le plus dynamique en lait.On a bénéficié de retours importants pour l’installation et pour le développement.En 2 ans, ce sont environ 35 millions de litres de lait qui ont été produits en plus en Haute-Loire, passant ainsi de moins de 380 à plus de 410 millions de litres. Et cette année encore, nous enregistrons de nombreuses demandes ce qui est prometteur.
En 1984, on affichait une moyenne par exploitation de 40 000 litres de lait.Aujourd’hui on est à plus de 200 000 litres et on va arriver à 220 voire 230 000 litres. Le risque, c’est de voir une spécialisation en lait au détriment de la diversification.Nous, responsables professionnels, devons faire attention à ne pas destabiliser d’autres productions au profit du lait, tout en accompagnant les exploitations laitières dans leur progression.

Accompagner les exploitations laitières, qu’est-ce que ça veut dire ?
Y.F.: Nous devons être de vrais chefs d’entreprises qui ne peuvent pas tout attendre de l’Europe.Nous devons donc, utiliser toutes les cartes que nous avons en main.Et les services de la Chambre d’Agriculture comme des autres OPApeuvent nous y aider.Nous avons encore de gros efforts à fournir pour augmenter nos marges en optimisant les rations de base, en jouant par exemple sur les dates d’ensilage, de nouvelles cultures, une meilleure autonomie fourragère… 
Le rôle des Chambres d’Agriculture est bien de nous accompagner dans ces évolutions, et non d’être des organismes de contrôle, missions qui sont du ressort de l’administration mais dont l’État aurait tendance à se décharger sur elles.Nous devons veiller à ce que les Chambres encouragent le développement des exploitations et des productions.

Autre variable qui compte sur la production laitière, c’est le prix…
Y.F.: Oui, il faut obliger les industriels à investir sur les outils de transformation et à reprendre des marchés vers l’exportation, pour augmenter le prix du lait en France.Et il faut également développer les créneaux susceptibles d’apporter de la valeur ajoutée comme le lait de montagne… On a la production et on a les outils, on a donc tout pour garder la collecte. Mais si on diminue la production, cela conduira à une désertion des industriels qui ne trouveront plus la matière première sur place.On est donc contraint à une dynamique laitière… et ça c’est plutôt bien pour l’avenir de notre métier, en particulier dans nos zones de montagne.Pour plus d'informations sut ce thème retrouvez nos autres articles sur le journal Haute-Loire Paysanne de cette semaine, parution le vendredi 21 décembre.

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